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L'hospitalisation à domicile est réservée aux personnes qui ont un conjoint ou une famille.
L'hospitalisation à domicile est réservée aux personnes qui ont un conjoint ou une famille.
©Reuters

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Vendredi a lieu une concertation sur le projet de loi sur "l'adaptation de la société au vieillissement". Les hospitalisations à domicile ont tendance à se démocratiser. Si, dans la pratique, elles réclament un encadrement exigeant, elles permettent souvent au patient de guérir plus vite et de mieux appréhender la maladie.

Jean-Marie Vétel

Jean-Marie Vétel

Médecin-gériatre, chef du service de gériatrie durant 30 ans au Centre hospitalier du Mans. Il est également l’inventeur des deux outils de tarification gériatrique en France : AGGIR (évaluation du niveau de dépendance) et PATHOS qui financent les soins techniques.  

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Atlantico : La médicalisation à domicile a un effet déjà connu sur le moral du patient. Peut-on également imaginer que l’hospitalisation à la maison, individualisée, est également meilleure ? 

Jean-Marie Vétel : Il faut différencier l’hospitalisation à domicile et les soins à domicile. Les soins à domicile sont des soins de base. C’est la toilette, l’habillement : ces taches sont effectués par des aide-soignantes sous la responsabilité d’une infirmière coordinatrice.  L’hospitalisation à domicile est beaucoup plus spécifique : c’est un lit d’hôpital, à la maison. Un médecin se déplace avec des infirmières et il effectue des soins techniques, comme installer une perfusion, par exemple. 

En théorie, il n’y a aucune différence en termes sanitaires entre une hospitalisation traditionnelle et une hospitalisation à domicile puisque cette dernière n’est rien d’autre qu’un lit d’hôpital à la maison. C’est exactement comme pour le SAMU, qui est un lit d’hôpital roulant. Le protocole reste le même, que l’on soit dans un établissement hospitalier ou chez soi. 

Une personne âgée a-t-elle intérêt à se faire hospitaliser à domicile ? 

L’avantage de l’hospitalisation à domicile est certain : vous êtes dans vos meubles, avec votre famille, dans un environnement qui est certainement plus sympathique qu’une chambre d’hôpital. C’est psychologiquement essentiel. Quand la personne est atteinte d'un cancer et subit une chimiothérapie, on sait qu'il très important pour elle d’être avec ses proches. Cela permet de mieux guérir, de mieux appréhender la maladie. 

L’inconvénient ce sont les trous, les moments où le personnel hospitalier n’est pas là. Le patient est seul. C’est pour ça que cela est réservé aux personne qui ont un conjoint, une famille. Il faut quelqu’un qui puisse combler l’absence du personnel de l’hospitalisation à domicile. Mais les proches peuvent être très anxieux à l’idée de se retrouver seuls avec le malade. 

Cette hospitalisation à domicile est-elle uniquement valable pour les personnes âgées ou est-elle adaptable à tous les patients ? 

C’est pour tous les âges. D’ailleurs en France, cela concerne majoritairement des jeunes. Au départ, d’ailleurs, cela avait été inventé pour les cancéreux à leur sortie de l’hôpital. En revanche, l’hospitalisation à domicile n’existe pas dans toutes les régions de France. Certains ont un enthousiasme modeste pour s’occuper des personnes âgées – ou des jeunes – suivant les endroits. 

Dans les pays où la médicalisation à domicile est démocratisée, notamment en Angleterre, on s’aperçoit que de plus en plus de personnes soignées à domicile arrivent à l’hôpital souffrant de déshydratation ou d'autres formes de pathologies liées à un manque de suivi. Comment s’assurer que les soins pratiqués à domicile le sont dans de bonnes conditions ? 

Cela dépend du coup d’œil du médecin à l’hôpital. Il doit décider du bon moment de sortie. Est-ce que je continue à suivre ce patient à l’hôpital, en hôpital de jour ou en hospitalisation à domicile ? Une fois que l’hospitalisation à domicile est prévue, il y a tout un protocole à respecter par le conjoint ou la famille du patient. Si ce n’est pas clairement expliqué, si le protocole n’est pas respecté, cela peut être très traumatisant, et pour la famille qui peut paniquer, ne pas savoir comment réagir en cas de complications, et pour le patient évidemment, qui peut souffrir physiquement et psychologiquement. En cas de problèmes, si la famille est obligée de faire appel aux secours, cela entraîne des coûts supplémentaires. 

Justement, puisque vous abordez le sujet, existe-t-il un intérêt financier à promouvoir la médicalisation à domicile ?

Je ne pense pas, en tous cas pour le patient puisqu’elle est payée par des sommes forfaitaires. Le seul intérêt financier qui existe est indirect et il concerne l’hôpital : l’hôpital est financé et les séjours ne doivent pas être trop longs. Si le séjour d’un patient se prolonge, l’établissement perd de l’argent. Son intérêt est donc d’optimiser la durée du séjour d’un patient. Le médecin doit donc résister à la tentation de faire sortir rapidement les gens de l’hôpital et éviter les sorties prématurées. 

Se dirige-t-on vers une révolution de l’hôpital où ne seraient plus réalisés que des actes chirurgicaux avec une externalisation ?

Non, ou alors dans très longtemps. L’hôpital va rester un plateau technique mais il ne faut pas qu’il soit de plus en plus déshumanisé. Ce n’est pas un endroit où on vous opère pour tout de suite vous recoudre et vous remettre dehors. Ça ne doit pas le devenir. On a le droit à une humanité. 
Nous, les médecins, sommes un peu terrifiés par les systèmes de financement des établissements hospitaliers qui peuvent inciter les personnels soignants à faire des examens supplémentaires ou à faire sortir rapidement les gens de l’hôpital. Il ne faudrait pas que la santé perde la tête. 
Propos recueillis par Sylvain Chazot

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