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Eric Zemmour : l'interview post-Charlie, "apartheid" : le mot qui jette de l'huile sur le feu ?, Charlie Hebdo : la face cachée
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Revue de presse des hebdos

Mais aussi Malek Boutih, premier concepteur de "l'apartheid français", la réponse de Hamé, du groupe La Rumeur, à la proposition de l'ancien patron de SOS Racisme de "mettre sous tutelle" les quartiers, et, et, et... le geste sans parole de Nicolas Sarkozy à propos de la primaire 2016 à droite. Pas calme, explosive, même, la revue de presse des hebdos !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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Dans la revue de presse, la semaine dernière, il a pas mal été question de liberté d'expression. Le sujet est toujours d'actualité ce jeudi, ou plutôt, celui de l'expression tout court — de la manière dont on s'exprime, dont on formule les choses. Vous voyez où on veut en venir ? A un certain mot employé par le Premier ministre, Manuel Valls, qui agite pas mal le landerneau... au mot "apartheid".

"L'insupportable dérive rhétorique"

"L'insupportable dérive rhétorique", c'est le titre de la chronique de Christian Makarian dans "L'Express"... "Si la situation globale de la France s'apparentait en quoi que ce soit à l'apartheid, par quel terme dépréciatif faudrait-il désigner les millions de Français issus de l'immigration nord-africaine qui respectent les lois ?", s'insurge le journaliste. Mais il y a "plus grave", dit-il : "rapprocher la France d'une forme d'apartheid, même "civilisé", correspond à la ligne de discours des salafistes ou autres fondamentalistes, qui dénoncent la loi républicaine laïque comme une discrimination raciale". Il eût mieux valu, conclut Makarian, faire comme Angela Merkel qui a reconnu que "le modèle d'une Allemagne multiculturelle (...) avait "totalement échoué"". Il eût peut-être mieux valu, en effet. Mais ne précipitons pas les choses, a fortiori les conclusions, déroulons les points de vue et les opinions...

"Apartheid" : le premier qui l'a dit

"L'Obs" a-t-il autant de préventions contre l'emploi du mot "apartheid" ? A en juger par ses "Douze mesures contre l'apartheid", proposées notamment par Martin Hirsch ("Développer le service civique"), Benjamin Stora ("Créer une université populaire et pluridisciplinaire") ou la sénatrice Esther Benbassa ("Instaurer des statistiques ethniques"), le mag ne semble pas choqué outre mesure par ce terme. Fait parlant ? "L'Obs" consacre trois pages à Malek Boutih, "enfin prophète en son parti", qui, d'après le mag, parlait d'"apartheid" et de "politique de peuplement" (...) avant que (Manuel Valls) ne fasse polémique en employant les mêmes expressions la semaine dernière".

La faute des socialistes et de François Mitterrand selon Malek Boutih

Pour l'ancien patron de SOS Racisme, la faute originelle remonte "au lendemain de la victoire de 1988. Les socialistes font campagne sur le thème de la France unie, mais ils apportent une réponse de technos sur les banlieues avec le choix d'une politique pour la ville et non pour les gens. (...) Ce qu'ils veulent, c'est que les gens aient tout dans leur quartier, qu'ils n'en sortent pas et surtout qu'ils ne viennent pas en centre-ville". Sévère avec son camp, Malek Boutih...

Quand Malek Boutih exige "la mise sous tutelle" des quartiers concernés

Les mots qu'emploie Malek Boutih auraient-ils quelque peu dépassé sa pensée ? Ses déclarations, au lendemain des attentats, ont, en vérité, fait frémir plus d'un socialiste, comme Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray cités dans le journal. Qu'avait-il dit, alors, l'ex-patron de SOS Racisme ? "L'Obs" nous le résume : "Non, "les questions sociales n'expliquent pas les meurtres". Oui, "nous avons affaire à des islamo-nazis"". Last, but not least, "les attentats seraient également de la responsabilité d'"élus locaux corrompus"", en conséquence de quoi il faut ordonner ""la mise sous tutelle" des quartiers concernés". Ah, l'y est pas allé de main morte, quand même... Interviewé dans les pages "Débats" de l'hebdomadaire aux côtés de Lilian Thuram, le rappeur Hamé du groupe La Rumeur, ne le loupe pas, d'ailleurs. Vous allez dire : "Oh, bah, la parole d'un rappeur..." Avissss ! Ce que dit Hamé est des plus intéressant...

