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L’énergie 2.0 passe par la mise en équation de 4 dimensions apparues dans un contexte réglementaire de prise de conscience à l’échelle planétaire.
L’énergie 2.0 passe par la mise en équation de 4 dimensions apparues dans un contexte réglementaire de prise de conscience à l’échelle planétaire.
©Flickr

Consomm'action

Dans son ouvrage "Comprendre le nouveau monde de l'énergie", Myriam Maestroni, dirigeante d'entreprise, rappelle les grands enjeux géopolitiques et les défis économiques, climatiques et environnementaux liés à l'énergie.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Dans votre livre Comprendre le nouveau monde de l’énergie, vous rappelez les grands enjeux géopolitiques, les défis économiques, climatiques et environnementaux liés à l’énergie. Qu’est-ce que l’énergie 2.0 ?

Myriam Maestroni : L’énergie 2.0 passe par la mise en équation de 4 dimensions apparues dans un contexte réglementaire de prise de conscience à l’échelle planétaire. Entre 2000 et 2010, le grand public avait vu ce que signifiaient le changement climatique et les questions de développement durable.

Les opérateurs d’énergie et l’ensemble de la filière doivent jouer de nouveaux rôles pour lesquels ils n’étaient pas ou peu préparés. Lorsqu’on demande à un distributeur d’énergie de consommer moins alors que son business model est de vendre plus pour gagner plus c’est un défi. Pour que ce soit possible, il doit s’appuyer sur les autres acteurs de la filière. Il y a un parc immobilier en France et en Europe, particulièrement ancien et peu performant. La moitié de nos logements est en dessous de l’étiquette S. Un logement catégorie S va consommer six fois plus qu’un logement construit sur les normes RT 2012 qui va consommer moins de 50 kW par mètre carré par an. Il y a un effet sur la filière qui va induire de nouvelles missions et de nouvelles opportunités dans ce domaine énergétique.

La deuxième dimension est qu’on ne peut plus parler d’énergie sans parler de la mise en œuvre rationnelle de cette énergie. Cela demande de nouvelles compétences car ce ne sont pas les mêmes savoir-faire que la production et la distribution d’énergie. On doit veiller à la façon dont le consommateur va utiliser cette énergie. Energie et efficacité énergétique se conjuguent ensemble.

Big data est la troisième dimension : tout ce qu’ont permis les nouvelles technologies au niveau du sourcing des données et de leur exploitation. Pour faire de l’efficacité énergétique on a besoin de connaitre un certain nombre d’informations tels que les caractéristiques du logement ou encore les habitudes de vie des habitants. Sans cela, on ne peut pas conseiller les personnes. Aujourd’hui on peut faire une auto évaluation de sa performance énergétique sur internet (sur le site www.energie.fr par exemple).

La quatrième dimension est la relation au client final qui passe par l’acquisition de compétences particulières en terme de communication et de marketing car il s’agit de rendre simples des sujets qui étaient autrefois des sujets d’experts. On ne s’adresse pas au grand public avec un jargon inintelligible. On voit la menace du prix de l’énergie qui augmente sans cesse. La population vieillit donc a plus froid et consomme plus, il faut veiller à la qualité du logement dans lequel on va vivre. Il faut rendre simple et accessible à chacun ce niveau de compréhension.

Quelle place faites-vous aux énergies non conventionnelles telles que le gaz de schiste ?

Je suis fervent défenseur d’un mix énergétique large. J’ai plus de 20 ans d’expérience dans le secteur de l’énergie et je dois me rendre à l’évidence qu’il n’y a pas d’énergie idéale. On doit constater que notre consommation de l’énergie électrique augmente au travers de ce qu’on appelle les usages spécifiques de l’électricité. Dans une maison, on a six types d’utilisation de l’énergie. Ces utilisations ont évolué au cours de l’histoire. Chaque énergie a sa place et l’électricité prend une part croissance. Tout ce qui peut contribuer à faire qu’on en économise le plus possible et que l’on ait accès au meilleur prix sont des sujets prioritaires. En France, l’énergie est une des moins chères d’Europe. On est condamnés à avoir un prix de l’énergie stable mais qui monte. La France seule ne pourra pas contenir le prix de l’énergie.

