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Origine de l’hyperactivité : que sait-on aujourd’hui ?
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Bonnes feuilles

Bouger, zapper, consommer et plus que tout faire barrage à l’ennui : dans les cas les plus sévères, l’hyperactivité peut pénaliser toute une vie et conduire à une spirale de l’échec. Le Dr Olivier Revol, lui-même hyperactif, témoigne et donne des solutions. Extrait de "On se calme !" (2/2).

Olivier Revol

Olivier Revol

Le Dr Olivier Revol est chef du service de neuropsychiatrie de l’enfant à l’Hôpital neurologique au CHU de Lyon. Il est un des tout premiers pédopsychiatres à s’être consacrés aux enfants dits hyperactifs qu’il accueille depuis plus de vingt ans. Il a publié avec succès: Même pas grave, L’échec scolaire ça se soigne (2006) et J’ai un ado mais je me soigne (2010) aux éditions Lattès.

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L’hyperactivité a désormais sa place dans l’actualité. Longtemps dans le déni, puis objet de polémique, ce trouble est devenu un sujet de préoccupation qui prend de plus en plus d’ampleur. En raison de connaissances qui s’affinent, d’un repérage plus pointu et d’une société plus sensible au bien-être.

Encore un effort

« Les avancées des neurosciences ont permis de progresser dans la connaissance du comportement de l’homme, il est capital de poursuivre les efforts de recherche dans ce domaine », martèle le Dr Michel Habib, à la fois neurologue et chercheur 1. Spécialiste de l’hyperactivité et des troubles appelés « dys 1 », convaincu que ces « anomalies neurologiques » sont responsables des problèmes d’apprentissage. L’école est son principal champ d’investigation. Les difficultés scolaires, le ticket d’entrée pour accéder à sa consultation. Son objectif, en déterminer les causes. Car pour lui, il n’y a pas de fatalité.

Avec un tel état d’esprit, pas étonnant que nos routes ne cessent de se croiser. Depuis vingt-cinq ans, nous fréquentons les mêmes sociétés savantes, et nous sommes invités à intervenir dans les mêmes congrès. Nos discours s’enrichissent mutuellement et naturellement. Michel s’applique à décoder le cerveau de ces enfants pas tout à fait comme les autres, qu’ils soient dyslexiques, à haut potentiel ou hyperactifs. Je ne me lasse pas de ses présentations, avec des images de cerveaux en 3 D qui illustrent, grâce à l’IRM fonctionnelle 2, les mécanismes de pensée et de raisonnement des enfants différents. Comme tous les professionnels qui maîtrisent parfaitement leur sujet, Michel Habib donne l’impression que sa spécialité est simple ! Comme ces coups de fil que nous échangeons brièvement et régulièrement, juste pour un conseil, ou valider de nouvelles idées. Car ce qui me bluffe le plus chez Michel, c’est ce souci constant de remettre en question des données qui paraissaient pourtant bien établies.

Pas étonnant que son éclairage sur le TDAH ouvre de nouvelles perspectives.

L’inattention pure

Actuellement, son cheval de bataille est « l’inattention pure ». Une forme méconnue de l’hyperactivité, dans laquelle l’enfant souffre d’un déficit d’attention, mais sans son corollaire, un excès d’agitation motrice. L’enfant est inattentif, mais se tient tranquille. Trop calme pour attirer l’attention sur lui et donc, pas repéré. Cette forme est loin d’être négligeable. Elle représente 45 % des TDAH1, qui ne sont donc pas diagnostiqués ou alors tardivement. Pourtant, tout comme les autres hyperactifs « agités », ils souffrent d’un manque de concentration qui les pénalise. Mais qui ne se voit pas. C’est le cas type de l’élève isolé, silencieux, qui fait tout pour ne pas se faire remarquer. En revanche, ce sont ses notes qui risquent de lui attribuer, bien malgré lui, le statut de dernier de la classe. D’après Michel Habib, il y a urgence à sensibiliser l’école sur cette pathologie invisible. Source d’échec scolaire et d’élèves incompris.

