Les 6 millions d'employés de multinationales en France doivent-ils plus craindre les délocalisations ou l'action gouvernementale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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46% des salariés français travaillent dans une multinationale.
46% des salariés français travaillent dans une multinationale.
©Reuters

Exposés

Selon un rapport de l'Insee, 6,8 millions de Français travaillent dans des multinationales. Celles-ci sont plus enclines à délocaliser que les autres entreprises, note le rapport, qui élude complètement la question de la compétitivité française.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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L’INSEE publie un rapport relatif aux entreprises françaises, dont le volet concernant les multinationales suscite l’intérêt. Le Monde titrait à cette occasion « 46% des salariés travaillent dans une multinationale » soit 6,8 millions, et le rapport lui-même indique « en France, un salarié sur deux travaille dans une multinationale ».

Afin de relativiser ce qui semble être une chiffre très important, une menace, il convient de rappeler que la France dénombre 26 millions d’emplois (données INSEE / OCDE), et 23.7 millions de salariés (le solde représente les emplois….non-salariés).

A lire aussi : Pourquoi une sortie de l’euro exposerait encore plus à la mondialisation les salariés des grandes entreprises françaises

Le chiffre de 46% parait dès lors un brin exagéré car en réalité, seuls 28.6% des salariés en France sont employés par des multinationales. La différence s’explique par la non prise en compte, notamment, du nombre de fonctionnaires au sens large (« Administrations publiques, enseignement, santé humaine et action sociale » soit 7 580 000 personnes) et qui représente 32% des emplois en France.

Pourquoi ces chiffres sont-ils abusivement employés ? En poursuivant le rapport, nous apprenons que les entreprises multinationales ont tendance à délocaliser. Grâce à un tel traitement, nous arrivons ainsi à un résultat anxiogène, obtenant au final un subtil raccourci qui pourrait ressembler à ceci « 50% des emplois en France sont sous la menace de sociétés qui ont tendance à délocaliser ! ». Le déroulé du rapport, bien que très factuel, ne semble pas vouloir présenter plus raisonnablement les avantages apportés par ces firmes.

Il est de plus assez pénible de constater qu’aucun chiffre de comparaison internationale n’est apporté dans ce rapport, empêchant dès lors toute mise en perspective.

Le Cabinet McKinsey a également pu se pencher sur cette question du rôle des multinationales dans l’économie. Et les données publiées sont significatives. Aux Etats Unis, 1% des sociétés emploie 19% des personnes du secteur privé, 25% de la part des salaires, 31% de la croissance, 53% des gains de productivité, et 74% des dépenses en recherche et développement. 

Il convient également de signaler l’importante contribution indirecte de ces multinationales, 90% des achats étant effectués auprès d’entreprises américaines.



Ces résultats méritaient d’être abordés dans l’étude de l’Insee.

Seule la question des salaires y est traitée, pudiquement dans un tableau. Le salaire annuel moyen est proche de 49 000 euros au sein des grandes entreprises manufacturières, contre 30 000 dans les PME. Un employé d’une firme multinationale étrangère bénéficie quant à lui d’un salaire moyen de 53 000 euros contre 39 000 dans une multinationale française (soit plus du double du salaire moyen). Pour un salarié français, un poste au sein d’une grande entreprise multinationale étrangère offre ainsi le bénéfice du meilleur salaire.

Les multinationales françaises et l’emploi

Selon le rapport publié par l’Insee, 53% des employés des grandes entreprises françaises sont localisés à l’étranger, soit 4,6 millions de personnes. Ce chiffre pose une question, ces sociétés ne joueraient-elles pas le jeu en employant plus de salariés hors de France que sur le territoire national ? Pour cela, nous pouvons comparer la part d’emplois de ces sociétés dans l’ensemble du secteur privé national et comparer ce chiffre avec les Etats Unis. Selon les chiffres du BEA (Bureau of Economic Analysis), 21% des personnes employées dans le secteur privé travaillent dans des multinationales, contre 26,5% en France. Et ce, alors même que les sociétés américaines emploient un tiers de leurs effectifs à l’étranger. Le constat est alors différent ; les multinationales françaises jouent le jeu sur le territoire national tout en étant plus exposées à l’international que leurs homologues américaines.

Les multinationales étrangères en France

1,8 millions de personnes sont employées en France dans ces sociétés. Cette part a été réduite au cours des dix dernières années, la France y aurait perdu 500.000 emplois. Une telle situation peut permettre soit d’incriminer les sociétés elles-mêmes, soit l’action gouvernementale. 

Ce qui apparaît comme surréel, dans les 18 pages consacrées par l’Insee à cette question de « L’internationalisation des entreprises et l’économie Française», est que les mots « compétitivité » « fiscalité » n’apparaissent jamais. Seul l’argument suivant « La propension à délocaliser augmente avec la taille des sociétés » est retenue, sans que rien d’autre, en dehors de la supposée « taille », ne puisse le justifier.

Le fait est que l’attractivité de la France ne fait aucun doute. Selon le baromètre de la chambre de commerce américaine en France (Amcham), le pays possède de sérieux atouts : infrastructures, qualification des salariés, positionnement géographique. Mais aussi des inconvénients : la bureaucratie, la fiscalité et le climat social. Le baromètre « Amcham » délivre alors les réponses attendues : « L’attractivité de la France en tant que destination d’investissement est également en forte baisse. Moins de 13% des répondants jugent que leur maison mère a une perception positive de la France, contre 56% d’opinions favorables en 2011 ». Et ici, les mots fiscalités et compétitivités sont présentés, comme les causes majeures de ce déclin.

Les multinationales, les grandes entreprises sont une chance et non une menace pour la France, pays incontestablement attractif, mais faisant payer trop cher ses avantages par ses lourdeurs. Les chiffres annoncées prouvent une chose, ces sociétés sont prêtes à payer cher leur présence en France, mais il y a bien une limite qui semble avoir été atteinte. Les 6,8 millions de salariés de ces entreprises devraient souhaiter un meilleur traitement pour leurs employeurs, afin de pérenniser leurs emplois, et permettre à d’autres salariés de les rejoindre.

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