La crise a changé notre manière de gérer notre argent au quotidien : voilà comment<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Français doivent faire face à une stagnation voire à une diminution de leur pouvoir d’achat.
Les Français doivent faire face à une stagnation voire à une diminution de leur pouvoir d’achat.
©Reuters

Sous le matelas

Crise oblige, les habitudes des Français ont changé, notamment dans le contrôle de leurs dépenses et leur manière d'en parler en famille. Un phénomène accentué par les nouvelles technologies.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : La crise a eu un énorme impact sur les ménages français, notamment sur leur rapport à l'argent. Notre gestion a-t-elle évolué depuis 2008 ?

Philippe Crevel :  Les Français doivent faire face à une stagnation voire à une diminution de leur pouvoir d’achat et sont dans l’angoisse de perdre leur emploi. De ce fait, les Français ont financièrement modifié leurs comportements. Une récente enquête conduite par le Cercle des Epargnants et CSA souligne que cette année près de 60 % des Français puiseront dans leur épargne ou renforceront leur effort d’épargne de précaution. Ce taux est en forte hausse témoignant que la crise oblige certains à réduire leur épargne pour faire face à leurs dépenses quotidiennes, quand d’autres tentent d’augmenter leurs réserves afin de se prémunir d’une éventuelle perte d’emploi.

Selon une enquête CSA pour Fortuneo, 8 Français sur 10 consultent leur compte en banque au moins une fois par semaine, 38 % tous les jours. Cette habitude est-elle une résultante de la crise ? Est-ce l'illustration d'une certaine inquiétude liée à la conjoncture ?

Cette enquête prouve avant tout qu’un nombre croissant de Français sont connectés à Internet. Ainsi, selon l’INSEE, en 2012, trois personnes sur quatre  ont utilisé Internet au cours des trois derniers mois, contre seulement 56 % en 2007. La fracture numérique se réduit entre catégories sociales. Internet était d’un usage courant pour les cadres depuis 2007. Mais maintenant toutes les catégories sociales sont concernées. Ainsi, quatre ouvriers sur cinq l’utilisent en 2012, contre un sur deux cinq ans auparavant. Internet mobile se démocratise ; en 2012, 40 % des personnes résidant en France ont déjà surfé sur Internet, en dehors de chez elles, via un ordinateur portable, un téléphone portable ou un appareil de poche, elles n’étaient que 10 % cinq ans auparavant. La consultation des sites bancaires arrive en tête. Environ la moitié de la population avoue regarder ses relevés bancaires sur Internet. Auparavant, nous attendions le relevé papier mensuel et quand nous avions un doute nous téléphonions à notre agence. Aujourd’hui, Internet, et non la crise, a changé notre rapport à l’argent.

Toujours selon la même enquête, 7 % des Français parlent de leur compte à leurs enfants. S'agit-il, là encore, d'une évolution de comportement due à la crise ?

La crise est facteur de stress. De ce fait, les parents peuvent se déstresser en parlant de leurs soucis financiers à table. C’est aussi une façon de faire passer des messages aux enfants en rappelant qu’il n’est pas possible d’accepter toutes leurs exigences. Il faut y voir aussi une évolution des relations parents / enfants. Les parents associent de plus en plus leurs enfants à la gestion de la vie quotidienne de la famille quand il  y a quelques années, les affaires d’argent étaient tabous ou étaient réservées aux grandes personnes. 

Les Français ont-ils changé leurs rapports avec leur banque ? Lui font-ils toujours confiance ? Préfèrent-ils investir dans des valeurs sûres plutôt que de laisser leur argent à la banque ? 

Les Français n’aiment guère les banques car aujourd’hui, il est indispensable d’en avoir une. Il y a toujours l’impression que le banquier tente de voler ses clients. Ce jugement est assez  lié à notre méconnaissance du système financier, de ses règles, de ses obligations et de ses contraintes. Certes, il y a des abus comme dans chaque profession mais pas plus pas moins. D’autre part, le Français peut passer du temps à négocier une ristourne avec un garagiste pour acheter une voiture quand dans le même temps il n’osera rien demander à son banquier tout en le traitant de voleur.

Le Français est un bon client des banques car il est un épargnant né. 95 % des Français ont un Livret A ; 62 % des ménages ont un contrat d’assurance-vie. Avec les Allemands et les Belges, les Français figurent sur le podium de l’épargne en Europe. Ils privilégient les placements sans risque, le Livret A, l’assurance-vie en fonds euros… Quand les Français ne placent pas leur argent à la banque, ils investissent essentiellement dans l’immobilier en ayant recours auprès de leur banque favorite à un emprunt immobilier.

Quels autres changements de comportement la crise a-t-elle fait naître chez les Français concernant la gestion de leur argent ?

Les Français sacralisent moins leur épargne. Avant, ils hésitaient à sortit de l’argent une fois celui-ci placé. Maintenant, en fonction des contingences, les Français ont un comportement plus dynamique de leur épargne. Ils sont plus agiles tout en récusant le risque. Avant, les retraités épargnaient pour leurs enfants et petits enfants ; aujourd’hui ils "désépargnent" pour maintenir leur niveau de vie qui s’est érodé avec l’augmentation des prélèvements. Il y a 10 ans, un retraité consommait 33 % de moins qu’un actif ; aujourd’hui, l’écart n’est plus que de 20 %. De ce fait, il est conduit à puiser dans son épargne pour vivre comme avant. Cette évolution est le résultat de la crise et du changement d’état d’esprit des retraités.

Chez les jeunes, nous constations le phénomène inverse. Autrefois, les moins de 30 ans, consommaient et épargnaient peu. Aujourd’hui, ils épargnent davantage notamment pour acquérir leur logement ou pour faire face à des périodes plus ou moins longues de chômage.

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