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Ultra-droite, scoop ! : le Tea-Party à la française est déjà en marche, Copé "enfumeur" : maniaque de la mise sous scellés, Ecole : le système français de plus en plus inégalitaire
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Revue de presse des hebdos

Mais aussi ce que pense Najat Vallaud-Belkacem de l'indifférenciation hommes-femmes et, et, et… re-scoop !, l’inquiétude de certains socialistes face à l’abandon, par la gauche, des questions sociales au profit du "sociétal". Y’a du grain à moudre — et à démoudre — dans la revue de presse des hebdos !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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A côté des enregistrements de Patrick Buisson révélés par “ Le canard enchaîné ” et… Atlantico, on avait un peu peur — piti, vilain, péché d’orgueil… — que l’actu des hebdos de la semaine paraisse un peu pâlichonne. Hé bien, on est heureux de vous le dire : on avait tort ! Parce qu’il y a encore du biscuit — du bon, de l’indigeste aussi — dans les journaux, ce jeudi. Commençons, si vous le voulez bien, par les suites de la grande affaire de la semaine dernière, on veut parler, bien sûr, de “ l’affaire Copé ”…

Jean-François bazooka

“ En réponse à l’enquête du “ Point ” mettant en lumière ses liens avec le principal prestataire de l’UMP, Bygmalion, le président du parti a sorti le bazooka, rapporte “ Challenges ”. Accusant la presse — et surtout Franz-Olivier Giesbert, l’éditorialiste de l’hebdomadaire — d’ “ attaques lâches, de méthodes dignes de l’Inquisition, de délectation perverse, de lynchage médiatique… ”. Sur le fond ? Rien, pas d’explication. Il propose, pour faire toute la transparence, de déposer deux propositions de loi. Une pour obliger tous les partis à rendre leurs comptes publics, l’autre pour contraindre les dirigeants et les salariés de journaux recevant des subsides publics de faire des déclarations de patrimoine et d’intérêts, comme les élus. Si ces lois étaient votées, alors il rendrait les comptes de l’UMP publics. En attendant, l’intégralité de la comptabilité et les archives concernant les campagnes présidentielles de 2007 et 2012, que nombre de leaders UMP demandent à consulter en vain, vont être mises sous scellés ! ” Pas mal, dis donc… Fallait oser…

Copé, “ l’enfumeur ”

Et au “ Point ”, quelles réactions ? Accusé par le président de l’UMP d’avoir ourdi un complot contre lui, Franz-Olivier Giesbert publie ce jeudi une “ réponse à M. Copé ” et précise, d’emblée, que malgré “ tous les noms d’oiseaux dont M. Copé nous a affublés (…) nous n’avons pas l’intention de nous livrer à une querelle de chiffonniers avec lui. L’enquête de Mélanie Delattre et de Christophe Labbé, écrit le patron du “ Point ”, posait un certain nombre de questions auxquelles M. Copé n’a pas répondu. Au lieu de quoi, dans un abracadabrantesque tour de passe-passe, il a préféré mettre sous scellés les comptes du parti, réclamés par plusieurs de ses pairs, en attendant le vote de lois sur la transparence qui, bien sûr, ne verront jamais le jour. C’est ce qu’on appelle de l’enfumage ”. Franz, one point.

“ “ Le Point ” libre et indépendant ” ou investi d’une mission ?

