Le marché automobile français vient encore de chuter de 18,3 % au mois de septembre. Les énormes surcapacités attisent une guerre des prix que Sergio Marchionne, le PDG de Fiat, a qualifiée de « bain de sang ». Dans ce contexte, les dirigeants de Renault et de PSA répètent que le coût du travail est trop élevé en France, ce qui les oblige à fermer leurs sites de production hexagonaux. Le montant de nos charges sociales contraindrait à délocaliser vers des pays à bas coût de main-d’œuvre. Ce serait la seule manière de maintenir les marges sur les petites voitures dont le prix – et les volumes de vente – baissent dangereusement.
Pourtant, notre pays héberge une usine automobile qui semble défier cette logique.
C’est celle de Toyota à Onnaing, près de Valenciennes. Comment expliquer qu’alors que la nouvelle Clio 4 sera surtout produite en Turquie et que PSA s’apprête à fermer Aulnay, Toyota vienne d’annoncer un investissement supplémentaire de 8 millions d’euros dans son usine nordiste, afin de produire en France des Yaris destinées au marché américain ? La Yaris est vendue dans la même gamme de prix que la Clio, la C3 ou la 208, mais Toyota peut apparemment continuer à la produire en France. Pourquoi ?
Cela s’explique essentiellement par deux raisons :
- Tout d’abord, l’usine d’Onnaing est récente : elle a été inaugurée en juin 2001 et vient donc de fêter ses 11 ans. À titre de comparaison, l’usine PSA d’Aulnay a 39 ans et celle de Sochaux est centenaire. Or, dans l’industrie automobile, de manière générale, la productivité d’une usine est inversement liée à son âge : plus elle est ancienne, moins elle est rentable. Cela s’explique par la plus grande modernité des équipements, par une optimisation accrue des bâtiments (l’usine d’Onnaing ne comporte qu’un seul bâtiment ; avec 130 000 mètres carrés, c’est l’un des plus compacts au monde pour ce type de production), mais aussi par le fait que le personnel est plus jeune et donc moins coûteux. Soulignons tout de même que la main-d’œuvre ne représente que 8 à 20 % du coût d’une voiture pour un constructeur. Le coût du travail n’est donc pas le principal vecteur de compétitivité des usines.
- Deuxièmement, Toyota a pris soin de déployer à Onnaing sa fameuse méthode de management et de gestion de production : flux tendus, stocks réduits, qualité totale, partenariats mutuellement bénéfiques avec les sous-traitants, responsabilisation des opérateurs. Tout cela tranche avec la tradition de l’automobile française, où les usines sont souvent des bastions historiques de luttes syndicales et où une large part de la productivité est obtenue par la pression exercée par les services achats sur les équipementiers et les sous-traitants. Certes, le toyotisme a dû être adapté au contexte français (un mouvement social a ainsi éclaté à Onnaing peu après le séisme et le tsunami de mars 2011, ce qui a beaucoup choqué au Japon), mais il a réussi à conserver une grande part de ses spécificités.
Au total, Toyota peut donc s’enorgueillir de faire la preuve qu’il est encore possible de produire des voitures en France. Plus de 2 millions de Yaris – dont seulement 15 % sont destinées au marché français – sont sorties de l’usine d’Onnaing depuis 2001. Cela dit, cette fierté ne doit pas faire oublier que le constructeur japonais est lui aussi frappé par la crise. Si le site emploie aujourd’hui 4 300 salariés, 1 300 d’entre eux sont des intérimaires. Or, après avoir prévu de recruter 1 000 salariés supplémentaires en 2011 (dont la moitié d’intérimaires) Toyota a finalement annoncé en juin dernier que le contrat de 600 intérimaires ne serait pas renouvelé. Par ailleurs, la rentabilité du site reste à parfaire : depuis le début de la crise en 2007, les trimestres positifs restent rares.
Il n’y a donc pas de secret derrière le succès industriel de Toyota en France, mais une usine récente et un management différent. En temps de crise, c’est loin d’être négligeable.
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