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Monoprix contraint de fermer ses grands magasins à 21h : comment la CGT impose une vision dépassée de l'économie et de la société
©Reuters

Tolérance zéro

En raison d'un blocage de la CGT à un nouvel accord négocié sur le travail en soirée, 94 enseignes Monoprix qui pratiquaient des noctures jusqu'à 22h vont devoir fermer à 21h.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : La direction de Monoprix a annoncé mardi 2 octobre que 94 enseignes qui pratiquaient des nocturnes jusqu'à 22h devaient désormais fermer à 21h en raison de l'opposition de la CGT à un accord interne sur le travail en soirée. Comment expliquer cette décision de la CGT alors que les salariés travaillant après 21h étaient tous volontaires, bénéficiaient de hausses salariales de 25% à 35% ainsi que de repos compensateurs supplémentaires ?

Erwan le Noan : Dans la presse, la CGT justifie son opposition aux ouvertures tardives de Monoprix en expliquant que « le travail de nuit nuit ». Il y a peut être une démarche sincère de la part du syndicat, mais ce qu’on peut lui reprocher, c’est de vouloir imposer sa vision des choses à l’ensemble des salariés. La  CGT fait preuve d’une vision très dépassée de l’économie et de la société : elle ne tolère pas la différence de points de vue ni les divergences de mode de vie et visiblement selon elle la même règle doit s’appliquer à tous de manière rigide et uniforme.

Cette façon de voir s’inscrit définitivement en faux avec les tendances actuelles et la réalité quotidienne, qui privilégient la flexibilité, la liberté de choix pour les consommateurs (faire ses courses tard par exemple) et la décentralisation des décisions au niveau des individus (je travaille le soir si je veux), et non plus des "superstructures" hiérarchiques.

Comment cette décision va-t-elle à l’encontre des collaborateurs de l’enseigne ?

La première conséquence négative pour les salariés de Monoprix qui sont concernés, c’est évidemment une perte de salaire. Ces horaires atypiques font l’objet d’une rémunération spécifique qu’ils ne toucheront plus. La CGT leur interdit de gagner leur vie. C’est totalement absurde.

La seconde conséquence, c’est que les salariés perdent une liberté, celle de décider de travailler un peu comme ils le veulent, en fonction de ceux que leur propose l’entreprise (c’est la loi de l’offre et de la demande). Au lieu d’avoir deux interlocuteurs (le salarié et son employeur), la CGT vient perturber les relations de travail et les fait échouer.

La CGT s’inscrit là dans la plus pure idéologique désuète, selon laquelle une élite éclairée doit montrer la voie aux travailleurs béotiens et aux citoyens lambda, même contre leur gré. Pour sa défense, le syndicat pourra arguer que c’est la politique officielle du Gouvernement (qui ne cesse d’agir, à ce titre, contre la concurrence) et qu’elle est aussi partagée par une partie de la droite (qui se dépêche de mettre elle aussi en place des règles uniformes quand elle arrive au pouvoir). Mais ses effets sont absolument dévastateurs sur l’économie et dans les esprits.

Quelles peuvent être les conséquences d’une telle décision ? 

La conséquence pour Monoprix, c’est certainement un chiffre d’affaires moindre. Pour les salariés, c’est une baisse des salaires (alors que leurs heures supplémentaires sont fiscalisées à plein depuis l’élection de François Hollande, c’est une mauvaise nouvelle). Pour les consommateurs, c’est une liberté qui disparaît et une complexité supplémentaire. Cette décision pourrait aussi avoir des effets contre-productifs pour la distribution en magasin et ses emplois : par exemple, si un client ne peut plus faire ses courses tard (ni le dimanche) peut-être pourra-t-il faire ses achats en ligne et se faire livrer tard (ou le dimanche).

Cette décision de la CGT est surtout un très mauvais signal envoyé à la société française. Elle montre que quelques bastions idéologiques nuisibles refusent d’entrer dans le 21ème siècle, dans l’effervescence de l’économie contemporaine, faite de libertés et d’opportunités. Cela va appauvrir quelques salariés et les consommateurs et surtout, cela va continuer à bloquer la société française. La CGT est d’un conservatisme atterrant !

L’enseigne peut-elle gagner contre la décision des syndicats ? Sinon, comment peut-elle s’adapter à une telle décision ? 

Pour se prononcer sur le fond juridique du dossier, il faudrait y avoir accès : c’est aux juristes et avocats de Monoprix de regarder cela. Pour le moment, aucune procédure n’est en cours : la CGT a refusé de signer un accord, ce n’est donc pas devant les tribunaux.

Cette affaire pose cependant une question sur le fonctionnement des règles du travail en France : celle de la représentativité des syndicats. Si la CGT était majoritaire chez Monoprix, on comprendrait qu’agissant au nom de la plus grande partie des salariés, elle les représente et se fasse le porte-voix de leur opposition au travail le soir. Manifestement, ce n’est pas le cas ici. On a une minorité agissante qui bloque tout.

Propos recueillis par Karen Holcman

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