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Les Indigènes sont dans la place
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Dés-intégration

Dans les cinq rapports sur l'intégration remis à Jean-Marc Ayrault, on s’étonne de trouver des références élogieuses à plusieurs polémistes qui récusent totalement cette notion comme survivance postcoloniale.

Ali Devine

Ali Devine

Ali Devine est professeur d'Histoire dans un lycée de banlieue parisienne. Il anime un blog éponyme, incandescent et iconoclaste.

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Pour en finir avec la taubirologie, et en écho à cet article un peu excessif mais plein de verve, je voudrais faire part d'une observation qui m'a troublé. Le plus important des cinq rapports remis à Jean-Marc Ayrault au sujet de l'intégration est celui de la commission "Connaissance - Reconnaissance". Il a été rédigé par Mmes Chantal Lamarre et Murielle Maffessoli. On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi ces deux personnalités ont été choisies. Passe encore pour Mme Maffessoli, directrice de l'Observatoire régional de l'intégration et de la ville en Alsace ; la thématique du rapport ne lui est pas étrangère. Mais qu'est-ce que Mme Lamarre, directrice de la Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais, essentiellement connue pour avoir créé un festival consacré aux arts de la rue dans la ville de Béthune, vient faire là-dedans ?

On remarque quelques autres bizarreries qu'un journaliste d'investigation digne de ce nom (ce que je ne suis malheureusement pas, surtout en cette période de fêtes) se ferait un devoir d'approfondir. Ainsi le certainement très sympathique Karim Boursali, "étudiant" (excusez du peu), a-t-il participé aux travaux de la commission à la fois comme "personnalité qualifiée", "personne auditionnée à titre individuel" et "personnalité ayant transmis une contribution écrite spécifique". Certaines institutions paraissent surreprésentées ; ainsi Nacira Guénif-Souilamas a-t-elle été auditionnée en tant que vice-présidente de l'Institut des cultures d'Islam ; or Jamel Oubechou a lui aussi participé aux travaux de la commission en tant que "personnalité qualifiée", sans que son titre de président du même Institut ne soit à aucun moment mentionné (il est juste présenté comme fondateur d'une association certes fort bien subventionnée). Les réseaux locaux des co-présidentes semblent aussi avoir eu une influence déterminante dans l'établissement de la liste des auditions. On y retrouve ainsi le directeur des affaires culturelles de la ville de Grenay (Pas-de-Calais), une médiatrice culturelle dans un quartier d'Avion (Pas-de-Calais), un professeur en Art du spectacle à l'Université d'Artois (Pas-de-Calais), plus un curé et un imam de la ville de Lens (Pas-de-Calais). 

Mais cette méthodologie farfelue n'est pas ce qui m'a fait tiquer dans le rapport en question ; je voulais plutôt parler de certaines des sources intellectuelles de la réflexion qui y est présentée. Le texte cite en effet, dans un premier chapitre paradoxalement intitulé "Faire France", l’essayiste Pierre Tevanian, exégète inlassable du "racisme républicain" et compagnon de route du Mouvement des Indigènes de la République (MIR) ;  ainsi que le sociologue Saïd Bouamama, co-auteur de l’impérissable Nique la France et membre fondateur de ce même MIR dont il est sur le plan intellectuel l’un des principaux inspirateurs. On s’étonne de trouver dans un texte destiné au Premier ministre et consacré à notre politique d’intégration une référence élogieuse à deux polémistes qui récusent totalement cette notion comme survivance postcoloniale. Bouamama par exemple a publié il y a déjà près de dix ans une sorte de manifeste, "L'intégration contre l'égalité" (repris sur le site de Tevanian), et a prononcé en 2009 une conférence encore plus explicite intitulée "Va te faire intégrer !" Je crois en la liberté d'expression et les deux Indigènes ont bien le droit de penser et de dire, au sujet de la France et de sa diversité, tout ce qu'ils veulent dans les limites de la loi ; mais je le redemande, doit-on trouver leurs noms dans un texte destiné à informer la politique menée par notre gouvernement ?

Or il y a dans l’entourage de Mme Taubira une autre sympathisante du MIR en la personne de Sihem Souid, chargée de mission au Ministère de la Justice depuis le mois de mai. Dans une chronique au ton violent publiée le 18 décembre par le magazine Le Point, Mme Souid a elle aussi rejeté "l’odieuse injonction ‘intégrez-vous !’" et assimilé le rejet du rapport précité à un "déferlement de haine", avant d’enfoncer le clou en taxant de racisme, non seulement "ceux qui ne supportent pas d'embaucher, de présenter à des élections, de vendre ou louer un appartement à un Français trop bronzé", mais plus globalement ceux qui "prétendent parler [au nom de la France]". Compte tenu de ce qui a été exposé dans les articles qui précèdent, je suis amené à me demander si Mme Souid parle en son nom propre ou comme porte-parole officieuse de Mme Taubira. Personnellement j’aimerais bien que la garde des Sceaux soit interrogée sur ce point, qu’on lui demande où en est sa réflexion sur la question de l’intégration, cette injonction "odieuse" et raciste hélas soutenue par 94 % des Français. Fait-elle comme sa collaboratrice partie des 6 % restants, et si oui quelle est sa légitimité en tant que membre du gouvernement ?

*Cet article a précédemment été publié sur le blog Ali Devine

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