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10,5% de chômage mais 132 000 postes qui ne trouvent pas de preneurs : les explications
©Reuters

Soyons en adéquation

Selon le Medef, plus de 130 000 emplois seraient inoccupés en France. La faute à une inadéquation entre les qualifications des travailleurs et les besoins des entreprises. Un constat qui relance le débat sur la formation et l'apprentissage.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Dans un récent rapport, le Medef estime à plus de 130 000 le nombre de postes vacants en France, sur les 830 000 procédures de recrutement engagées depuis le début du troisième trimestre. Comment cela s'explique-t-il ? 

Philippe Crevel : Il y a toujours eu une inadéquation entre les offres proposées et les profils disponibles sur le marché du travail. Cela est lié notamment au problème de la formation : certains employeurs ne trouvent pas les profils liés aux postes qu’ils ont de disponible. D’autre part, il y a également des demandeurs d’emplois qui ne sont pas prédisposés à accepter des postes qui ne sont pas forcément en phase avec leurs qualifications.

Pour éclairer ces deux aspects, il convient de distinguer les postes à haute qualification, dans des domaines techniques tels que l’ingénierie ou la science, qui connaissent des déficits. Il existe d’autres domaines où l’on peut noter un déficit de la demande : dans la restauration par exemple, cas classique, où il est fréquent que des restaurateurs ne trouvent pas, sur le marché du travail, des salariés disponibles ayant tous leurs papiers, ce qui les poussent à embaucher des travailleurs sans-papiers, de façon illégale donc, pour faire face à leurs besoins. Ceci s’explique, dans le cas de la restauration, par le fait qu’il s’agit de métiers peu rémunérateurs, souvent difficiles, qui attirent donc peu.

Quelle(s) sont les causes du paradoxe qui existent entre le taux de chômage en France à l'heure actuelle (10,5%), et ce phénomène significatif des emplois non pourvus ? 

J’insiste encore une fois sur ce problème de l’inéquation entre l’offre et la demande de travail, qui fait que la formation, d’une manière générale, ne permet pas de fournir aux entreprises les travailleurs dont elles ont besoin. Il s’agit là d’un phénomène ancien en France, qui est plus criant en période de crise, lorsqu’il y a un fort taux de chômage comme c’est le cas aujourd’hui.

L’autre problème réside dans la rémunération et la progression sociale : certains emplois, peu qualifiés et qui ne débouchent pas sur une évolution de carrière, ne sont pas attractifs, ce qui explique que les travailleurs aient peu d’appétence à leur égard.

A cela s’ajoute la différence qui peut exister entre les allocations chômage et les rémunérations, relativement faibles, proposées. Il n’y a donc pas d’incitation à retourner sur le marché du travail pour occuper des postes peu rémunérateurs et à faible progression sociale.

Quels facteurs peuvent inciter aujourd'hui certains Français à ne pas occuper ces emplois ? 

Comme je viens de le dire, il y a bien évidemment le niveau des allocations chômage et de la couverture sociale, mais également les faibles niveaux de rémunération ; la faute n’est donc pas à mettre que sur le dos des demandeurs d’emplois.

Il y a également le fait, je pense, que l’on serait prêt à accepter aujourd’hui des emplois dans un premier temps peu intéressants, à la condition qu’ils puissent jouer leur rôle d’ascenseur social et déboucher ainsi, à terme, sur des emplois à plus forte qualification. On retombe là sur le problème de la formation en entreprise et de celui de l’apprentissage. S’il y a aujourd’hui plus de 130 000 postes inoccupés en France, c’est en partie lié au problème de l’apprentissage. Le taux de chômage des jeunes s’établit aujourd’hui à 25% ; ce sont principalement des jeunes sans qualification. C’est en partie la faute des pouvoirs publics, mais également celle des entreprises qui n’ont pas mis en place des structures d’apprentissage en leur sein. En Allemagne, se sont les entreprises qui forment les apprentis et les employés pour occuper des postes à plus forte qualification ultérieurement.

Les torts sont donc partagés entre les pouvoirs publics, les entreprises, et un peu tout de même les demandeurs d’emplois même s’ils sont généralement les premières victimes du système. L’apprentissage doit véritablement être pris en charge par les entreprises, par les partenaires sociaux ; ce n’est ni le problème de l’Etat, ni celui des collectivités locales. Il faut, comme en Allemagne, que les partenaires sociaux mettent en place, avec le concours des entreprises, des structures au sein de ces dernières destinées à la formation. Si les entreprises ne sont pas satisfaites de l’Education nationale, elles n’ont qu’à se prendre en mains pour créer des structures de formation.

Quelles solutions pourraient être mises en œuvre afin de remédier à ce phénomène ? 

Hormis le problème de l’apprentissage que je viens de développer, on pourrait également envisager une amélioration de la structure du RSA et inciter davantage les chômeurs à retourner sur le marché de l’emploi. C’est toute la teneur du débat sur l’indemnisation du chômage ; les partenaires sociaux doivent se réunir sur le sujet. La France a une longue période d’indemnisation du chômage, ce qui n’incite pas les chômeurs à chercher un travail ; il y a donc quelque chose à faire là-dessus.

Il faut aussi que les entreprises communiquent plus efficacement sur leurs besoins. A cet égard, les entreprises et Pôle emploi, dont le rôle est un peu trop administratif, doivent jouer un rôle.

L'occupation de ces milliers d'emplois doit-elle être prioritaire sur la création d'emplois ?  

Les deux concourent à améliorer la situation du travail. Les emplois inoccupés ne sont que des emplois qui ont vocation à être créés. En France, on souffre d’un manque d’emplois dans les services, et en particulier dans les services de proximité, les services à la personne, la restauration ; on manque d’emplois également dans les services informatiques, le soutien aux entreprises. Ceci s’explique, encore une fois, par le nombre trop faible de personnes formées à ces matières et le salaire peu intéressant, ce qui peut inciter les jeunes à partir à l’étranger. Ces emplois non occupés concourent à la perte de croissance française

Propos recueillis par Thomas Sila

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