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Najat Vallaud-Belkacem sera-t-elle plus forte que les habitudes de la Saint-Valentin et autres comportements traditionnels ?
©Reuters

Brigade de la répression du vice...

Tous les 14 février, la fête des amoureux renforce les stéréotypes hommes/femmes. Des stéréotypes généralement inculqués aux filles dès leur plus jeune âge. Encore une occasion (peut-être) pour le gouvernement d'intervenir.

Catherine Monnot

Catherine Monnot

Catherine Monnot est anthropologue à l'EHESS et professeure d'histoire-géographie dans le secondaire.

Auteure de Petites filles d'aujourd'hui, l'apprentissage de la féminité (Autrement, 2009). Elle vient de publier aux éditions Le Vent se Lève : "Gabriela, Rom de France".

 

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Atlantico: Bouquet de roses et dîner dans un grand restaurant offerts par messieurs, tenues sexy pour mesdames, etc. En quoi la Saint-Valentin exacerbe-t-elle les stéréotypes de la relation homme-femme ?

Catherine Monnot: La Saint-Valentin est une fête commerciale pour les industriels, mais elle est vécue par les individus comme un moment de réaffirmation des liens, ce qui passe donc par l'utilisation et le renforcement des conventions amoureuses, des codes de bonne conduite de la relation amoureuse. De plus, on se présente tel que l'on imagine que l'autre (et à travers lui, la société) souhaite nous voir : fort peu de chances donc que la Saint-Valentin puisse être réellement transgressive. Le seul fait de la fêter montre une acceptation des rapports de couple traditionnels, et donc des rapports hommes-femmes

Le débat fait actuellement rage en France autour de la promotion de l'égalité femmes-hommes. A quel point les intentions sont-elles décalées des aspirations des femmes et des hommes ? Dans quels domaines plus particulièrement ?

La Saint-Valentin est l'un de ces moments ''rétro'' (et vaguement rétrograde), où l'on touche du doigt tous les paradoxes de notre société en matière de rapports hommes-femmes: d'un côté la parité, l'égalité et l'émancipation des femmes ; de l'autre une vision du couple stéréotypée, où l'homme doit organiser la soirée, se montrer galant, payer l'addition, etc.
Pour chaque transgression dans la vie quotidienne (la femme qui sort de son foyer et qui menace l'image ''virile'' de son conjoint), les hommes et les femmes vivent souvent le besoin d'un retour à la norme qui conforte chacun dans un rôle relativement traditionnel. Les deux comportements cohabitent de façons paradoxale et montrent toute la complexité des rapports hommes-femmes d'aujourd'hui.

Un récent article du Daily Mail met en évidence les résultats d'une étude selon laquelle 21 % des femmes fiancées, mariées ou divorcées sont déçues par la proposition en mariage de leur conjoint. En cause, une demande qui n'aurait pas été faite selon l'idéal "princier" (la demande à genoux) ou une bague décevante (cf. la taille de la pierre). Comment expliquer que perdure ce type de réactions ? 

Encore aujourd'hui, on apprend aux petites filles le mythe du Prince charmant, et la ''valeur'' des sentiments amoureux, leur importance dans la réalisation personnelle des femmes. Par les contes de fées, les dessins animées, les séries TV, les chansons pop, la presse people, les filles, les adolescentes, les femmes adultes se voient enseigner par la société que l'amour reste la grande affaire de leur vie, davantage que la réalisation professionnelle. Elles continuent donc de se tourner vers des partenaires valorisants sur le plan sociologique: situation professionnelle, âge, taille, etc, le partenaire idéal doit toujours être le ''protecteur''.

Quelles sont les autres habitudes, réflexes stéréotypés auxquels femmes et/ou hommes restent attachés ?

Ouvrir et fermer la porte, raccompagner chez soi, prendre les initiatives dans la commande du menu ou du taxi, offrir des fleurs, envoyer un sms attentionné après le rendez-vous, ne pas mettre la sexualité au premier plan de la relation, etc. L'amant idéal doit montrer son attachement à l'autre, mais aussi sa capacité à mener la barque... Encore un paradoxe : le pôle féminin des sentiments et de la sensibilité, sans jamais oublier le pôle masculin du leadership. Les femmes recherchent cet idéal surement inatteignable, et qui, encore une fois, conforte une vision stéréotypée de ce qu'est le masculin et le féminin. Dans la vie de tous les jours, les femmes sont évidemment autonomes, mais à certaines occasions elles renoncent à cette autonomie pour vivre une relation amoureuse satisfaisante socialement et symboliquement.

La méthode actuellement privilégiée par le gouvernement pour venir à bout des stéréotypes est-elle la plus efficace ? Peut-on pousser la société à avancer plus vite qu'elle ne le souhaite ?

Il parait plus que souhaitable de mettre en lumière les stéréotypes chez les enfants et leurs éducateurs, afin d'aider les plus jeunes à vivre leur vie de façon plus consciente mais surtout, à terme, de façon plus égalitaire. Si les stéréotypes de sexe n'avaient, dans notre société, que l'unique conséquence d'une Saint-Valentin un peu vieillotte et clichée, ce ne serait pas bien grave. Mais derrière les stéréotypes de sexe se cachent en réalité des inégalités bien plus dures et qui touchent à l'orientation scolaire puis professionnelle des filles et des garçons, à leurs salaires, leurs niveaux de responsabilité économique et social, leur charge de travail dans la sphère domestique, qui sont très différents et qui leur font vivre des destins inégaux et qu'aucune différence biologique ne peut justifier.
Bien-sûr que le politique doit parfois légiférer pour faire avancer une société, comme cela a été le cas pour la peine de mort dans les années 1980 pour laquelle l'opinion n'était pourtant pas prête, ou bien sur la parité aux élections qui a montré une progression forte et rapide de femmes élues. Pensons aussi aux lois sur les quotas raciaux aux Etats-Unis qui ont permis de voire émerger un président noir en l'espace d'une génération. C'est la partie la plus noble du travail politique que d'accompagner, voire d’accélérer les grandes évolutions sociales de son peuple.


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