“ Passons aussi sur sa théorie du complot, qui lui a permis de prendre M. Sarkozy et tout son parti en otage, poursuit Giesbert. Ces sornettes n’ont abusé personne, sauf quelques rares benêts. Les affaires soulevées par “ Le Point ” ne concernent que lui et son petit clan. “ Le Point ” est un journal libre et indépendant qui, à l’évidence, partage un certain nombre de valeurs avec le “ président ” autoproclamé de l’UMP : l’Europe, l’économie de marché ou la liberté d’entreprendre. Mais, que M. Copé nous pardonne, nous militons aussi pour la vérité et la morale en politique. C’est même notre métier. Depuis près de deux ans,“ Le Point ”, accusé de “ Hollande bashing ” par ses chers confrères, a suffisamment pilonné la politique économique du pouvoir pour n’être pas suspect, n’en déplaise à M. Copé, de vouloir déstabiliser la droite. Mais nous avons, c’est vrai, une haute idée du centre et de la droite, qui, demain, doivent pouvoir assurer la relève dans la rigueur, la dignité, la sérénité et l’esprit de rassemblement ”. “ Libre et indépendant ”, “ Le Point ”, mais aussi, semble-t-il, investi d’une vraie mission… l’essentiel étant de ne pas confondre “ métier ” et “ mission ”, hmmm ?

Copé “ victime ”, maniaque de la mise sous scellés

Dans l’exercice de son “ métier ”, l’hebdomadaire rappelle quelques faits qui méritent d’être notés. “ Il y a plus d’un an, commence-t-il, Jean-François Copé devait se défendre d’accusations de tricherie après l’élection pour la présidence de l’UMP. (…) Aujourd’hui, Copé se défend avec les mêmes armes. D’abord, la victimisation. Il accusait déjà les médias, notamment “ Le Nouvel Observateur ” et “ Le JDD ”, de comploter contre lui. De la même manière, il avait convoqué la presse pour une déclaration solennelle. Ce n’était pas lui qui s’était présenté face aux journalistes, mais son homme lige, Jérôme Lavrilleux, censé prouver, à l’aide de graphiques et de tableaux, que la triche était en réalité du côté des amis de Fillon. De la même manière, toujours, Copé avait mandaté un huissier pour mettre les documents relatifs à l’élection sous scellés — une procédure qui interdisait leur consultation. Comme le sont aujourd’hui les comptes de l’UMP, qui seront rendus publics le jour où seront votées les propositions de loi de Copé sur la transparence des finances des partis et des médias. Autant dire jamais ”.

“ En matière de transparence, Copé était jusqu’ici plutôt opaque ”

Histoire de parachever le portrait, “ Le Point ” remarque qu’ “ en matière de transparence, Jean-François Copé était jusqu’ici plutôt opaque. En 2010, il soutient Christian Jacob, qui dépose un amendement visant à alléger les sanctions encourues par un parlementaire auteur d’une déclaration de patrimoine frauduleuse. L’initiative avait provoqué un tollé jusque dans les rangs de l’UMP. Rebelote en 2013, puisque le député de Meaux vote contre le projet de loi sur la transparence de la vie publique. Le cas Copé a aussi été évoqué par Martin Hirsch dans son livre “ Pour en finir avec les conflits d’intérêts ”, qui dénonçait alors le mélange des genres entre Copé le député et Copé l’avocat d’affaires ”. Sans commentaire.

“ Le plan secret de l’ultra-droite ”

Mais passons à un autre dossier “ chaud ” et beaucoup plus préoccupant… “ Le plan secret de l’ultra-droite ”, annonce “ L’Express ” en couverture. Encore un petit titre bien sensationnel, histoire d’appâter le chaland ? Pour l’avoir lue de la première à la dernière ligne, l’enquête de 11 pages est, en vérité, assez agrippante. Si vous avez le temps, n’hésitez pas : lisez-là. Si vous en manquez, jetez au moins un œil à l’article que Manon Gauthier-Faure consacre au site “ Belle et rebelle ” et à la montée de “ mouvements identitaires exclusivement gérés par des femmes ” sur lesquels, hélas, faute de place, on ne pourra pas s’étendre aujourd’hui. Vu le nombre de sujets qu’il nous reste à traiter, sorry, on est un peu obligée de filer droit à l’essentiel. Et d’abord, à cette question : l’ultra-droite, c’est quoi ? “ Présente à l’intérieur mais, surtout, en dehors des murs des partis politiques traditionnels, cette mouvance qui va de l’Action française, royaliste, aux catholiques intégristes ou pas, en passant par les plus motivés des combattants du mariage homosexuel, veut rétablir un modèle de société ”, explique l’hebdo. Hou, ça, ça demande des éclaircissements…

Bientôt, l’insurrection ?

