Temps de cerveau disponible : un an d'idées reçues sur l'économie véhiculées par les programmes télé<!-- --> | Atlantico.fr
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"Toutes ces émissions ressemblent à de la propagande de nostalgiques de la planification et du protectionnisme conservateur."
"Toutes ces émissions ressemblent à de la propagande de nostalgiques de la planification et du protectionnisme conservateur."
©Flickr

Revue d'analyse financière

Les émissions de télévision consacrées à l’économie diffusent à longueur de programme des idées reçues, issues d’un post-marxisme plus ou moins implicite et surtout complètement obsolète.Tour d'horizon.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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La sphère publique de l’éducation et des médias a en France un fonctionnement de nature quasi soviétique. Elle s’oppose en permanence à la sphère de l’économie de marché qui est elle ouverte sur le monde. Des innovateurs dans un garage, c’est insupportable pour les fonctionnaires de Bercy. La droite est d’ailleurs aussi archaïque que la gauche. Elles  veulent sans arrêt sauver des diplodocus alors qu’il faudrait favoriser l’agilité. Les manuels d’économie destinés aux élèves sont choisis par les syndicats de professeurs qui font la promotion du magazine "Alternatives Economiques" et des économistes d’Attac. France 2 notamment ne cesse de démolir l’économie de marché.

Cette mauvaise éducation économique de gauche comme de droite est confortée par un pouvoir qui n’ose prendre le contrepied des idées reçues, issues d’un post-marxisme plus ou moins implicite, obsolète mais toujours présent. Pour se faire une idée de la situation, il n’ y a rien de mieux que de regarder les émissions de télévision consacrées à l’économie. Tel est l’exercice que je me suis imposé depuis le début de l’année. Le résultat est éloquent.

Les inégalités de la société seraient le résultat des spéculations des banquiers et de la soumission des industriels aux lois du marché. Tous ces acteurs se réclamant d’idées libérales pratiquant l’évasion fiscale et polluant la planète.

"Inégalité pour tous" (Canal+ - 29/04/2014)

Diffusion d’un documentaire réalisé par Jacob Kornbluth, réalisateur américain. Aux Etats-Unis les 400 personnes les plus fortunées possèdent autant de richesses que les 150M d’américains les plus pauvres. Robert Reich, ancien ministre du Travail de Bill Clinton, en conclut que la stabilité de la société américaine est menacée. La classe moyenne ne parvient plus à garder la tête hors de l’eau. Il n’y a que du réquisitoire dans ce documentaire qui oublie de mentionner les nombreux emplois qui sont créés par l’économie américaine et les milliards de personnes dans le monde qui sont sorties de la pauvreté depuis quinze ans.

"Confessions d’un banquier" (Arte - 17/06/2014)

Rainier Voss, banquier, se prenait pour le maître du monde. Marc Bauder, le réalisateur, livre une version politiquement correcte du film de Martin Scorcese "Le Loup de Wall Street". Les banquiers ont un sentiment de puissance absolue et sont déconnectés du monde réel. On est dans la caricature totale comme si aucun banquier ne se donnait du mal pour financer des entrepreneurs.

"La drôle d’histoire des banques françaises" (Arte - 01/04/2014) est racontée par Guy Girard et Antoine Girard-Bloc. Ils avaient déjà réalisé "Goldman Sachs la banque qui dirige le monde" et "Noire Finance". Pour eux le système bancaire s’est progressivement structuré mais les tenants de la régulation ont peu à peu perdu pied face aux libéraux. Le libéralisme, voilà l’ennemi.

"Evasion fiscale. Le hold up du siècle" (Arte - 10/09/2013)

Les grandes entreprises aux chiffres d’affaires "ahurissants" déploient des trésors d’ingéniosité pour échapper au fisc de leurs pays d’origine et payer le moins d’impôts possible voire pas du tout. Xavier Harel, ancien journaliste de La Tribune, démontre les combines d’Amazon, de Starbucks, d’UBS et Colgate Palmolive. C’est dommage qu’il ne pose pas la question de savoir pourquoi l’Europe ne s’est pas emparée efficacement de ce dossier.

