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La France malade de ces grands démocrates qui oublient la loi de la majorité quand elle ne leur convient plus
©Reuters

Le camps des saints

Dans l'affaire Leonarda, Harlem Désir, Claude Bartolone ou encore Jean-Vincent Placé ont fustigé la politique de Manuel Valls alors même qu'une écrasante majorité des Français sont en accord avec celle-ci. Un terrorisme de la bien-pensance qui finit par menacer la démocratie.

Atlantico : Dans l'affaire Leonarda, Harlem Désir, Claude Bartolone ou encore Jean-Vincent Placé ont fustigé la politique de Manuel Valls et de François Hollande. "Il y a la loi. Mais il y a aussi des valeurs avec lesquelles la Gauche ne saurait transiger. Sous peine de perdre son âme" a écrit le président de l'Assemblée nationale sur Twitter tandis que le sénateur écologiste a carrément appelé les lycéens à poursuivre les manifestations. Pourtant, une écrasante majorité de Français sont en accord avec la politique du ministre de l'Intérieur. Ces élus sont-ils encore capables d'accepter la loi de la majorité ?

André Bercoff : Pendant que Bartolone, Placé et Désir protestent, l’écrasante majorité des députés socialistes demandent éperdument à Manuel Valls de les épauler pour leur campagne municipale. Par ailleurs, s’il faut placer les valeurs avant la loi, il faut immédiatement donner raison à tous les maires qui refusent, au nom précisément de leurs valeurs,  le mariage pour tous. La conscience n’est ni hémiplégique ni unijambiste, ni relative. Il faut arrêter l’hypocrisie des deux poids et deux mesures.

Les récents propos de François Fillon sur les alliances UMP/FN ont fait couler beaucoup d'encre, tant à droite qu'à gauche, d'aucuns dénonçant des propos infamants et indignes. Si l'on peut être en désaccord avec les déclarations de l'ex Premier ministre, faut-il pour autant laisser s'installer une chape de plomb sur certains tels sujets ?

André Bercoff : Aucune chape de plomb ne peut abolir ou endiguer la liberté d’expression. Le politiquement correct a transformé le débat en chambre sous vide, aseptisée, pasteurisée, où le principe de précaution a remplacé le principe de contradiction. Il y a là, je n’hésite pas à la dire, un fascisme du camp du Bien qui en vaut d’autres. Il faut en finir une fois pour toutes avec le reductio ad hitlerum, cet arbre usé qui cache la forêt des nouveaux totalitarismes. 

Jean François Kahn :  Cette opération de lynchage médiatique est effarante ! On peut dire qu’il a été maladroit, dans le sens ou l’on a probablement pas compris ce qu’il souhaitait nous dire, mais se comporter comme si M. Fillon venait de commettre un crime contre la raison ne se justifie pas.

Doit-on y voir une forme de terrorisme de la bien-pensance ? Cette "dictature du bien" finit-elle  par menacer la démocratie ?

Jean François Kahn :Certaines choses ne peuvent être dîtes, le politiquement correct venant censurer certains champs du discours public.

Lorsqu’ Eva Joly s’est interrogée de la nature militaire du défilé du 14 juillet ou que Georges Frêche a commencé a plaisanter sur l’équipe de France, ils se sont retrouvés face à un torrent d’injures et déchaînements, un peu comme s’ils venaient de réciter Mein Kampf par cœur. On est quelque part dans un système de chasse à la « petite phrase » qui instaure une espèce de censure par lynchage médiatique dès que quelqu’un dépasse « la ligne jaune ».

A l’inverse on note que des expressions extrêmement violentes y échappent totalement, comme lorsque l’on a parlé de « rafle » dans l’affaire Léonarda. Le terme a beau renvoyer à un extrémisme virulent, personne ne s’est offusqué dans Libération ou dans Le Figaro de tels propos. Dans la même veine, Cohn-Bendit n’a pas été particulièrement inquiété d’avoir comparé la rhétorique de M. Valls à l’égard des Roms à celle que tenait les nazis envers les Juifs. On ne peut donc pas tout dire, mais on ne peut s’empêcher de remarquer que dans certains domaines, on a tous les droits.

Cette logique de « guerre » politique, que partagent d’ailleurs tout les partis du FN au Front de Gauche empêche tout argumentaire puisqu’il est interdit sous peine d’oukaze de dire que celui de l’autre camp a possiblement raison sur un thème précis. Dans un tel contexte, le débat démocratique en devient forcément biaisé.

André Bercoff : Elle l’a pratiquement lobotomisée depuis près de trente ans, au nom des fausses valeurs, de l’aveuglement et de la surdité devant le réel. Selon l’expression de Brecht, les gouvernements divers, s’ils n’ont pas tous décidé de changer de peuple, ont totalement négligé, voire méprisé, une partie de celui-ci. Ils la qualifiaient de l’étiquette entre toutes méprisante de « Dupont-la-Joie ». Ils payent aujourd’hui le retour de ce refoulement.

Traduit-elle finalement une vision aristocratique du pouvoir selon laquelle les élites seraient seules à détenir le savoir et la vérité ?

André Bercoff : Elle traduit ce sentiment hélas fort répandu dans les sphères du pouvoir : nous savons mieux que vous ce qui est bon pour vous. Nous sommes vos parents, laissez-nous vous guider, nous qui sommes tellement intelligents et compétents. Au vu des résultats, on peut comprendre que ça ne marche plus.

Cette fracture entre le peuple et les élites se traduit politiquement par une forte poussée du FN. Dans ces conditions, comment le peuple peut-il se réapproprier la démocratie sans forcément se tourner vers les extrêmes ?

André Bercoff : Je pense, hélas, que cela passera par les extrêmes avant de retrouver un équilibre et une santé. Le ras-le-bol est immense mais trop fragmenté pour représenter aujourd’hui l’unité du Tiers Etat en 1788. Mais la nature ayant horreur du vide, nul doute que l’émiettement des protestations et des mécontentements ne trouve un prochain jour son dénominateur commun. Sinon, ce sera le chaos, avec toutes ses béances, ce que personne ne peut souhaiter.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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