“ Un demi-siècle après le libertaire Mai 68 et son idéal supranational, la marée s’inverse au profit de la nation, de l’ordre, de la justice et de la famille, complète “ L’Express ”.Si Frigide Barjot s’est fait exclure de la Manif pour tous après un an de mobilisation, c’est sans doute pour n’avoir pas compris qu’il y avait un projet plus vaste que l’éphémère combat contre une loi : lutter contre un changement de civilisation. Entre la famille sans histoires des défilés bleu-blanc-rose et l’étudiant du GUD aux slogans musclés, peu de points communs à première et à deuxième vue. Et pourtant, les uns comme les autres, votent par défaut, l’UMP et le FN ne répondant pas assez clairement à leurs priorités morales.Cette droite n’est plus ultra par sa violence physique, mais parce qu’elle entend cesser toute concession sur le plan éthique et n’a aucune considération pour l’autorité républicaine. Que prépare-t-elle ? L’insurrection ? Non. Il y a un plan, mais il se veut plus subtil ”. Hue, ça, c’est ce qui s’appelle savoir ménager le suspense…

La vraie menace : le modèle Tea-Party, “ moins formation politique qu’outil de nuisance de la société civile ”

Et alors… et alors ? “ Une partie du modèle se trouve aux Etats-Unis, au pays des think-tanks et des levées de fonds, répond “ L’Express ”. Plusieurs responsables de la Manif pour tous ou du Printemps français concèdent que des allers-retours y ont été effectués, notamment à l’été 2013, pour observer le modèle américain et bénéficier de ses subsides (mais pas que… voir la RP du 20 février, chapitre Ludovine de La Rochère dans “ Les Inrocks ”). (…) Les Etats-Unis ont inventé le Tea-Party, et cela fait rêver une partie de la France : moins formation politique qu’outil de nuisance de la société civile. Tel un liquide électoral, le Tea Party a vocation à s’infiltrer partout, dans toutes les primaires, dans toutes les réformes, pour faire plier républicains et démocrates. Et propose parfois un candidat quand il estime n’être représenté par personne ”.

Scoop ! Le Tea-Party à la française est déjà en marche

Surprise — stupeur, et tremblements ! “ C’est exactement, nous dit “ L’Express ”, ce que fait la Manif pour tous avec sa charte pour les élections municipales, qu’elle soumet à la signature des candidats. Pour les européennes, cette charte au contenu très bioéthique pourrait être élargie à des questions fiscales, d’immigration ou de liberté d’expression, afin d’attirer à elle plus de soutiens. Le projet, poussé par le Printemps français, fait actuellement l’objet de discussions, entre ce collectif et son grand frère, plus modéré, la Manif pour tous ”. Ca fait peur, non ? C’est pas fini… parce que l’idée, héritée du modèle Tea-Party made in USA, c’est de disséminer façon puzzle, de s’infiltrer un peu partout, quoi… Et, là aussi, enfer et damnation !, le “ travail ” a déjà commencé…

L’Institut de formation politique, organe de l’infiltration modèle Tea-Party ?

“ Très anglo-saxonne dans l’esprit, rapporte “ L’Express ”, une structure comme l’Institut de formation politique (IFP) a vu ses effectifs tripler ces derniers mois. Plus de 300 personnes auront en 2013 suivi les exigeants séminaires de cette école qui combat “ la sclérose économique et le relativisme moral ”, et où l’on apprend à convaincre, à parler en public ou à monter un projet de financement. Parmi les intervenants, outre des économistes libéraux, on retrouve Béatrice Bourges (porte-parole du Printemps français), Ludovine de La Rochère (présidente de la Manif pour tous) ou encore le directeur d’une fondation anti-IVG. (…) Last but not least, Alexandre Pesey (directeur de l’IFP, ndlr) organise chaque année la Bourse Tocqueville, grâce à laquelle cinq ou six jeunes gens vont, pendant un mois, découvrir le système politique américain. Ils y rencontrent des personnalités telles que le républicain ultra-conservateur Ron Paul et des cercles de réflexion, le chrétien Family Research Council ou la fiscale National Taxpayers Union ”. C’est que c’est déjà très organisé, tout ça…