"Ce sont les irresponsables qu'on place sous tutelle"

Face à la proposition de "mise sous tutelle" de Malek Boutih, "qui a encore manqué une occasion de se taire", note-t-il dans "L'Obs", Hamé fait cette remarque : "Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les irresponsables qu'on place sous tutelle. A moins de considérer que les gens des quartiers sont des aliénés ou d'éternels enfants !" Le rappeur le reconnaît, dans le même temps : "Oui, il y a des ghettos en France. Nous avons grandi avec ces murs invisibles qui ne donnent accès qu'à telle partie de la ville, qu'à tel type d'emploi (...). Le ghetto existe aussi dans les regards qui assujettissent, et en soi-même, lorsqu'on finit par intérioriser le fait qu'on mérite cette condition". Que faut-il faire alors ? Si on a bien suivi Hamé, le contraire de ce qui est en train de se produire actuellement...

De "l'apartheid" à l'ethnicisation

"On exige des musulmans, de façon plus ou moins explicite, de se désolidariser des frères Kouachi et de leur épopée meurtrière, comme si cela allait de soi, déclare Hamé à "L'Obs". C'est leur faire insulte. C'est leur demander un début de preuve pour leur décerner un "brevet de bon musulman". C'est confessionnaliser le débat, et sans le dire l'ethniciser". Ethniciser le débat, n'est-ce pas ce que fait Manuel Valls en employant le mot d'"apartheid" ? N'est-ce pas courir le risque de jeter de l'huile sur le feu ?

"Apartheid" : le mot qui jette de l'huile sur le feu ?

C'est exactement la question que soulève le sociologue Julien Damon dans "Le Point". "La "politique de peuplement" prônée par Manuel Valls (...) risque de n'être qu'une révision paramétrique des outils alambiqués de la politique de la ville, écrit-il. Si elle devait être explicitement ciblée sur des groupes ethniques ou religieux, elle ferait bondir. Car ces approches, avec leur grandiloquence, en termes d'apartheid et de peuplement, lèvent le lièvre des tensions ethniques et religieuses en France. On doit reconnaître que Manuel Valls sait mettre les pieds dans le plat, et là où ça fait vraiment mal. Reste à savoir ce que sont les orientations qui peuvent vraiment faire du bien. Et à qui prioritairement..." Hou, ça grince, là, et pas dans les coins...

Zemmour : l'interview post-Charlie

Et puisqu'on parle de jeter de l'huile sur le feu, roulement de tambour... Eric Zemmour est de retour ! L'auteur du "Suicide français" a en effet accordé une interview au "Point" dans le cadre d'un entretien avec... tadam !, Nicolas Baverez, auteur de "La France qui tombe". Chouette programme - et revigorant, dis donc ! Après lecture de l'échange, qui s'étale sur six pages, vous étonnera-t-on si l'on vous dit que l'économiste "décliniste" est le moins pessimiste des deux ? Comparé à Zemmour, Baverez fait même figure de joyeux luron. Il n'a pas, non plus, à en juger par leur discussion enflammée et leurs oppositions récurrentes sur les points abordés au cours du débat, tout à fait les mêmes conceptions que le journaliste sur la question de l'islam et de l'immigration... Faute de place, et respect du droit de citation aidant, on va devoir — sorry — se concentrer sur "l'essentiel" des interventions de Zemmour, mais on vous invite, en vrai, à lire l'entretien tout entier. Zêtes prêts ? Quand faut y aller, faut y aller... Rahaaa !

Les musulmans, ou "le peuple dans le peuple"

A propos de la mobilisation du 11 janvier, après un retour sur l'Histoire et l'affirmation que "chaque fois que le peuple français apparaît réconcilié, (...) cela se termine mal", Eric Zemmour souligne qu'"on a pu (...) vérifier l'absence, dans ces manifestations, de ceux qui forment désormais un peuple dans le peuple puisque chacun a noté la faiblesse de la participation des musulmans dans cette mobilisation. Depuis une trentaine d'années, on a laissé prospérer un peuple dans le peuple, avec son Dieu, ses valeurs et ses référents". Ca commence allègrement, hein ? Mais ça ne fait que commencer...

Islam, islamisme = la même chose ?(!)

