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Bonne résolution 2014 : comment mieux gérer la pression du quotidien
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Bonnes feuilles

"A niveau égal, disent tous les grands performeurs, le mental fait la différence." Cette part du mental, on le sait aujourd'hui, est déterminante pour réussir. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Extrait de "La force du mental" (1/2).

« Le haut niveau est un jeu. Alors autant le vivre et le jouer à haut niveau. » Jean-Claude Killy

Gérer la pression est trop souvent un terme général qui ne veut rien dire. La pression de quoi ? Par rapport à qui ? Il y a plein d’éléments anxiogènes, mais ceux-ci sont différents en fonction de chaque personne. Le regard des autres et des médias, le classement, la peur de perdre, la peur de gagner, le score sont autant de paramètres qui peuvent soit générer de la pression positive si chère aux champions, soit inhiber, déconcentrer voir paralyser l’action. Les grands champions vous le diront tous, sans pression, ils jouent moins bien ! Mais alors comment basculer dans cette fameuse gestion de la pression pour qu’elle soit entraînante et pousse à jouer son meilleur niveau ?

› Le classement

La « toute-puissance » ou « le complexé » : que de matchs perdus chez les sportifs de tout âge qui s’arrêtent à ces phrases ! « Il est mieux classé, donc il est plus fort. » « Il n’est classé que X, donc je dois gagner. »

En France, nous avons grandi en étant soumis aux jugements de valeurs. En tennis par exemple, le classement apporte de bonnes choses. La possibilité de jouer des adversaires proches de son niveau et de faire des matchs intéressants. En revanche, le classement associé aux jugements de valeur peut créer des raccourcis inefficaces :

« Je suis mieux classé, donc meilleur que mon adversaire, je n’ai donc pas le droit de perdre. » Quand on se laisse emporter par ce genre de raisonnement, de nombreux éléments perturbateurs viennent parasiter l’action. Puisque je suis meilleur que mon adversaire ou qu’il est moins fort que moi, je suis moins vigilant, moins concentré et je ne démarre pas le match avec le sérieux et la concentration nécessaire. Il est alors possible que je ne joue pas mon meilleur niveau. Je me complique par conséquent la tâche. Je peux donc être mené au score. Mais si mon adversaire est moins fort que moi, comment se fait-il que je sois mené ? Des émotions comme la frustration ou l’énervement peuvent alors surgir et venir un peu plus gripper la machine. Puis, la colère ou même la peur de faire une « contre-performance » et d’être à son tour jugé peuvent se déclencher. Tous ces éléments en cascade précipitent vers de grosses défaites.

Expérience vécue

J’entraînais Christophe, un joueur classé 250e mondial. J’étais en déplacement avec un autre joueur et Christophe avait dû s’entraîner seul pendant une semaine. Il avait fait des matchs avec un joueur amateur du club classé -4/6. Il était content de sa semaine d’entraînement et trouvait qu’il jouait vraiment bien. À mon retour je le trouve effectivement très affûté et en pleine possession de ses moyens. Il vient de faire un match d’entraînement avec le joueur -4/6, il a gagné 6/1 – 6/1.

– Super ton entraînement. Tu joues bien, tu es en pleine forme pour le tournoi.

– Oui, je me sens bien. Je trouve qu’il y a une grande différence entre un -4/6 et une première série, ils sont vraiment moins forts.

Je fais alors une grosse erreur. Je ne relève pas. Je viens de rentrer d’un long voyage, je suis fatigué et je n’ai pas la force de recadrer. En rentrant chez moi, j’y repense en me disant que j’aurais dû pourtant le faire. Puis je me dis que de toute façon, dans le tournoi qu’il va jouer, il ne rencontrera pas de joueur à ce classement et qu’il sera temps après ce tournoi de reparler de cela. Deuxième erreur.