Mauvaise tactique, l’infiltration ? “ Ils ont raté le coche ”, dixit Christine Boutin

“ A l’image des manifestants de l’ultra-droite, résume “ L’Express ”, les membres de l’IFP s’éparpillent d’eux-mêmes dans la société civile et le monde politique. On les retrouve au Front national. Ou à l’UMP — avec l’assistant parlementaire de Jean-Claude Gaudin, Guillaume de Thieulloy. Pour cette mouvance, la formation d’un parti politique classique n’est pas à l’ordre du jour. Une occasion ratée, selon l’ancienne ministre Christine Boutin, présidente d’honneur du Parti chrétien-démocrate : “ Si, au soir de la démonstration de rue du 26 mai 2013, la Manif pour tous s’était transformée en parti, il y aurait eu 300 000 adhérents, et c’était plus que l’UMP. Ils ont raté le coche ” ”.

Comment la gauche “ alimente les extrêmes ” selon les “ ultras ”

“ L’ancienne ministre ”, aujourd’hui “ présidente d’honneur du Parti chrétien-démocrate ”, est-elle la plus compétente pour juger des avancées de ce Tea-Party à la française ? On peut se poser la question… et cela d’autant plus que l’ultra-droite, comme le détaille longuement “ L’Express ”, dispose d’autres relais — ô combien efficaces… — sur le Net. L’affaire Dieudonné, Soral et consorts nous a en effet donné l’occasion de le vérifier : le Net peut, très efficacement, servir de chambre d’écho, et de propagation, aux théories les plus nocives et les plus nauséabondes. Que le Net serve, parfois, et de manière inquiétante, la cause des extrêmes, on le sait, après tout, depuis longtemps — au moins depuis le 11 septembre 2001. Ce que l’on ignorait, c’est que pour les “ ultras ”, c’est le gouvernement lui-même qui “ alimente les extrêmes ”. “ Pour eux, indique en effet l’hebdo, les choses sont claires : en ouvrant de nombreux fronts sociétaux au détriment du social, la gauche alimente des extrêmes. Ce carburant offert à l’adversaire, ajoute le mag, excède aussi certains socialistes ”. Heu, on a bien lu ce qu’on a lu, là ? Wow, on dirait qu’il se passe un truc, et un gros… Vite, vite, la suite !

Quand certains socialistes s’inquiètent de l’abandon, par le gouvernement, des questions sociales au profit du “ sociétal ”

La parole à “ L’Express ” : “ Julien Dray attaque : “ La théorie du genre à l’école, c’est la conséquence de l’influence d’un féminisme qui s’est radicalisé. Najat (ndlr : Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes), elle, est sur la ligne des féministes ultras américaines, qui sont en train d’émasculer les sexes ! ” Au gouvernement, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, ronchonne devant son déjeuner : il a son idée sur le réveil de “ ces réseaux nauséabonds d’extrême droite ” : “ Les questions familiales, la représentation du père, etc. Ce ne sont pas des petits sujets. Et nous ? On y va ! Boum ! Dedans ! Sans trouver les bons mots, sans avoir le temps de les expliquer ”. Face à une opposition menée par les catholiques, Stéphane Pocrain s’interroge sur la laïcisation de la société : “ Il n’y a aucune transcendance républicaine à offrir en contrepartie. C’est à la philosophie politique de répondre à la philosophie religieuse. Mais la philosophie politique, ce n’est ni Standard & Poor’s ni l’influence des lobbys sociétaux ” ”. 

