"Français de souche" : l'énorme contre-sens des socialistes qui attaquent Alain Finkielkraut<!-- --> | Atlantico.fr
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Naïma Charaï et Mehdi Ouraoui, deux membres du conseil national du Parti socialiste, saisissent le CSA contre Alain Finkielkraut qui a prononcé le mot "français de souche".
Naïma Charaï et Mehdi Ouraoui, deux membres du conseil national du Parti socialiste, saisissent le CSA contre Alain Finkielkraut qui a prononcé le mot "français de souche".
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Parole interdite

Naïma Charaï et Mehdi Ouraoui, deux membres du conseil national du Parti socialiste, saisissent le CSA contre Alain Finkielkraut qui a prononcé les mots "Français de souche" sur France 2 dans "Des paroles et des actes". Au prix de grossiers contre-sens, le philosophe prônant précisément une France "une et indivisible".

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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On ne saurait reprocher à Naïma Charaï et à Medhi Ouraoui de s'être sentis visés lorsqu'Alain Finkielkraut exprima sa crainte de voir la France devenir « l'Union soviétique de l'antiracisme sans cervelle ». La lettre vengeresse qu'ils ont adressée au CSA a valeur de symptôme, attestant la justesse du diagnostic dressé par le philosophe. L'intention antiraciste des deux indignés n'est pas contestable, on ne peut leur enlever cela. Leur posture stalinienne ne l'est pas davantage : elle est  manifestement assumée, à travers cette incitation à la censure qui témoigne d'une réelle volonté d'instaurer en France une police politique. Je voudrais ici souligner le troisième trait du diagnostic, à savoir le caractère « sans cervelle » de leur démarche - tout, en effet, indiquant qu'ils ne comprennent pas l'idéal dont ils se réclament.

On peut d'abord noter que, volontairement ou non, Naïma Charaï et Medhi Ouraoui commettent un contre-sens massif dans l'interprétation qu'ils font des propos d'Alain Finkielkraut. « Il est dangereux, écrivent-ils dans leur lettre de délation, de dire, comme M. Finkielkraut, que certains Français seraient oubliés et d'autres privilégiés en raison de leurs origines, et d'inciter à leur comparaison et à leur confrontation. » On ne peut me semble-t-il que souscrire à ce propos, à ceci près que le philosophe abondait précisément dans leur sens lorsqu'il a utilisé la notion de « Français de souche » :  il s'agissait à l'évidence pour lui de nuancer le propos de Manuel Valls en rappelant précisément que, la France étant « une et indivisible », il fallait éviter de trop distinguer entre Français issus de l'immigration (dont Alain Finkielkraut fait lui-même partie) et Français de France.

La phrase interdite intervient à 4 :20 !

Ce contre-sens spécifique en dissimule un autre plus important et plus général, relatif à la critique que Finkielkraut fait de l'usage systématique de la notion de « diversité », lequel conduit manifestement à ébranler l'idéal républicain d'une nation une et indivisible : en évoquant la « diversité », on divise les Français en catégories distinctes, on induit le soupçon que certaines seraient privilégiées et d'autres oubliées, on incite à la comparaison, voire au comptage ethnique ; on prépare ainsi le terrain à la discrimination positive, qui consiste à fonder une différence de droits sur la considération de la différence des origines. Nos deux commissaires politiques de l'antiracisme, s'ils avaient deux sous de jugeote, devraient donc déduire de leur engagement en faveur d'une République indivisible une adhésion sans réserve au discours qui fait apparaître que l'éloge de la diversité est incompatible avec la défense du modèle français d'intégration.

Dernier point, et on atteint là le comble de l'ironie : en s'adressant au CSA, Naïma Charaï et Medhi Ouraoui semblent ne pas s'être aperçus qu'ils frappaient à la mauvaise porte. Nulle instance officielle aujourd'hui en France n'est en effet allée aussi loin que le CSA dans la mise en cause de la France « une et indivisible ». Depuis cinq ans, celui-ci se singularise par sa volonté de promouvoir les très controversées statistiques « ethnoraciales ». Il publie chaque année un baromètre qui distingue allègrement les Français en catégories, en prenant notamment l'origine et la race comme marqueurs.

Pour le CSA, qui fait dans le « classique », il y a en France des « Noirs », des « Blancs », des « Jaunes » (pardon, des « Asiatiques ») et des « Arabes ». Pour légitimer sa démarche, qui pourrait paraître embarrassante en regard des valeurs républicaines, le CSA se réfugie derrière la notion d' «opérateurs de discrimination ». Ce concept permet d'adopter une perspective racialisante sans l'assumer comme telle. Dans la novlangue des statistiques ethniques, on ne dit plus « Noirs », mais « vus comme Noirs », et ce afin de souligner qu'on se place délibérément du point de vue du regard raciste sur la société pour mieux dénoncer les discriminations. Le caractère parfaitement hypocrite de ce paravent rhétorique est cependant attesté par l'absence de la mention « vus comme Juifs » (Dieu sait pourtant que les antisémites en voient partout !), laquelle donnerait bien évidemment à ce comptage ethnique bien-pensant un tour encore plus déplaisant.

Ces distinctions raciales (en dépit de la doctrine qui a conduit nos députés à supprimer le mot « race » dans les textes de loi), pas davantage que la distinction entre Français issus de l'immigration et Français de souche ne sont en tant que telles, contrairement à ce qu'écrivent Naïma Charaï et Mehdi Ouraoui, « en totale contradiction avec l'Article premier de la Constitution qui dispose : 'La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion.' » Il est vrai cependant qu'il faut veiller à l'usage qu'on en fait. Elles ne deviennent véritablement dangereuses que lorsqu'elles conduisent à promouvoir une différence des droits entre les catégories distinguées, à travers notamment la discrimination positive, laquelle n'est pas moins incompatible avec l'idéal républicain que la préférence nationale.

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