Depuis quelque temps, il est devenu de bon ton de dénoncer la prolifération des blogs, de se demander "lequel rend le plus idiot, Facebook ou Twitter" et de déplorer, à cause de ces modes de communication d'aujourd'hui, "la décrépitude de la pensée" (Marianne, Le Monde).
A vrai dire, je n'aurais pas eu envie de m'aventurer sur ce terrain si dans un portrait sulpicien de Christiane Taubira par Agathe Logeart (Le Nouvel Observateur), celle-ci bizarrement ne m'avait pas traité de "blogueur compulsif" comme pour me punir de ne pas avoir été un inconditionnel de cette ministre cependant estimée. Compulsif parce qu'écrivant un billet seulement tous les deux jours ? Apparemment je sais ne pas succomber durant un certain temps, sans trop d'angoisse, à cette force prétendue irrésistible.
Mais derrière ce qualificatif qui vise le blogueur, n'est-ce pas plutôt l'exercice du blog qui est incriminé, ce genre étrange où des citoyens se piquent de vouloir écrire sur des sujets réservés aux journalistes et qui, outrage suprême, dament le pion parfois à ceux-ci ?
Je ne suis pas sur Facebook et je n'ai aucune envie de m'y trouver. Je m'adonne aux tweets depuis quelques mois seulement mais j'avoue y prendre un plaisir infini. Je ressens comme une agréable et honorable dépendance. Quant au blog, je le tiens avec le plus de régularité possible depuis le mois de novembre 2005 et au mois d'octobre 2011 j'ai eu le droit de l'élargir à tout ce que ma condition de magistrat m'interdisait.
Je devine que ces procès qui s'en prennent à ce qu'on donne l'impression de ne plus maîtriser sont inévitables.
Il y a eu l'offensive à l'encontre d'Internet avec cette tendance de l'esprit humain paresseux, faute de savoir combattre le pire, de prétendre aussi engloutir, dans le néant, le meilleur. Alors qu'il suffisait et qu'il suffit toujours de prendre ce que la modernité pointue offre et d'en faire un usage lucide et responsable. Ce n'est pas Internet qui est coupable mais les faibles qui s'en rendent victimes.
Pour Twitter, il en est de même.
Immédiatement, sans que j'aie eu même besoin de réfléchir à ce partage, j'ai perçu que le blog s'attacherait non pas forcément à du sérieux et à du grave mais en tout cas à ce qui pour être exposé et discuté exigerait de la place et du temps. Le dérisoire et le futile peuvent avoir droit de cité mais ils ne seront pas obligatoirement traités à la légère. Le blog exige une tenue, une cohérence, une argumentation et s'il s'abandonne aux paradoxes, il ne se défera pas pourtant d'une logique qui tentera de donner du prix à ses foucades. Le blog permet beaucoup mais n'autorise pas tout.
Entre le silence et le blog, Twitter est venu miraculeusement s'intercaler.
En 140 signes - quelle belle ascèse pour les gens qui comme moi n'ont jamais eu le temps pour faire court !-, la pensée (mais oui, elle peut exister), la saillie, la dérision, la moquerie, le sarcasme, l'acidité, l'interrogation, le compliment, la critique, l'analyse (mais sommaire !), l'éloge, la reconnaissance, la nostalgie, l'estime, l'admiration, la détestation, la contradiction, l'information de première main ou reprise sont susceptibles de s'exprimer, se présentent sans fard ni apprêt car la densité obligatoire de la forme contraint le fond à se structurer avec économie mais précision. Ils passent si vite, ces 140 signes, et rien de plus exaltant que d'enlever, de retirer parce que, sans cette opération qui n'est pas un arrachement mais une volupté, cette fragile communication à laquelle on a la faiblesse de tenir ne verrait pas le jour.
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