Confondre les femmes et les hommes, c’est comme confondre les Blancs et les Noirs, dixit Najat Vallaud-Belkacem

Heureux hasard ? Drôle de coïncidence, en tout cas : dans le cadre de son dossier “ Femmes hommes : les vraies différences ”, “ Le Nouvel Observateur ” est allé interviewer Najat Vallaud-Belkacem. “ Vous prônez l’indifférenciation entre les hommes et les femmes ? ” lui demande le mag. —“ Pas du tout ! C’est absurde. C’est comme si on disait qu’en apprenant aux enfants à lutter contre le racisme, on fera croire aux Blancs qu’ils sont noirs et aux Noirs qu’ils sont blancs ! Au contraire, on leur apprend à valoriser leurs différences. Il en va de même pour les hommes et les femmes. En luttant contre les inégalités, on ne prône pas l’indistinction. On leur dit : “ Soyez fières d’être une fille, vous pouvez avoir accès à tout ! Soyez fiers d’être un garçon, vous pouvez avoir accès à tout ! ” L’enjeu, c’est que les différences biologiques ne légitiment plus insidieusement les inégalités sociales. De ce point de vue, les études de genre des chercheurs nous sont précieuses pour comprendre comment se forment ces inégalités sociales et donc pour adapter nos politiques publiques en réponse ”. Houlà, houlà, y’a comme qui dirait beaucoup de choses remuées toutes ensemble, là. Si vous le voulez bien, on fait une pause de cinq minutes, histoire — de tenter — d’y voir un peu plus clair.

L’inégalité hommes-femmes et le racisme sont-ils vraiment équivalents ?

Commençons par le commencement. A ceux qui se posaient la question, bonne nouvelle : oui, la ministre des Droits des femmes fait la distinction entre les hommes et les femmes. Se poser la question de “ l’indistinction ”, “ c’est absurde ”, dit-elle. Autre bonne nouvelle : Najat Vallaud-Belkacem veut que les hommes et les femmes aient les mêmes chances de réussir : “ On leur dit : “ Soyez fières d’être une fille, vous pouvez avoir accès à tout ! Soyez fiers d’être un garçon, vous pouvoir accès à tout ! ” Là où, par contre, on est un peu largué, c’est quand Najat se met à comparer la différence hommes-femmes avec la différence Blancs-Noirs : “ C’est comme si on disait qu’en apprenant aux enfants à lutter contre le racisme, on fera croire aux Blancs qu’ils sont noirs et aux Noirs qu’ils sont blancs ! (…) Il en va de même pour les hommes et les femmes ”. L’inégalité hommes-femmes et le racisme sont-ils vraiment équivalents ? 

Le fait d’être femme — ou noir (arabe, chinois, etc.) relève-t-il seulement du “ biologique ” ?

Quelque part, on entend bien l’argument : oui, les femmes sont victimes d’inégalités, oui, les Noirs (ou les Arabes, les Chinois, etc…), sont victimes d’inégalités et, oui, dans un cas comme dans l’autre, c’est inacceptable. Et tout cela pourquoi ? Parce que, oui, être une femme, c’est être différent d’un homme, oui, être noir (ou arabe, ou chinois, etc…), c’est être différent d’un Blanc… ce qui, au bout du bout, pose la question de savoir où est, et où poser, la “ norme ”. Ca paraît compliqué, comme ça, et pourtant, la ministre des Droits des femmes a la réponse : la norme, nous dit-elle, c’est le “ biologique ” (“ L’enjeu, c’est que les différences biologiques ne légitiment plus insidieusement les inégalités sociales ”). Naître femme, est-ce la même chose que naître noir (ou arabe, ou chinois, etc.) ? On vous laisse trancher…Reste cette, ou ces question(s) : le fait d’être femme — ou noir (arabe, chinois, etc.) relève-t-il seulement du biologique ? N’y entre-t-il pas une part de culture, d’éducation, d’acquis ou d’attendus ? On vous pose la question. On te la pose aussi, à toi, Najat…