Comment la transition énergétique peut-elle être un levier  de sortie de crise ?

Je pense qu’on parle beaucoup des énergies renouvelables mais on a du mal à faire le lien entre transition énergétique et rénovation énergétique. Nos économies ne sont plus dans des logiques d’équipement mais de renouvellement. Il faut donc améliorer la condition de ces logements. Aujourd’hui c’est un million de logements par an qu’il faut rénover.

Des milliers de Français font des travaux en faisant appel à l’épargne privée car ils comprennent que c’est un sujet fondamental. Depuis février 2013, la France a réussi à faire 100% de son quota d’économie d’énergie. Les retards qui sont pris dans les annonces sur ce sujet sont en train de planter le dispositif et on est dans une logique d’auto-sabotage alors que nous avons besoin de mobiliser l’épargne privée et les moyens mis par les sociétés privées et la grande distribution qui ont montré la voie. La rénovation énergétique est à un horizon de quinze ans (si on prend un million de logements à rénover par an).

Toute une industrie se met en place : on vend des chaudières, de isolants, des fenêtres… Cela représente 250 000 à 300 000 emplois liés à la question de la rénovation énergétique. On peut difficilement trouver des secteurs qui font autant l’unanimité : on dépense moins d’énergie, il y a moins d’impact sur l’environnement, on crée de l’emploi, etc.

Quelle est la rente dégagée par les énergies renouvelables ? Celle-ci nous permet-elle vraiment d’être indépendant et de nous prémunir des fluctuations des prix des matières premières ?

Il y a trois types d’énergies renouvelables. Il existe les énergies qui vont substituer le gaz, les énergies renouvelables qui vont nous permettre d’avoir moins besoin d’énergie comme la géothermie ou le solaire thermique et la plus grande catégorie : l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Dans cette dernière, il y a deux catégories : l’électricité centralisée et l’électricité décentralisée.

L’énergie renouvelable décentralisée - que ce soit des panneaux solaires thermiques, des panneaux solaires photovoltaïques ou la géothermie - est une déclinaison de la rénovation énergétique des logements. Les énergies renouvelables font partie intégrante de la rénovation énergétique. Il faut présenter les choses différemment et expliquer que sur les 15 millions de logements, il faut installer des panneaux solaires thermiques, des isolations de toits, de murs, de sols etc. C’est là qu’il y a création d’emplois car il faut fabriquer ces produits ou les importer.

Avec une réduction de la consommation d’énergie, l’industrie française peut-elle être réellement plus forte et plus compétitive ?

Plus de 45% de la consommation énergétique est faite par les ménages. Le fait d’être économe en énergie est une condition de compétitivité de l’industrie, malheureusement parmi d’autres. Dans l’industrie, on mesure la performance énergétique par la réduction des émissions de CO2. Les émissions de CO2 ont baissé car beaucoup d’industries ont cessé, c’est donc une fausse bonne nouvelle de se dire que les émissions de CO2 sont meilleures en France. Dans un contexte où on a besoin de regagner de la compétitivité, si on ne rénove pas, celle-ci sera davantage atteinte.

En pleine crise et alors que les Etats sont endettés, comment organiser et financer la transition et les investissements qui vont avec ?

En France, des certificats d’économie d’énergie ont été transformés pour le grand public en éco-primes c’est-à-dire que si vous faites des travaux chez vous, vous bénéficiez d’une prime de 15 à 30% du financement du montant des travaux que vous avez à réaliser. Ce sont les distributeurs d’énergie qui payent, obligés par la nouvelle loi en France et en Europe d’aider leurs clients à consommer moins sous peine de sanctions pénales. Ce système d’éco-fiscalité est innovant et fonctionne bien. Le coût pour l’Etat des éco-primes est nul. C’est à ces éco-primes que le gouvernement renonce et ne prononce pas de positions claires et ambitieuses.

Avec des primes données par les acteurs privés, on incite les ménages à faire des travaux répartis dans le temps plutôt que tout faire d’un coup. L’important est d’inciter les gens qui n’ont pas de raison objective à faire des travaux à commencer à faire de la rénovation par étapes et dans la durée. 

Propos recueillis par Karen Holcman

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