D’après les tout premiers travaux de recherche, la zone concernée par l’hyperactivité se situerait dans le lobe frontal : « La partie la plus humaine, la plus développée chez l’homme par rapport à l’animal. Le siège de la pensée et des sentiments. Mais aussi celle qui permet à l’homme de s’interdire d’agir et de lui dicter ce qu’il convient de faire. »

Démonstration

Les patients atteints de TDAH ont plus de difficultés à se freiner ou à s’empêcher d’agir. La démonstration est réalisée à partir d’imageries cérébrales fonctionnelles, centrées sur le cortex frontal. La zone des fonctions cognitives, repérée par Barkley, comme responsable dans l’apparition des troubles chez les hyperactifs.

Parmi les nombreux tests, l’un d’eux consiste à demander à un sujet d’actionner un bouton ou de s’en abstenir selon une règle qui peut être résumée ainsi : Quand le sujet voit (x) il doit appuyer, quand il voit (y), ne pas appuyer, etc

Les participants sont divisés en deux groupes, hyperactifs ou pas. Le but est de vérifier si leur comportement est différent. Pour les départager, un certain nombre de mesures, comme le nombre d’erreurs commises ou encore le temps de réaction. Autant d’indices capables de mettre sur la piste d’un manque d’attention, une difficulté à se retenir et une tendance à l’impulsivité. Ce genre d’expérience 1 permet aussi d’évaluer un défaut d’inhibition. La difficulté à éliminer ce qui parasite la pensée, principale caractéristique des TDAH.

L’intolérance au délai

Plus récemment, une nouvelle piste a été explorée : la tendance des hyperactifs à « fuir le délai 2 ». Il a été démontré que, placés devant un choix, entre une récompense modeste mais immédiate et une plus forte, mais différée, ils optent pour l’immédiateté. Comparés à un groupe standard, la différence est très nette. Quand ils n’ont pas le choix, lorsqu’ils ne peuvent échapper à une contrainte de temps, ils essaient, à leur façon, d’éviter une attente qui leur est insupportable : « Ils vont alors agir pour réduire cette perception en se focalisant sur des aspects de l’environnement indépendants du temps. » Autrement dit, regarder par la fenêtre, parler ou bouger.

Le modèle démontre que cette « intolérance au délai » implique aussi la sélection d’activités générant un plaisir immédiat. Comme les jeux vidéo 1 dans lesquels l’enfant hyperactif trouve matière à se calmer. Parfois pendant des heures. Premiers surpris, les parents, de le voir devant l’écran plus persévérant et même plus performant que d’habitude.

Cette aversion pour le délai, typique des hyperactifs, a été expliquée, non plus par un dysfonctionnement préfrontal, mais par une anomalie d’une autre partie du cerveau, plus profonde, celle de la motivation. Une zone dédiée à l’émotion, commune à tous les êtres vivants et où se situe « le circuit de la récompense ». Ce mécanisme mis en cause quand l’homme recherche un objet de satisfaction. En imagerie fonctionnelle, cette zone s’active quand il est question d’argent, de sexe, de chocolat et de toutes sortes d’addictions. Chez les TDAH, au lieu d’un déficit, il s’agirait cette fois-ci de l’inverse. Leur système de motivation fonctionnerait à plein régime. Comme un moteur qui s’emballe. Ils souffriraient d’un trop-plein de cette « hormone de la motivation ». Celle qui permet l’action.

Pour Michel Habib, c’est une bonne surprise : « Cette nouvelle conception constitue une remise en cause des idées reçues, une explication alternative qui n’exclut pas les autres et qui, au contraire, enrichit la connaissance. » Car pour ce chercheur : « Il y a ce que l’on est au départ de la vie, et ce que l’on peut changer. » Toutes les pistes de recherche sont à encourager, car elles s’ouvrent sur des applications pratiques et thérapeutiques pour les patients qui souffrent d’une « pathologie dont les rouages restent encore bien énigmatiques ».

D’autant plus qu’en matière d’hyperactivité, il faut bien savoir de quoi on parle…

Extrait de "On se calme !", Olivier Revol, (JCLattès Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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