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L’iPhone (pas franchement) low cost débarque
©Philip FONG / AFP

La Minute Tech

Apple va bientôt proposer un nouveau modèle de téléphone. Ce nouveau smartphone, présenté comme un "iPhone low cost", pourrait bien révolutionner le marché.

Gilles  Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la Rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek,  l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCHtv  la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux Loisirs.

Il est le co-auteur avec Marc Geoffroy d’iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

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Atlantico.fr : Apple s'apprête à lancer un nouvel iPhone low cost. Ce nouveau smartphone doit arriver sur le marché dès le mois de mars. Cette sortie marque une étape importante pour Apple, il s'agit en effet du premier iPhone low cost jamais lancé. Selon des précisions de Bloomberg, ce modèle pourrait ressembler à l'iPhone 8 avec Touch ID.

Quelles sont les spécificités de ce nouveau smartphone ? Les consommateurs et les inconditionnels d'Apple pourraient-ils être séduits par ce nouveau modèle ? 

Gilles Dounès : Il ne faudrait pas se mettre à croire au Père Noël : si Apple sort en mars prochain, comme c'est désormais entendu même si le coronavirus peut bouleverser la chaîne d'approvisionnement d'Apple en Chine, un iPhone plus abordable parce que de plus petite taille, comme la marque à la Pomme déjà fait en mars 2016, ce ne saurait en aucun cas un produit « Low cost » et encore - un iPhone au rabais. Bien au contraire, Interrogés à de multiples reprises sur cette problématique, Steve Jobs et Tim Cook après lui ont constamment répondu qu'Apple se contenterait de proposer des produits dont la marque serait fière, et s'abstiendrai toujours de rentrer dans la spirale déflationniste dans laquelle ses concurrents se sont laissés entraîner, sur la tablette après le smartphone, sur le smartphone après le baladeur et le baladeur après l'ordinateur. Ce qui n'empêche pas la marque à la pomme de proposer au coup par coup des versions plus accessibles de ses produits.

Néanmoins, si l'on en croit des rumeurs assez remarquablement persistantes depuis l'automne, le nouvel iPhone devrait reprendre la formule gagnante de la précédente « cuvée de printemps » lancée en mars 2016 : une électronique puissante, issue d'un modèle récent, avec un écran et un design tirés d'un modèle plus ancien, avec en particulier un écran de plus petite taille que la gamme actuelle. En l'occurrence, il pourrait s'agir de la puce A13 de l'iPhone 11, avec l'écran 4,7 pouces de l'iPhone 8, ce qui est d'ailleurs cohérent avec la rumeur selon laquelle Apple aurait demandé à TSMC son nouveau fondeur attitré d'accroître sa production de chipset A13, et même si cela a généralement été attribué au succès de l'iPhone 11. Le tout avec le déverrouillage par le capteur d'empreintes digitales de l'iPhone 8 toujours, sans dispositif de reconnaissance faciale, pour rester vraisemblablement sous la barre symbolique des 500 $.

Après les critiques sur l'obsolescence programmée, les perspectives d'un Apple low cost ne seraient-elles pas synonymes automatiquement d'un téléphone potentiellement de moins bonne qualité que le marché actuel et donc exposer la firme à des critiques et à un désamour de la part des consommateurs ?

Attention : ce nouvel iPhone « de poche », ou mini tel qu'il pourrait également être baptisé, est tout sauf un iPhone au rabais tel qu'il est annoncé. Pour bien situer les choses, ce sont les caractéristiques techniques du dernier modèle de moyenne gamme qui a rencontré un énorme succès au dernier trimestre, dans le facteur de forme de l'iPhone 8, c'est-à-dire la diagonale d'écran la plus réduite de la gamme actuelle.

Ensuite, il faut vraiment être clair par rapport à Apple et l'obsolescence programmée : c'est de « l’Infox », et les organisations environnementalistes qui ont fait le choix d'utiliser la notoriété de la marque pour avancer leurs pions ont réussi dans ce que l'on pourrait appeler « stratégie de la goutte d'eau ». Asséner communiqué de presse après communiqué de presse une « pseudo-information » que l'on sait pertinemment fausse pour en faire une évidence indiscutable, afin de peser sur la législation. Les activistes actuels n'ont d'ailleurs rien inventé : en 2003 un collectif baptisé Computer Take Back Campaign avait entrepris de se servir de l'effervescence médiatique autour du succès de l'iPod pour attirer l'attention sur la problématique des déchets électroniques aux États-Unis, stratégie poursuivie par Greenpeace en Europe pour peser sur les Directives environnementales successives : déchets électroniques, prévention des risques sur les substances dangereuses, réduction des émissions de gaz à effet de serre et utilisation des énergies renouvelables. C'est exactement ce à quoi on a assisté au sujet de l'obsolescence programmée, et peu importe si Apple fait figure de bon élève en la matière, pour des raisons qui sont propres à son modèle économique mais également par conviction de sa responsabilité environnementale. Mais la goutte d’eau a réussi à trouver son chemin à travers un « Karst journalistique » de plus en plus poreux. 

