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Les Etats-Unis et le gaz de schiste : comment démêler le vrai du faux
©Reuters

Decod'Eco

Le débat sur le gaz de schiste est encombré de toutes sortes de clichés et de désinformation. Un petit tour d'horizon pour y voir plus clair.

Cécile  Chevré

Cécile Chevré

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’Institut national des techniques de documentation (INTD). Elle rédige chaque jour la Quotidienne d'Agora, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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Le gaz de schiste, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Généralement, les deux n’aiment ni débattre ensemble ni même se rencontrer. Le gaz de schiste fait aussi partie de ces sujets qui peuvent transformer un paisible déjeuner en véritable champ de bataille.

Pour tout vous dire, j’hésite toujours à écrire sur le gaz ou le pétrole de schiste, n’ayant aucune velléité à me faire traiter de vendue par un parti ou l’autre mais aussi tout simplement par manque de sources d’information fiables et impartiales. La plupart des faits (même les simples chiffres) sur le sujet sont à prendre avec des pincettes… et ne parlons même pas des articles, forums et autres formes d’expression.

Le sujet est tellement explosif qu’il en est devenu tabou. Le 12 septembre dernier, François Hollande présentait les 34 plans de la "Nouvelle France industrielle" préparés par Arnaud Montebourg. Sauf qu'à l’origine, comme le révèle L’Usine Nouvelle, ce n’est pas 34 plans qui avaient été proposés mais 36. Dont un plan pour le nucléaire… et un autre sur les gaz de schiste.

Malgré tout, le gaz de schiste, il faut en parler, ne serait-ce que, selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (IEA), parce que les États-Unis devaient cette année devenir les premiers producteurs de gaz — et de pétrole — au monde, devant la Russie et l’Arabie Saoudite, et ce grâce à la fracturation hydraulique.

Or, plusieurs questions se posent : quelle influence a eu le gaz (et le pétrole) de schiste sur l’économie américaine ? Qu’implique un très faible cours du gaz aussi bien pour l’industrie gazière que pour le prix de l’énergie aux États-Unis ? Quelle est l’ampleur des réserves de gaz de schistes américaines et peuvent-elles réellement faire une différence en termes d’emplois ou de compétitivité ? L’indépendance énergétique est-elle pour demain ?

Petit tour d’horizon des réponses…

Le poids du gaz de schiste dans l’économie américaine

Selon l’EIA, la production de gaz de schiste américaine est actuellement de 7 850 milliards de pieds cube (soit 220 milliards de mètres carrés si je ne me suis pas trompée dans mes calculs), ce qui représente un tiers de sa production totale de gaz.

Une production qui permet aux Etats-Unis d’augmenter (un peu) leur indépendance énergétique, comme le rappelle une étude du Crédit Agricole datant de juillet dernier : “De plus, le ratio de dépendance énergétique (part de l’énergie importée dans l’énergie consommée) devrait passer de 28% à 24% d’ici à 2030. Le ratio de dépendance vis-à-vis du pétrole diminuera de 66% à 60% et celui du gaz de 12% à 9% sur la même période”.

Huile et pétrole de schiste devraient donc contribuer à rééquilibrer, lentement et partiellement, la balance commerciale américaine même si l’indépendance énergétique américaine devrait pendant encore longtemps rester ce qu’elle est, à savoir un mythe.

Quant aux conséquences profondes sur l’économie américaine, le débat est intense pour ne pas dire violent (et biaisé), les chiffres difficilement vérifiables et partiels.

Voici quelques éléments, à prendre avec toute la prudence nécessaire. Selon une étude de l’IHS Cera, proche de l’industrie pétrolière, les énergies de schiste auraient créé directement ou indirectement 2,1 millions d’emplois et 75 milliards de dollars de recettes fiscales en 2012.

L’étude du Crédit Agricole citée plus haut tempère un peu ces chiffres en s’intéressant de plus près à certains des emplois directs créés par l’industrie du schiste, à savoir le secteur minier : “Si on observe les données de l’emploi du secteur minier dans son ensemble, extraction et activité support confondues, le secteur dans son ensemble concentre à peine 0,6% des emplois globaux avec 814 000 personnes. En regardant les données de l’emploi en 2012, date à laquelle la production de pétrole a progressé de plus de 14% (a/a), le nombre d’emplois créé reste relativement faible : 28 000 emplois sur cette période“.

Tous secteurs confondus, le phénomène positif sur les emplois reste cependant notable dans certaines régions : “Toutefois, les principaux États producteurs de pétrole bénéficient de créations d’emplois conséquentes. Ainsi, sur un an glissant, le Texas a créé près de 325 000 emplois, toutes activités confondues“. (Vous l’aurez noté, les chiffres de Crédit Agricole ne concernent que le secteur du pétrole de schiste).

Dans tous les cas, la baisse du coût de l’énergie, qui comme nous allons le voir tout de suite est en partie due à l’exploitation des énergies de schiste, participe à faire baisser le coût du travail aux États-Unis, et tout particulièrement dans l’industrie.

Pourquoi le gaz de schiste américain n’a pas noyé le marché mondial

Une des conséquences de l’exploitation des gaz de schiste est en effet d’avoir contribué à l’effondrement du cours du gaz. Aux États-Unis, il est passé de 12 $ environ en 2008 à moins de 2 $ début 2012. Évidemment, la crise de 2008 est passée par là, mais c’est l’augmentation de la production américaine qui a permis de maintenir le cours du gaz à des niveaux très bas aux États-Unis. Aujourd’hui, le cours du million de BTU (unité de référence du gaz, MBTU) s’affiche toujours sous les 3 $.

Des cours du gaz au plancher mais uniquement aux États-Unis. Le MBTU se paie plus de 16 $ au Japon ou 10-11 $ en Europe.

Principale explication à ces différences de prix : le gaz américain est resté cantonné aux États-Unis. La législation américaine limite très fortement les exportations de gaz (et interdit même depuis 1979 celles de pétrole, considéré comme matière première stratégique).

Depuis quelques mois, cependant, quelques timides signes d’ouverture se font jour mais les autorisations d’exportations sont toujours délivrées au compte-gouttes. Ajoutons à cela que les États-Unis qui étaient devenus d’importants importateurs de gaz ne sont pas équipés des infrastructures permettant d’exporter le gaz.

Le gaz a en effet besoin d’être liquéfié (GNL) pour être transporté sur de grandes distances. Or, jusqu’à présent, les installations présentes sur les côtes américaines permettaient de re-gazéifier le GNL importé. Aujourd’hui, pour exporter, les producteurs de gaz américain doivent construire des équipements permettant de liquéfier. Même problème pour les pipelines qui avant l’explosion des gaz de schiste servaient à transporter le gaz des côtes jusqu’aux centres de consommation. Actuellement, pour répondre à la nouvelle donne, il faut inverser ces pipelines, pour leur permettre de transporter le gaz naturel des champs de production américains aux côtes.

[Retrouvez plus d'informations sur le gaz de schiste - mais aussi sur tous les grands enjeux de l'économie actuelle - en cliquant ici.]

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