Éclatement d'une bulle immobilière : la France moins menacée que ses voisins<!-- --> | Atlantico.fr
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La France semble à l'abri de l'éclatement d'une bulle immobilière.
La France semble à l'abri de l'éclatement d'une bulle immobilière.
©Flickr

Bombe à retardement ?

Alors que la Bundesbank estime que l'immobilier des grandes agglomérations allemandes serait surévalué de 20%, Eurostat a constaté une baisse de 2,2% des prix des logements sur un an dans la zone euro et de 10,6% en Espagne. En France, la baisse est de 1,1%.

Nicolas  Costes

Nicolas Costes

Nicolas Costes est économiste spécialiste du logement. 

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Atlantico : Alors que la Bundesbank a lancé un cri d'alarme quant à la surévaluation de certains biens en Allemagne (voir ici), d'importantes baisses des prix de l'immobilier en Europe ont été constatées par Eurostat (voir ici). Que penser de ces phénomènes "divergents" ? Le spectre d’un l'éclatement d'une bulle immobilière plane-t-il sur l'Europe ?

Nicolas Costes : Avec une baisse moyenne de 2,2 % au sein de la zone euro, les statistiques d'Eurostat ne font pas état d'un effondrement généralisé des prix immobiliers ; les écarts observés entre les pays traduisent en revanche l'hétérogénéité des marchés nationaux au sein de la zone euro notamment. Les baisses enregistrées par l'Espagne (-10,6 %), l'Italie (-5,9 %), ou le Portugal (-4,3 %) par exemple sont à mettre en relation avec la situation économique particulièrement dégradée que connaissent ces pays. Les acquéreurs y sont d'autant moins nombreux que la fragilité des systèmes bancaires de ces pays se traduit par un resserrement des conditions de crédits. Leurs marchés immobiliers sont donc moins fluides, les biens offerts sur le marché ont du mal à trouver preneurs et les vendeurs peuvent être contraints à baisser leurs prix. A cela s'ajoute, pour l'Espagne notamment, un phénomène plus structurel ayant trait à l'excès d'offre de logements par rapport à la demande, résultat d'un développement irrationnel du secteur de la construction dans les années 1990/2000.

En France, la baisse est de 1,1% sur un an, le scénario de l’éclatement d’une bulle immobilière y est-il possible, et sinon pourquoi ?

Au niveau national, cette statistique confirme une tendance à la baisse observée depuis de nombreux mois déjà. Pour autant, on ne peut pas à proprement parler d'éclatement de bulle pour au moins deux raisons : 1). Il faudrait qu'une bulle se soit constituée ces dernières années, ce qui reste à prouver ; 2). S'il y avait effectivement eu une bulle, alors elle n'aurait pas éclatée mais ne ferait que se dégonfler car on n'observe pas, en France, de baisse brutale et importante des prix immobiliers. Mais si la baisse devait se poursuivre durant plusieurs années, alors oui, on pourra affirmer qu'il y avait bien une bulle, mais ça on ne le saura qu'a posteriori...

Toutefois, plusieurs indicateurs font que l'existence d'une bulle immobilière en France est peu probable. Une bulle se forme à partir du moment où la valeur d'un actif (le coût lié à l'achat d'un appartement ou une maison dans notre cas) ne reflète pas la somme actualisée de ses rendements futurs (autrement dit, ce qu'il va vous rapporter). Ces rendements futurs vont dépendre des loyers que vous percevrez si vous louez ce bien (rentabilité locative) et/ou de son prix à la revente (rentabilité de patrimoine).

En France, la rentabilité locative s'est largement érodée ; l'évolution des loyers a été beaucoup moins dynamique que celle des prix sous l'effet de l'encadrement des loyers principalement (indice de référence des loyers qui fixe un plafond d'augmentation annuelle). En revanche, en moyenne et sur la longue période, la rentabilité de patrimoine reste élevée du fait de la rigidité de l'offre nouvelle de logements, du dynamisme démographique et de la raréfaction du foncier constructible. Cette espérance de gain futur obtenu lors de la revente fait plus que compenser la baisse de la rentabilité locative. Il demeure donc la plupart du temps rationnel d'investir dans l'immobilier dès lors que les conditions du développement de l'offre nouvelle de logements restent contraintes comme c'est le cas en France. Paradoxalement, c'est la réglementation parfois malthusienne du marché du logement (notamment les règles locales d'urbanisme) qui explique la résistance des prix en France.

A quoi peut-on attribuer cette baisse en France. Est-elle finalement une bonne nouvelle pour les acquéreurs ?

La baisse de 1,1 % enregistrée en France n'est qu'une moyenne qui ne traduit pas l'hétérogénéité des marchés locaux. Les prix du logement résistent dans certaines régions économiquement attractives et au sein desquelles l'offre est peu abondante (île-de-France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes, notamment). En revanche, ils baissent parfois fortement dans des régions où la construction a été trop dynamique ces dernières années (sous l'influence des dispositifs de soutien à l'investissement locatif "Robien" ou "Scellier") alors que la demande était faible.

Ce mouvement de correction des prix s'explique également par le contexte économique actuel qui n'incite pas les ménages à investir. Par ailleurs, les récentes hausses de taux d'intérêt contribuent à réduire le pouvoir d'achat immobilier des ménages et pourraient ainsi contribuer à alimenter la baisse des prix. Une baisse de prix peut être une bonne chose pour les acquéreurs dans le sens où elle contribue à accroître leur pouvoir d'achat. Mais si ces baisses se poursuivent, elles pourraient être à l'origine d'une moins-value si l'acquéreur devait revendre son bien à court terme. Les mouvements de baisse, s'ils durent, peuvent également contribuer à figer le marché: les futurs acquéreurs préfèrent attendre pour profiter de prix encore plus bas et certains vendeurs retirent leurs biens du marché en attendant des jours meilleurs.

Propos recueillis par Pierre Havez

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