"Triche industrielle" (LCP-Public Sénat - 05/04/2014)

Tristan Thil, réalisateur, décrit dans son documentaire "trente ans de privatisations, d’endettement et de soumission aux lois du marché". Tout cela a produit en France une désindustrialisation du pays avec 900 usines fermées ces deux dernières années. Quant aux "maitres de forge", ils ont déserté leurs usines pour aller s’enrichir dans la finance. On peut s’interroger sur le fait de savoir si c’est la mission d’une chaîne publique entièrement financée par les contribuables de diffuser des documentaires aussi orientés.

"PSA Aulnay : les mots de la fin" (LCP-Assemblée Nationale - 10/06/2014)

Francine Raymond et Ludovic Frossard, journalistes, ne se sont concentrés que sur ceux qui ont décidé de se battre jusqu’au bout. Les trois mille salariés sont selon eux les oubliés du dialogue social. Pour une fois, ils ont donné la parole à la direction et évoqué les divisions entre grévistes et non grévistes. Un bon point.

"La tragédie électronique" (Arte - 20/05/2014)

Selon Cosima Dannoritzer, la réalisatrice, plus des deux tiers des déchets électroniques échappent aux filières du recyclage et nourrissent des trafics qui mènent en Afrique et en Asie. Le Ghana est transformé en dépotoir du monde occidental pour les déchets électroniques. En Chine, 80% de la ville de Guiyu vit du recyclage sauvage. Pourquoi ne pas montrer tout le travail qui est fait en France sur ces sujets ?

Dans nos assiettes, nous avons du porc et du poulet élevés en batterie et du chocolat produit par des trafiquants d’enfants

"Les travers du porc" (France 5 - 08/09/2013)

Le documentaire de Pierre Toury montre les ravages des éleveurs intensifs qui entassent les animaux sur des caillebotis et calculent au grain près les rations de nourriture. La qualité est sacrifiée sur l’autel du rendement, les producteurs sont asphyxiés par la grande distribution. Pourquoi ne pas expliquer que le low cost à outrance ne peut pas se produire avec des produits de qualité ?

"Poulet : révélations sur la viande la moins chère" (M6 Capital - 06/05/2014)

Thomas Sotto, le réalisateur, montre que les industriels bourrent les poulets d’antibiotiques tout en faisant de leur existence un véritable enfer.

"Le goût amer du chocolat" (France Ô - 30/04/2014)

Miki Mistrati, le réalisateur danois, nous montre les dessous de la production de cacao en Côte d’Ivoire où des trafiquants amènent des enfants du Mali ou du Burkina Fasso pour récolter les cabosses dans les champs.

Pourquoi ne pas en profiter pour montrer que la répartition  de la valeur ajoutée d’une tablette de chocolat est de 3% pour l’agriculteur, 5% pour les taxes et les négociants, 12% pour le transport et le stockage 27% pour la fabrication, 10% pour le marketing et 43% pour la marge de distribution ! (source Financial Times 24/06/2014

"Chlordécone : poison durable" (LCP Public Sénat - 15/03/2014)

Le Chlordécone est un pesticide non dégradable. Il a été largement répandu dans les plantations de bananes de la Martinique et de la Guadeloupe entre les années 1970 et 1980. Il était destiné à lutter contre le charançon noir qui ravageait les plantations. Interdit à partir de 1976 aux Etats-Unis, il a été utilisé aux Antilles jusqu’en 1993. Les élus et les pouvoirs publics se renvoient bien évidemment la balle. L’économie de marché est toujours responsable mais les élus jamais !

Toutes les matières premières que nous utilisons sont en train de détruire la planète

"Pétrole, une histoire sans fin" (LCP Public-Sénat - 19/04/2014)

L’économie mondiale est sous haute dépendance énergétique lancée dans une folle course à l’or noir. Anne-Fleur Demaistre, la réalisatrice, montre que "le pétrole est planqué dans nos bouteilles en plastique, nos fringues ou à la pointe de nos ongles vernis". Notre chaine publique devrait programmer un documentaire sur les Amish qui sont une communauté anabaptiste présente en Amérique du Nord, vivant de façon simple et à l’écart de la société moderne. La première règle amish est : "Tu ne te conformeras point à ce monde qui t’entoure". Voilà un beau programme !

