Atlantico : Vladimir Poutine a signé ce samedi une loi qui impose de dures restrictions à toutes les ONG (organisations non-gouvernementales) financées par l’étranger qui auraient des activités politiques. Est-ce le grand retour de la paranoïa du temps du KGB ?
Boris-Mathieu Pétric : Le pouvoir, et donc Vladimir Poutine, n’a jamais abandonné l’idée de contrôler les flux de personnes, d’idées et de marchandises en provenance de l’étranger. L’Etat doit avoir la capacité de contrôler les entrées et sorties de l’espace national.
Il entend ainsi exprimer sa souveraineté. Cette loi s'inscrit dans cette volonté. Mais à mon avis, c’est un vœu pieux. La société s’ouvre, les flux existent et l’Etat ne peut pas tout maîtriser.
Certains ont décrié l'emploi du terme "agent étranger". N'est-il pas sans rappeler, tout comme ce texte de loi, la période soviétique ?
Depuis la chute de l’URSS, la société s’est transformée. Aujourd’hui, l’opinion publique est diversifiée, il existe différents courants politiques. On ne peut donc pas dire qu'on s’achemine vers la restauration d’un ordre soviétique.
Toutefois, c’est ici une idéologie qui s’exprime : celle du contrôle total par l’Etat. C’est la restauration de l’idée que le politique est capable de tout maîtriser. Aussi, on ne peux pas dire non plus qu'on se dirige vers l'ouverture.
Un des principaux problèmes de la Russie aujourd’hui, c’est l’idée, partagée par l’opinion publique, que les maux de la société russe proviennent de l’étranger, qu’il y a « contamination » de l’extérieur. Tout un courant d’opinion exprime ce rapport xénophobe à l’étranger, envers les populations du Caucase ou d’Asie Centrale. Les ONG aussi sont la cible de ces attaques : l’instabilité ou les conflits que connaît la société russe viendraient de l’extérieur. Évidemment, l’idée est assez courte, puisque les problèmes sont beaucoup plus complexes que ne le laisse entendre cette analyse.
Que nous révèle cette initiative sur le pouvoir russe actuel ?
Il y a, à la fois, cette volonté d’envoyer un signal politique fort à l’égard de l’étranger ; et une chimère : la société russe aujourd’hui est une société ouverte, inévitablement marquée par les influences de l’extérieur. Les idées circulent, que ce soit par Internet ou la télévision. Cela montre que le pouvoir ne se prépare pas à l’émergence de ces idées, qu’il ne pourra pas contrôler par une simple loi.
C’est donc un signe de faiblesse de la part du pouvoir russe ?
D’une certaine manière, oui.
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