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Injecter plus de concurrence, meilleur moyen de lutter contre les rémunérations abusives de certains patrons
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Le buzz du biz

Pour mieux résister aux nouveaux entrants et à la concurrence de l'innovation, les acteurs déjà en place profitent de leur connivence avec le pouvoir pour ériger des barrières à l'entrée des marchés. Ces techniques sont d'autant plus possibles dans un pays où l'Etat contrôle 57% de l'économie. Décryptage, comme chaque semaine, dans la chronique du "Buzz du biz".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Si le marché et le libéralisme dominaient réellement le monde, comme on le prétend, il serait impossible de s’acheter une loi ou une réglementation. La concurrence l’en empêcherait. Heureusement pour les dinosaures et les rentiers, ce n’est pas le cas. C’est ainsi que naissent tant de contraintes qui limitent l’entrée sur le marché de nouveaux entrants.

Dans un livre de 1989 (La nouvelle économie industrielle), Henri Lepage écrivait que « les réglementations publiques, loin d’être mises en place pour servir les intérêts des consommateurs et des usagers, répondent à une logique de marché politique et ce sont une forme de protectionnisme, de restriction artificielle à la production dont la finalité est de faire apparaître des « rentes de rareté » qui sont ensuite partagées entre les entreprises ainsi protégées contre l’entrée de nouveaux compétiteurs plus dynamiques (…) ». En clair, les acteurs en place se servent de leurs amitiés et connivences pour établir des réglementations qui les protègent.

Dans une économie où l’Etat est puissant, les opportunités de collusion sont encore plus grandes. Par exemple, quand il représente 57 % du PIB comme en France… Quand les élites économiques, administratives et politiques sont les mêmes, le risque est accru. Par exemple, quand une ou deux écoles, comme Polytechnique ou l’ENA, forment le tout. Ou quand le directeur de cabinet du ministre de l’Economie peut prendre la tête d’un grand groupe de télécommunications, que le conseiller du président peut devenir le n°1 d’une banque majeure ou que, comme Jean-Marc Ayrault l’a annoncé, le n°2 d’une autre banque peut prendre la tête du ministère des Finances.

Le problème, ce ne sont pas les allers/retours public/privé, c’est l’étroitesse du vivier de recrutement et l’absence de transparence. Cette proximité est malsaine quand elle permet ici de demander plus de subventions (voir le rapport Gallois), là moins de concurrence (voir le rapport Beffa Cromme), c’est-à-dire au final plus de protections, plus d’argent récupéré sur le dos des consommateurs ou des contribuables.

Ces grands patrons qui demandent plus de flexibilité pour eux organisent, avec la complicité des élites administratives, leur confort industriel, c’est-à-dire leurs rentes. Ils trouvent des relais dans le discours néo-colbertiste, tout aussi spoliateur des consommateurs, d’Arnaud Montebourg, qui n’a jamais caché son peu de goût pour la concurrence et prétend régulièrement protéger les producteurs contre les consommateurs (il a le mérite de la clarté).

Il en ressort que les mieux connectés, les plus intrigants, les "vrais" membres du sérail obtiennent les lois qu’ils veulent et les réglementations qui les arrangent. Comme tous ces textes qui défendent les monopoles publics et les mastodontes industriels contre les innovateurs technologiques et industriels. Comme toutes ces réglementations qui fortifient les commerçants contre les nouveaux distributeurs en ligne. Comme pour les taxis aussi.

Ce capitalisme de copinage (ou crony capitalism) n’est pas propre à la France. Il existe ailleurs, comme aux Etats-Unis : récemment, Sheldon Adelson, magna des casinos du Nevada et parmi les 20 premières fortunes mondiales, s’est lancé dans une campagne contre les paris en ligne : il peut compter sur son statut de donateur majeur du parti Républicain…

La réponse instinctive de bien des lecteurs sera de suggérer une meilleure régulation et / ou le contrôle accru du financement de la vie politique (voire l’interdiction de dons importants), le tout par une autorité indépendante. Ce qui revient à traiter le problème par une autre version du problème (après tout, le régulateur indépendant ne l’est jamais vraiment et il est lui aussi manipulable, quand ce n’est corruptible - moralement).

Plus audacieuse, plus intrépide, plus stimulante, plus optimiste aussi la réponse du marché libre consiste à laisser faire, pour favoriser l’entrée de nouveaux entrants et l’innovation. Si la France renonçait à un peu de son copinage, un peu de ses régulations, un peu de ses connivences, elle pourrait encourager le mérite, l’aventure et l’innovation. Elle pourrait encourager le développement de nouvelles entreprises, leader de demain, champions nationaux de la performance.

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