Quel impact pour l'Europe de l'accouchement difficile de la coalition gouvernementale d'Angela Merkel ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Malgré une large victoire, la chancelière allemande Angela Merkel a été contrainte de conclure une alliance avec le SPD pour former son gouvernement.
Malgré une large victoire, la chancelière allemande Angela Merkel a été contrainte de conclure une alliance avec le SPD pour former son gouvernement.
©Reuters

Chroniques germaniques

Ayant accepté d'ouvrir les négociations pour former une coalition avec le parti d'Angela Merkel, le SPD entend faire plier la chancelière sur de nombreux sujets qui ont fait le succès de la chancelière, notamment au niveau européen. Une négociation qui risque d'être rendue encore plus complexe par la réforme des traités européens que préparerait madame Merkel.

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde est politologue et directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg.

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Atlantico : Malgré une large victoire, la chancelière allemande Angela Merkel est contrainte de conclure une alliance pour former son gouvernement, son parti n’ayant pas obtenu la majorité absolue. Avec les libéraux sur le banc de touche, c’est vers les sociaux-démocrates du SPD que s’est tournée la chancelière. A quel "prix politique" peut se conclure cette alliance ? Angela Merkel peut-elle, par exemple, céder sur l’instauration du salaire minimum comme réclamé par le SPD ?

Henrik Uterwedde : On est bien en Allemagne, où le clivage « gauche-droite » est plus que modéré… Les positions de la  CDU, centre-droit, et du SPD, centre-gauche, ne sont pas très éloignées, et les partenaires, pragmatiques, ont le sens du compromis. Angela Merkel pourra donc accepter des compromis sans trop d’états d’âme. Elle va certainement concéder l’instauration d’un salaire minimum, qui figure parmi les revendications principales du SPD et constitue pour ce dernier une valeur de symbole. Les négociations seront facilitées par le fait qu’un agenda social s’imposera de toutes façons au nouveau gouvernement : lutte contre l’emploi précaire et les « petites » retraites de misère, investissements dans les infrastructures publiques et dans l’éducation, etc.

Comment le passage d’une alliance avec les libéraux à une nouvelle avec des sociaux-démocrates peut-il modifier la politique de la chancelière au niveau européen ? Sur quel éléments économiques et sociaux ?

La présence du SPD au gouvernement pourrait apporter une tonalité nouvelle, plus compassionnelle au discours européen allemand, ainsi qu’à l’agenda européen de croissance et d’emploi. Rappelons que le candidat SPD avait mis l’accent sur la nécessité d’un « Plan Marshall » afin de promouvoir le développement économique des pays européens périphériques. Cela dit, je ne pense pas que la position allemande changera en profondeur. N’oubliez pas que le SPD a voté la règle d’or en Allemagne, qu’il partage le principe qu’une solidarité vers les pays en difficulté, et qu’il est lui aussi sous la pression des citoyens-contribuables qui sont vigilants sur les engagements financiers du gouvernement fédéral à l’échelle européenne.

Quels effets cette alliance aura-t-elle sur les autres pays européens, notamment la France ?

Une grande coalition CDU/CSU-SPD disposerait d’une légitimité aussi fraîche que large, ce qui renforcera la position de la Chancelière. Sous l’influence du SPD, la tonalité pourrait être un peu plus « accommodante » vis-à-vis des partenaires. Le président Hollande pourrait attendre beaucoup de compréhension mais le nouveau gouvernement allemand attendra aussi la poursuite des réformes et du redressement budgétaire en France.

L’émergence du parti anti-européen Alternative für Deutschland, pour lequel ont voté plus de deux millions d’Allemands, peut-il gêner le travail de la coalition qui se dessine sur les questions européennes ?

Ce mouvement témoigne de l’existence d’un courant eurosceptique en Allemagne, jusqu’alors limité dans son expression politique qui pourrait se cristalliser dans l’AfD. Le gouvernement devra en tenir compte : d’abord en  expliquant davantage le sens de sa politique européenne, ainsi que les avantages de l’union monétaire ; mais aussi en se montrant très prudent quand il s’agira d’engager de nouvelles ressources financières.

Angela Merkel préparerait selon Der Spiegel (voir ici) une nouvelle modification des traités européens, donnant notamment de plus forts pouvoirs à la Commission européenne pour faire respecter les engagements budgétaires et mettant en place un système "à l'allemande" pour favoriser export plutôt que la demande intérieure. Ces mesures sont-elles compatibles avec la nouvelle coalition ? Ces objectifs sont-ils réalisables politiquement ?

Il est trop tôt pour le dire. Pour l’instant, le gouvernement fédéral pointe les limites des traités européens actuels et renvoie à la nécessité de les modifier si l’on veut aller plus loin dans l’union bancaire ou dans la gouvernance effective de la zone euro.Mais il sait aussi que c’est politiquement très compliqué. En ce qui concerne le modèle économique, je ne pense pas que l’Allemagne veuille « imposer » son modèle de croissance par les exportations. Par ailleurs, ce modèle est en train de s’équilibrer un peu, la reprise allemande étant portée davantage par la demande intérieure, et la nouvelle politique sociale et d’investissements publics va conforter cette voie. Cela dit, le gouvernement allemand rappellera aussi les vertus d’une politique de l’offre et de la compétitivité dans les pays européens, sans laquelle tout soutien de la demande risquerait de tomber à l’eau.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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