Eric Zemmour ne fait-il aucune différence entre islam et islamisme ? On peut se poser la question. Un peu plus loin dans l'entretien, il parle en effet de "l'idée absurde, propagée par des non-musulmans qui prétendent mieux connaître l'islam que les musulmans eux-mêmes, selon laquelle l'islamisme n'aurait rien à voir avec l'islam..." Un peu plus loin, encore, il souligne que "L'événement fondamental n'est pas le retour de la religion en général, mais l'avènement de la religion musulmane. L'islam est une mondialisation en soi. Que se passe-t-il avec la "salafisation" de l'islam, sinon une mondialisation de l'islamisme ? L'islam ne connaît ni nations, ni frontières". Vous avez noté le passage de la "mondialisation de l'islamisme" à "l'islam (qui) ne connaît ni nations, ni frontières". Troublant, n'est-il pas ?

L'immigration, "terreau de l'activisme islamique"

A deux reprises, enfin, et pour finir, Eric Zemmour fait le lien entre "immigration" et activisme radical. Il évoque ainsi "une France mondialisée par une suppression des frontières qui a entraîné l'entrée massive, depuis quarante ans, d'une immigration qui nourrit, quoi qu'on dise, l'islam radical". Il le redit, plus bas, dans l'entretien : "C'est l'Etat de droit européen qui nous interdit de limiter une immigration qui est quand même, il faut bien l'admettre, le terreau de l'activisme islamique". Enfoncée, pour le coup, la "polémique apartheid" !

"La face cachée de "Charlie Hebdo"

C'est bon, vous avez repris votre respiration ? On aimerait vous apaiser, las, ce n'est pas au menu de la semaine, du mois, de la période, quoi... Puisque le nom de "Charlie Hebdo" a été ici, maintes fois, lâché, qu'il nous obsède et que nous débattons du choix des mots, de l'expression et de l'usage qu'on en fait, Renaud Revel nous apprend dans "L'Express" que Denis Robert présentera, en ouverture du Festival de la BD d'Angoulême, un "film urticant" intitulé "Cavanna même pas mort" — Cavanna, comme François Cavanna, le dessinateur et co-fondateur de "Charlie-Hebdo", disparu il y a tout juste un an (le 29 janvier, exactement), oui, vous avez tout compris. Le pitch ? "Les coulisses de la famille "Charlie" et (...) les raisons qui l'ont vue se déchirer en silence, sur fond d'une bataille de pouvoir et d'argent. Mort sans fortune, François Cavanna, qui disposait de seulement 0,4 % du capital de "Charlie", fut en grande partie spolié". Ca risque d'"urtiquer" et de pas mal secouer, en effet ! N'en jetez plus ! Pétard, tu parles d'une semaine ! C'est la loi des séries, ou quoi ?

Nicolas Sarkozy : le geste plutôt que la parole

Mais il en est qui se passent fort bien de mots (ou de dessins) pour exprimer leurs pensées... Dans un de ses "Exclusifs", "L'Express" rapporte en effet : "Alors qu'un chef d'entreprise l'interrogeait, en privé, sur ce qu'il pensait de la primaire à droite en 2016, Nicolas Sarkozy a préféré répondre par un geste : en l'occurrence, un bras d'honneur..." Il est vrai que c'est assez parlant. Sur ce, bonne semaine, les gourmands de l'info !

A lire, encore

Entre la polémique "apartheid" et le retour de Zemmour, on a un peu été obligé de remiser le gros dossier "Chirac" du "Point" et les bonnes feuilles — croustillantes — du livre de Béatrice Gurrey, "Les Chirac", publié chez Robert Laffont. Si vous avez le temps et l'envie, ça se laisse lire...

Pour leur numéro 1000, "Les Inrocks" se sont fendus d'un "numéro spécial" bâti sur l'air du "Je me souviens" de Georges Pérec. En clair, 1000 "Je me souviens", ou 1000 souvenirs des collaborateurs - et de quelques interviewés (pas beaucoup, hélas) - du magazine. C'est assez drôle, souvent touchant, mais, à la longue, un peu barbant... Bon, pour la route, et parce qu'il y a quand même des pépites, on vous en donne un, de "Je me souviens", signé Arnaud Viviant : "Je me souviens que François Hollande avait exigé un droit de réponse après un édito que j'avais écrit sur lui et qui s'intitulait : "Hollande, juste au-dessus du niveau de la merde"". Houlà, couillu, le Nono, hmmm ?!!

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