D'un point de vue industriel, Apple est aux antipodes d'une stratégie d'obsolescence programmée, puisque le cycle de renouvellement de l'iPhone est beaucoup plus long que celui de ses concurrents sous Android. Si l'on considère les derniers chiffres disponibles, Asymco  estime à 1,5 milliards les appareils actifs sous iOS fin 2019, dont 1 milliard pour le seul iPhone, contre 2,5 milliards pour Android dans son ensemble, tablettes, smartphones et tous constructeurs confondus. Si l'on estime à 2 milliards la part du smartphone dans la base installée Android (l'iPad prend à lui seul 50 % du marché des tablettes), l'iPhone représente 30 % du total des smartphones en activité dans le monde, largement au-delà 18 à 20 % de ses parts de marché en volume. La raison est simple : le terminal d'Apple a une durée d'utilisation beaucoup plus longue que celle de ses concurrents, avec un marché de l'occasion beaucoup plus vivace que celui d'Android. Il suffit également de regarder autour de soi : l'iPhone acheté neuf par le membre de la famille le plus « techno sensible » change fréquemment de propriétaire à deux ou trois reprises, avant de passer sous le radar des cabinets d'analyse en trouvant, déconnecté et transformé en iPod ou en console de jeu portable, une troisième ou quatrième vie auprès des plus jeunes générations.

Cela tient à la fois du prix initial payé par l'acheteur, qui incite à le faire durer et à ne pas s'en débarrasser pour un an, mais également par la valeur intrinsèque mise par Apple dans ses terminaux : iOS 13 la dernière version de son système d'exploitation peut ainsi être installée sur la génération de l'iPhone 6S en qui date de septembre 2015, et  de septembre 2015 ; tout porte à croire que que ce sera également le cas pour iOS 14 prévu pour septembre 2020. Les utilisateurs d'Android peuvent-ils en dire autant ?

En fait, à la différence de ses compétiteurs dans le modèle économique reposent en grande partie sur la collecte et le trafic des données personnelles de leurs utilisateurs en contrepartie du prix modéré de leurs terminaux, Apple a choisi de faire reposer le sien sur le prix et la valeur « réelles » de ses terminaux, ainsi que sur la commercialisation de services (désormais de plus en plus par abonnement) dont là capacité à se rentabiliser repose sur sur l'importance de la base installée. C'est-à-dire la conservation au maximum de l'activité des appareils déjà vendus, puisque la maturité du marché fait qu'il est impossible d'augmenter les ventes à l'infini : toutes choses incompatibles avec la mise sur le marché d'appareils « au rabais ».

Quelle est la stratégie d'Apple derrière ce choix ? La sortie de ce nouveau modèle peut-elle permettre à la firme de reconquérir des parts de marché importantes et d'être plus compétitive après un recul ces derniers mois face à ses principaux concurrents dans le secteur de la téléphonie ?

Les dirigeants d'Apple  ont toujours réaffirmé qu'ils préféraient qu'un de leurs nouveaux produits « cannibalise » un produit voisin dans leur gamme, plutôt que des clients potentiels aillent dépenser leur argent dans la concurrence. Comme Pour l’IPhone SE, la marque répondrait  à  la demande d'une partie du marché qui préfère les appareils de petite taille pour leur compacité et leur facilité de rangement, quitte à se contenter d'un écran d'une diagonale réduite. De la même manière, Apple avait fini par se résoudre à proposer des modèles à écran surdimensionné parallèlement à chaque nouveau modèle, pour satisfaire le marché asiatique.

Ici encore, il faut se méfier des idées reçues : Apple est passé devant Samsung et le reste de ses concurrents au dernier trimestre. Il est possible que le vieillissement de l'iPhone SE, puis son non-remplacement ait contribué au fléchissement des ventes de l'iPhone ces deux ou trois trimestres derniers, mais ce qu'il est important de considérer c'est la base installée, qui permet encore une fois à Apple d'asseoir le volet de sa stratégie basée sur les services. Le cycle de renouvellement de l'iPhone s'est peu à peu allongé, au-delà des deux ans du modèle économique initial établi au lancement de l'iPhone pour coller au modèle économique alors adopté par les opérateurs. « Tant que l'appareil fonctionne et qu'il donne satisfaction, pourquoi le changer », se disent les utilisateurs, alors que ceux-ci préfèrent visiblement investir dans une nouvelle catégorie de périphériques que sont les AirPods et l'Apple Watch ? 

Enfin, il est vraisemblable que les utilisateurs de l'iPhone SE accueillent avec enthousiasme son remplaçant, comme l'iPhone 11 a conduit les utilisateurs de la marque à renouveler leur terminal. Mais, dans un marché du smartphone arrivé à maturité, et bientôt à saturation, l'iPhone est tout sauf en perdition. Si l'on estime 30 % la part de iPhone dans l'ensemble des terminaux mobiles actuellement en activité, celui-ci est largement au-delà des seuls 18 à 20 % de parts de marché nécessaires pour obtenir la première place au classement des ventes trimestrielles.

Ce positionnement stratégique pour Apple peut-il être avantageux et particulièrement efficace dans le cadre de l'arrivée imminente de la 5G et pour les années à venir ?  

Tim Cook a souligné voici quelques jours, lors de la session trimestrielle de questions réponses avec les analystes, à quel point l'avancée du déploiement des réseaux 5G était disparate dans les différentes régions du monde, et il est peu probable qu'Apple se lance dans l'aventure avec ses terminaux mobiles avant que les opérateurs n'aient déployé des réseaux de nouvelle génération d'une densité suffisante, c'est-à-dire probablement en septembre lors du prochain renouvellement de la gamme.

Par le passé, c'est l'iPhone qui a servi de locomotive à l'adoption des nouvelles générations de réseaux : l'iPhone 3G pour le réseau du même nom, l'iPhone 5S il iPhone 5c pour la 4G : il y a fort à parier que l'iPhone 12 joue un rôle comparable à partir de septembre prochain.

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