Deux jours plus tard, nous arrivons à Orléans, un tournoi challenger doté de 50 000 $. Christophe s’entraîne et tout se passe bien, il continue à jouer très bien. Orléans est un tout nouveau tournoi, c’est la première édition. J’ai l’impression qu’il y a peu de joueurs mais je n’y prête pas trop attention. Après la journée d’entraînement nous rentrons à l’hôtel, nous dînons et nous attendons le tableau et la programmation du lendemain. À cette époque, dans les qualifi cations d’un tournoi ATP, les joueurs doivent signer la veille du début des qualifi cations. Les 32 mieux classés ATP sont acceptés dans le tableau. Il est fréquent que des joueurs ne puissent pas jouer et rentrent chez eux. Le circuit est dur pour les apprentis champions. Cette année-là, du fait que ce soit la première édition, il se passe deux choses. La programmation est prête très tard, et il manque des joueurs. Le superviseur a alors accepté tous les joueurs de la région qui voulaient jouer, dont un joueur classé -4/6. Christophe m’appelle dans la chambre vers 22 h 30 pour m’annoncer son horaire de match et son adversaire. Il joue son match à 9 heures, je vous laisse deviner contre qui. Le joueur -4/6. Je me remémore ce que Christophe a dit, ce que j’en ai pensé et ce que je me suis dit. Je regarde l’heure, Je pense qu’il est trop tard pour parler de tout cela. Je décide de ne pas en parler. Troisième erreur.

Le lendemain matin, nous nous retrouvons au petit-déjeuner. Christophe a l’air très détendu. Son échauffement est exécuté d’une façon dilettante, mais il est déjà l’heure de rentrer sur le court pour le match. Le match démarre et Christophe n’est pas vraiment prêt. Son adversaire est très motivé. J’ai un mauvais pressentiment. Christophe ne joue pas bien, son adversaire a l’air de faire le match de sa vie : 5/4 pour le -4/6. Christophe se frustre. Il sert pour revenir à 5 jeux partout, mais il multiplie de grosses fautes inhabituelles. La balle ne sort plus de sa raquette, il a peur. 6/4 pour son adversaire. Le deuxième set est catastrophique. Christophe devient fou, il n’arrive plus à jouer et à retrouver son calme. Il perd le match en deux sets. Quand il sort du terrain, il est très énervé et très en colère contre lui, je suis également en colère contre moi.

Cette défaite nous donnera pourtant l’occasion de recadrer des choses capitales. Son rapport au classement qui fait qu’il s’est tendu et a perdu contre son adversaire. Il va alors réaliser que c’est son jugement de valeur qui l’a pénalisé. Christophe perdra encore des matchs contre des adversaires moins bien classés que lui, mais plus jamais à cause de la peur ou de l’énervement liés à la pression du classement.

Mais cette expérience lui a permis aussi de prendre conscience du penchant inverse. Si Christophe croyait qu’un adversaire moins bien classé que lui ne pouvait pas le battre, pouvait-il s’autoriser à battre un joueur bien mieux classé que lui et faire donc de gros résultats ? Bien sûr que non. Dans l’année qui va suivre Christophe va multiplier des victoires sur des joueurs nettement devant lui au classement comme Guillermo Coria, n° 5 mondial.

Le classement n’est qu’un indicateur ponctuel d’une somme de résultat de l’année d’avant. Il a pu se passer des centaines d’événements depuis (blessures, arrêt, fatigue…).

Si vous surestimez votre adversaire, vous risquez de le voir plus beau qu’il n’est. Parce que rien n’indique dans son classement ni son état d’esprit du moment ni son état de forme. Il peut s’être mal entraîné, blessé, ou être en délicatesse avec un membre de son entourage. Si vous lui prêtez trop de qualités, vous lui donnez du crédit qu’il n’a pas prouvé sur le terrain.

Si à l’inverse vous arrivez trop serein car mieux classé, vous risquez de prendre le joueur à la légère voir de vous énerver si vous êtes accroché.

Conclusion, ne croyez rien. Soyez présent, combatif, prêt à donner le meilleur de vous-même et le résultat arrivera bien assez tôt. Traitez tout le monde d’égal à égal. Si vous êtes là sur le terrain aujourd’hui, c’est que vous le méritez et que vous pouvez gagner, au même titre que votre adversaire.

Extrait de "La force du mental - Être gagnant s'apprend, dans l'entreprise comme dans le sport", Pier Gauthier, Jean-Marc Sabatier (Dunod Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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