Les 7 choses qu'on vous a fait croire à tort sur les dangers du gras sur la santé<!-- --> | Atlantico.fr
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Contrairement à une idée reçue, les régimes pauvres en graisse sont loin d'être parfaits.
Contrairement à une idée reçue, les régimes pauvres en graisse sont loin d'être parfaits.
©Allociné

Révélation

Le monde des nutritionnistes entame sa petite révolution : plusieurs articles scientifiques ont démonté point par point les mythes autour du rôle nocif des graisses sur notre équilibre diététique.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Plusieurs veilles statistiques menées outre-Atlantique ont démontré que la fameuse "guerre aux graisses" ("War on fat") aurait eu des effets plus négatifs que positifs sur notre santé. Certaines recommandations, érigées en dogme depuis les années 1970, ne reposeraient sur rien. Le nutritionniste Patrick Tounian fait le point sur certains des mythes de la nutrition.

1 – Le meilleur régime est le régime pauvre en graisse

Patrick Tournian : Tous les régimes, à partir du moment où ils sont restrictifs, peuvent être efficaces, à condition de les maintenir. Certains insistent plus sur l’exclusion des graisses, d’autres sur l’exclusion des glucides. Ceux qui insistent sur l’exclusion des graisses, par définition, augmentent les glucides, et notamment les sucres simples, comme le fructose. Or, le fructose augmente un peu les triglycérides.

Les régimes pauvres en graisse ne sont donc pas parfaits. On ne peut toutefois pas dire qu’ils sont nocifs. L’important c’est de restreindre. Tous les régimes sont compliqués, l’idéal étant de réduire tout de manière proportionnelle. Mais faire un régime en réduisant tout de manière équilibrée est difficile en pratique, on a donc créé ces régimes dissociés. Mais ce sont des techniques, et chacune a ses difficultés. Certaines méthodes ont leur revers, comme celle-ci, mais il peut se rappeler que le poids est le plus nocif.

Ainsi, faire un régime qui exclut totalement les graisses est une technique efficace, et l’augmentation possible des triglycérides va être compensée par la perte de poids, qui est beaucoup plus nocif.

2 – Le niveau de cholestérol est un bon indicateur du risque d’attaques cardiaques

Les années ont démontré que l'hypercholestérolémie grave, celle qui provoque des infarctus, est clairement liée à des causes génétiques. Cette connexion avait d'ailleurs déjà été établie par les travaux de Brown et Goldstein, récompensés du Prix Nobel de médecine en 1985, l'idée d'un rôle déterminant de la consommation de cholestérol étant bien moins évidente à défendre aujourd'hui.

3 - Les nourritures riches en cholestérol (comme les œufs) sont mauvaises pour la santé

On sait à l'inverse que le cholestérol peut être bénéfique dans certains cas, en particulier chez les enfants, chez qui sa consommation aide au développement des hormones sexuelles. Dans le même sens, on peut affirmer que les régimes forts en cholestérol n'ont jamais été nocifs.

Dans le cas précis d'une personne atteinte d'une hypercholestérolémie, le traitement doit par contre bien commencer par un régime réduisant l'apport en cholestérol. L'efficacité d'un tel régime restera cependant limitée et ne se montrera efficace que dans les cas les moins alarmants. Si l'on parle d’un cas d'hypercholestérolémie potentiellement mortel, il faut évidemment recourir à un traitement directement médicamenteux, un régime étant ici bien peu de choses en comparaisons des risques cardio-vasculaires. L'efficacité de ce que l'on appelle les "régimes hypocholestérolémiants" peut donc être largement relativisée et l'excès de cholestérol alimentaire n'a jamais été nocif dans son ensemble.

4 – L’huile végétale est bonne pour la santé et la margarine est meilleure que le beurre

Les huiles végétales ne sont pas plus dangereuses que les graisses saturées, mais elles peuvent être responsables d'un déséquilibre de l'alimentation. On s'est mis à beaucoup parler des bienfaits des huiles végétales au détriment des graisses saturées (essentiellement le beurre), ce qui a eu pour effet de faire augmenter nettement la consommation des premières. Or ces huiles végétales apportent essentiellement des Oméga 6, ce qui en soit n'a que peu d'intérêt nutritif : ces Omega 6 sont seulement efficaces lorsqu'ils sont bien équilibrés avec les apports d'Omega 3 (poisson gras, noix, soja, colza). Il est ainsi recommandé de ne pas surconsommer d'huile végétale et de se nourrir de poisson deux fois par semaine, sans quoi toute tentative d'équilibre nutritif devient assez vite délétère.

5 – Les graisses saturées augmentent le cholestérol et causent des problèmes cardiaques

Les maladies cardio-vasculaires sont liées en réalité à une conjonction de divers facteurs de risques : la prédisposition génétique, la présence de diabète, la consommation de tabac et l'hypercholèsterolémie (taux supérieur à 1,6g de cholestérol par litre de sang, NDLR), qui est, elle, même davantage déterminée par la génétique que par la consommation de graisses saturées. Parmi tous ces facteurs de risques, l'excès de consommation de graisse est de toute évidence le moins probant.

6 – Les plats préparés "allégés" sont plus sains que les plats normaux

Quand on réduit les graisses d’un plat, on réduit le caractère hédonique du repas, le plaisir qu’on prend à manger. Les édulcorants, comme l’aspartame, sont beaucoup décriés, mais ils permettent de remplir l’estomac en ingurgitant un plat beaucoup moins riche en calories.

Si les individus sont capables de manger des plats normaux en réduisant les quantités, tant mieux. Pour les autres, ces produits peuvent permettre de perdre du poids. Ils ne sont pas moins sains, mais pas plus sains non plus.

7 – Les slogans assénés par les nutritionnistes sont forcément vrais

Il est important que les instances, les institutions puissent informer la population de certaines nécessités nutritionnelles. Si certaines de ces recommandations ont pu être utiles, d'autres se sont avérées en vérité moins évidentes dans leur affirmation. On peut prendre l'exemple des "Cinq fruits et légumes par jour", qui est certainement un mauvais slogan bien qu'il ait été retenu par une grande partie des Français. Mauvais slogan puisqu'il s'est prioritairement appliqué à l'enfant alors que ce ne lui était pas adapté, mais aussi parce qu'il était exagéré à l'encontre des adultes. "Heureusement", on peut constater qu'il n'a pas été tant suivi que cela, notamment par les enfants, d'autant plus qu'une telle pratique n'était peut-être pas si utile nutrionnellement parlant.

Il serait paradoxal que j'invite, en tant que nutritionniste, à se méfier des campagnes de sensibilisation sur l'alimentation, mais il faut clairement être bien plus prudent et réaliste lorsqu'il s'agit d'émettre des recommandations et des slogans. Un domaine où il serait d'ailleurs bien nécessaire d'être moins péremptoire et plus explicatif est celui de la prévention de l'obésité, domaine où les campagnes menées se sont avérées d'une totale inutilité sur le plan sanitaire, tout en réussissant cependant à générer du malaise en faisant de l'obèse un fainéant avachi sur son canapé qui se goinfre de "junk food".

Propos recueillis par Théophille Sourdille et Morgan Bourven

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