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Retraites, le modèle qui venait de loin : ce que la France pourrait gagner à s'inspirer du système australien
©Reuters

Des idées d'ailleurs

A l'inverse de la France, où 67% des citoyens se déclarent inquiets pour leur future retraite, l'Australie jouit d'un système de retraite performant et d'une grande simplicité.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Plus des deux tiers des Français (67 %) se déclarent inquiets pour leur future retraite. Un quart se déclare même très inquiet. Les systèmes danois et néerlandais sont souvent cités en exemple pour leur efficacité. L'Australie fait à cet égard également figure de modèle, son système étant le 2e le mieux noté au monde. Tous les employés y sont couverts par un régime de retraite financé obligatoirement par l'employeur. Quelles sont les forces de ce système ? 

Philippe Crevel :Le système australien repose sur plusieurs étages, c'est un système assez pur dans son mode d'organisation. Il y a une pension de vieillesse qui a des conditions de ressources et qui est financée par l'impôt. C'est le minimum dont bénéficie chaque Australien, quelle que soit sa carrière. On est ici dans une logique britannique. Après, il y a le niveau lié à la carrière professionnelle, qui s'appelle la garantie de retraite et qui est financée par une cotisation payée par l'employeur qui est autour de 9 % et qui va atteindre un plafond de 12 % d'ici 2020. En plus de ces deux premiers étages, il y a un troisième étage qui consiste dans les systèmes facultatifs, soit payés par les employeurs, soit payés à titre individuel par les Australiens.

>>>> A lire également : Economies drastiques en vue : mais avant de couper à la hache, les dépenses publiques françaises pèchent-elles vraiment le plus là où on le croit ?

Voilà l'architecture du système qui,quand on prend les taux de remplacement, est relativement correct au niveau de l'OCDE : le montant de la pension par rapport au salaire net est de 100 % pour ceux qui sont à un revenu relativement modeste, 0.5 fois le salaire médian, et qui s'étale de 100 % jusqu'à 55 % pour les salaires équivalant à deux fois le salaire médian. En France, on est bizarrement moins généreux avec les salariés modestes, parce qu'on passera de 76 % à 55 %. In fine, le système australien est assez généreux avec les salariés modestes, et assez équivalent pour les salariés à revenu plus important comparé à celui de la France. En revanche, il a l'avantage d'être un peu plus équilibré financièrement.

C'est un système d'assistance relativement simple à trois étages : régime professionnel par capitalisation, par répartition et individuel. C'est une architecture classique d'un régime de retraite mais simple par rapport à la France puisqu'en France on a un ensemble de caisses avec la trentaine de régimes de base, une centaine de régimes complémentaires. Il y a quand même une raison à cette simplicité : l'Australie est un pays plus récent, plus neuf, à philosophie britannique. 

Quelles peuvent en être les limites, voire les dérives, potentielles ?

Les dérives d'un tel système seraient que les entreprises diminuent le montant de leurs cotisations ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'Australie bénéficie d'une croissance relativement forte grâce au développement de la vie. Il y a d'importantes matières premières. Le chômage est inférieur. Ils sont confrontés au même problème que nous toutefois qui est un vieillissement important de leur population, d'où le fait qu'ils aient besoin de réformer leur système de retraite. La proportion de personnes de plus de 65 ans est même supérieure à celle de la France : 23 % en Australie contre moins de 20 % en France. Cela explique le fait que l'Australie soit en train de reporter l'âge pour bénéficier du régime de la garantie de retraite (le deuxième étage) qui va donc passer de 65 ans à 67 ans d'ici 2023.

Le système français en est-il dans le principe si éloigné ? Comment expliquer qu'il soit si défaillant en comparaison ?

Le système français est un système majoritairement contributif au niveau des entreprises. Ce sont des cotisations sociales qui sont liées aux salaires qui payent la quasi-totalité du régime de retraite. En Australie, il y a un régime d'assistance. On retrouve ce régime d'assistance en France, c'est le minimum-vieillesse, mais il est payé par la CSG. On va retrouver des mécanismes d'assistance également dans le régime par répartition, qui s'appelle le minimum contributif et qui est là payé par les cotisations sociales.

Nous n'avons pas fait le nettoyage, nous n'avons pas bien réparti ce qui était du domaine de l'assistance en France et ce qui était du domaine du contributif lié au travail. En Australie, c'est plus propre, avec d'un côté la solidarité et de l'autre, ce qui relève de l'assurance vieillesse et qui est financée par les entreprises à travers une cotisation.