“ Le décrochage scolaire de notre pays est dû au décrochage des garçons en lecture ”

Mais revenons à l’interview de “ L’Obs ”. —“ L’une des principales inégalités à l’école, remarque le mag, c’est aussi que les filles réussissent mieux ? ” —“ Absolument, répond la ministre. Le classement Pisa (qui compare et classe les systèmes éducatifs de l’OCDE, ndlr) a montré que le décrochage scolaire de notre pays est dû au décrochage des garçons en lecture. Prôner l’égalité, c’est aussi veiller à rattraper les garçons lorsqu’ils sont en retard. Pour autant, si les filles ont de meilleurs résultats scolaires, la situation s’inverse sur le marché du travail. A leur premier entretien d’embauche, seules 7 % des femmes tentent de négocier leur salaire à la hausse contre 57 % pour les hommes. Et la moitié des femmes actives sont cantonnées dans une dizaine de métiers sur une palette de 90. C’est bien le signe qu’il s’est passé quelque chose en matière de confiance en soi et d’autocensure ”.

L’école française, nouvelle fabrique des inégalités, d’après le classement Pisa

Du “ classement Pisa ”, la ministre des Droits des femmes a retenu que “ le décrochage scolaire de notre pays est dû au décrochage des garçons en lecture ”. Surprise ! Interviewée dans “ Le Point ”, qui consacre son dossier de couverture à l’école, “ Mme Pisa ”, alias Barbara Ischinger, directrice du département Education et compétence de l’OCDE, n’en a pas du tout retenu la même chose… “ Quels sont les maux de l’école française ? ” lui demande le news. —“ Ce qui ne fonctionne plus, c’est l’ascenseur social ”, dit-elle. Houlà, c’est pas du tout la même chanson, là…

“ Un enfant issu des classes sociales défavorisées a aujourd’hui moins de chances de réussir qu’en 2003 ”

D’après Barbara Ischinger, “ la France est, parmi les pays de l’OCDE, celui où la corrélation entre le milieu socio-économique et les résultats est la plus forte. Le système est très inégalitaire et, surtout, il l’est de plus en plus. Il est préoccupant de voir qu’un enfant issu des classes sociales défavorisées a aujourd’hui moins de chances de réussir qu’en 2003. Un élève issu de l’immigration a, quant à lui, deux fois plus de risques d’être en difficulté ”. Même si Najat Vallaud-Belkacem n’est pas ministre de l’Education, on peut s’étonner du fait qu’elle attribue “ le décrochage scolaire de la France (…) au décrochage des garçons en lecture ” quand le classement Pisa montre d’abord et avant tout que l’école française est devenue la plus inégalitaire de toutes les écoles des pays de l’OCDE. La ministre des Droits des femmes a-t-elle succombé à la tentation de “ prêcher pour sa paroisse ” ? Quand bien même, on ne peut s’empêcher de voir dans sa présentation tronquée de la réalité l’effet de l’abandon, par la gauche, du “ social ” au profit du “ sociétal ”. Vous allez dire qu’on parle comme les membres de l’ultra-droite… Ce serait oublier que “ certains socialistes ”, comme Julien Dray, Stéphane Le Foll et Stéphane Pocrain pensent la même chose. Ce serait oublier, aussi, l’excellent, le passionnant article (“ Du gauchisme culturel et de ses avatars ”) que le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qu’on ne peut guère suspecter de “ droitisme ”, consacrait à ce sujet dans la revue “ Le débat ” datée de septembre-octobre 2013… Oui, on sait, on en a déjà parlé ici (voir la RP du 3 janvier). Mais, qu’est-ce que vous voulez ? Quand on lit quelque chose d’intelligent, d’ouvert, d’argumenté, qui bouscule et surtout, qui permettrait sacrément d’avancer, on n’a qu’une envie, c’est d’en parler, quitte à répéter… Bonne semaine, les goulus, les curieux, moulinez bien tout ça, mais pas trop, hmmm ?

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