"Derricks et des rêves deux ans après" (France 2 - 07/06/2014)

L’extraction de pétrole de schistes est autorisée aux Etats-Unis depuis 2006. Cela a créé beaucoup d’emplois dans le Dakota du Nord qui est devenu en quelques années le deuxième Etat américain producteur de pétrole. Tout cela est très mauvais, selon la réalisatrice Françoise Joly. Les problèmes environnementaux liés à la fracturation et aux déchets radioactifs qui atterrissent dans les décharges municipales sont tabous. Mélanger la fracturation hydraulique et le retraitement des déchets nucléaires relève d’un niveau connaissance assez moyen des problèmes énergétiques mondiaux !

"Or sale : enquête sur un scandale mondial" (Canal+ 05/05/2014)

Le documentaire de Jérôme Sesquin montre que le métal des lingots fondus en Suisse provient d’Ouganda ou du Pérou où des milliers d’orpailleurs risquent leur vie pour quelques poussières d’or. Cette ruée vers l’or attire en plus des proxénètes qui recrutent des jeunes filles de 14 ans en leur faisant miroiter un job dans un salon de thé.

"Le sable, enquête sur une disparition" (Arte - 22/04/2014)

Denis Delestrax, le réalisateur, explique dans son documentaire que les plages du globe pourraient avoir disparu avant la fin du siècle. C’est la ressource la plus consommée après l’eau. C’est le tableau d’un monde construit sur du sable.

Les militaires sont responsables

"Victimes de la bombe française" (France 2 15/04/2014)

Christine Bonnet et Jean Philippe Desbordes décrivent "le carnet de route effarant de l’épopée nucléaire française qui reposerait sur un monstrueux mensonge d’Etat". Alors que les gradés assistaient aux explosions dans des abris en béton, les civils étaient volontairement exposés.

Heureusement, il y a le commerce équitable

"Le business du commerce équitable" (Arte - 15/07/2014)

Les consommateurs des pays riches doivent accepter de payer un peu plus cher les produits des pays pauvres, dans le dessein de rendre le commerce un peu plus équitable et moins déséquilibré. Donatien Lemaître a mené l’enquête. Il a constaté que le petit producteur n’avait pas beaucoup vu sa situation évoluer en vingt ans de commerce équitable.

L’équité et l’efficacité ne sont pas incompatibles

Toutes ces émissions ressemblent à de la propagande de nostalgiques de la planification et du protectionnisme conservateur, qui cherchent sans arrêt de nouvelles occasions de s’en prendre à l’économie de marché.

Grâce à ces exercices pédagogiques orientés, le résultat est que la France est coupée en trois :

1/ Une France qui vit dans la mondialisation, qui accepte l’économie de marché et qui a confiance dans l’avenir. Toutes les enquêtes d’opinion se recoupent pour estimer que cela représente environ un tiers des français.

 2/ Une France qui vit protégée par l’Etat à l’ombre de statuts particuliers, de subventions et d’allocations diverses. Ce qui ne représente pas moins de 20M de français.

3/ Enfin il y a la France des exclus de tout et de tous les exclus. Cette France qui compte désormais 25M de personnes est la honte de "ce modèle social que le monde nous envie ", comme François Mitterrand et Jacques Chirac l’ont seriné pendant des années dans un même aveuglement coupable.

Contrairement à ce pensent beaucoup de Français des catégories 2 et 3, l’équité et l’efficacité ne sont pas incompatibles. L’efficacité se situe aujourd’hui du côté de l’économie de marché, de l’entreprise et de la mondialisation. Partout où cette solution est appliquée de nombreux emplois sont créés et la pauvreté recule. Même les plus libéraux admettent que le marché seul n’est pas le seul garant de l’équité.

Avec de telles émissions consacrées à l’économie, comment nos enfants pourraient-ils avoir confiance en l’avenir lorsqu’on leur explique qu’il faut avoir peur de l’atome, peur d’internet, peur du Wi Fi, peur de ce qu’ils ont dans leur assiette, mais aussi de la finance, des marchés, des inventions, du progrès en général et puis des autres, de tous ceux qui sont différents ? La France est devenue ainsi le pays le plus rétif à la mondialisation.

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