Comment la France pourrait-elle s'inspirer du système australien ? Que pourrait-elle y gagner ?

D'une part, en France, on paye un surcoût de frais de gestion lié à la multiplicité des caisses et des étages. L'Australie n'a pas cet inconvénient. D'autre part, c'est une lecture beaucoup plus simple, comme on l'a dit ci-dessus. Pour ceux qui veulent améliorer leur retraite, il y a des incitations fiscales pour favoriser l'épargne-retraite. Là, on est dans un régime où les responsabilités des uns et des autres sont clairement identifiées. C'est sur ce point que l'Australie a un avantage sur la France.  

C'est un nettoyage qui a commencé à être fait en France avec la création de la CSG. Mais, même en le faisant, on a compliqué les choses. Ça vaut pour les retraites, pour l'assurance maladie, pour les allocations familiales d'ailleurs. Le débat actuel met en avant que les allocations familiales sont une dépenses fiscales et non pas une dépense qui est liée au travail. C'est vrai que la France doit entreprendre et dire une rationalisation de ses dépenses sociales pour bien identifier ce qui relève de l'impôt, de la solidarité nationale et d'une contribution salariale.

La France peut aussi s'inspirer du fait qu'en Australie on ne masque pas le fait qu'il faille relever l'âge du départ à la retraite (on l'a dit, il est prévu le passage pour la garantie – le cœur de le retraite australienne – de 65 à 67 ans à partir de 2023). En France, on a éludé la question même si implicitement la retraite en France sera également placée à 67 ans d'ici à 2023. Mais on le fait de manière plus détournée, moins directe et moins efficace.

L'autre aspect, ce sont les incitations fiscales qui sont données à l'épargne-retraite, qui permettent de financer l'économie et qui permettent de compléter le montant des pensions. En France, le régime d'épargne-retraite est plus compliqué, même s'il bénéficie d'avantages fiscaux par ailleurs.  

L'âge de départ à la retraite pour les Australiens est de 65 ans. Il devrait être prolongé à 67 ans d'ici 2023. Comment les Australiens s'y sont-ils pris pour faire passer cette réforme ? Et comment expliquer que cela s'avère si problématique en France ?

D'une part, il n'y a pas le même symbole – et que ce soit en Allemagne, au Royaume Uni ou en Australie – autour de la retraite à 60 ou 65 ans. Le fait de pouvoir améliorer le montant de  ses revenus tout en continuant à travailler est beaucoup mieux perçu dans les pays anglo-saxons qu'il ne l'est en France où le rapport au travail est plus difficile. On est là dans du sociologique.

D'autre part, il y a en la matière un relatif consensus qui existe en Australie, en Allemagne, voire au Royaume-Uni, entre syndicats et fédérations patronales pour obtenir un régime équilibré et pour tenir compte de l'évolution de l'espérance de vie. Il n'y a pas le même débat idéologique, donc on ne peut pas comparer. 

L'épargne des employés n'est pas obligatoire mais elle est fortement encouragée. Le taux d'épargne est ainsi de 10 % en Australie. Comment  inciter les Français à épargner plus pour leur retraite ?

En France, le taux d'épargne est de 15.7 %, mais une bonne partie est liée aux remboursements des emprunts immobiliers. L'épargne financière en France est de 6.5 %. Donc, les Français épargnent pour leurs retraites mais c'est difficile : seuls 25 % indiquent le faire régulièrement, avec une contrainte économique qui est le fait que l'épargne est fortement utilisée pour acheter une résidence principale et l'épargne-précaution pour faire face à des accidents professionnels. Ainsi, le contexte est différent : en France il est difficile de libérer de l'argent pour sa retraite à cause de contraintes économiques et financières. De plus, l'emploi est différent entre les deux pays. 

Il y a également un aspect psychologique : jusqu'à aujourd'hui, la retraite publique des Français, donnée par des régimes obligatoires, faisait partie des bons systèmes de retraite. Mais le taux de remplacement en France va baisser de 10 à 20 points en fonction de son niveau parmi les catégories sociales professionnelles. Cette baisse va impacter les générations les plus jeunes.  Il y a un problème d'information, de perfection. D'ailleurs, d'après le dernier sondage du Cercle des épargnants quand on demande aux Français quel est le montant qu'ils vont toucher à la retraite, ils répondent 70 % de leurs derniers salaires. Or, malheureusement, ça sera en dessous. On a là également un problème d'information qui peut conduire les Français à ne pas épargner en vue de la retraite. 

Propos recueillis par Sylvain Chazot

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