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Les scientifiques, ces autistes
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Vulgarisation scientifique

Nucléaire, OGM, cellules souches : les citoyens peinent parfois à comprendre certaines technologies. La faute aux scientifiques qui ne savent pas communiquer ?

Michel Claessens

Michel Claessens

Michel Claessens est directeur de la communication du projet ITER à Cadarache.

Docteur en sciences, il a été journaliste scientifique. Son dernier ouvrage s'intitule Allo la science ? (Editions Hermann, 2011).

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Jacques Testart avait appelé ici à davantage de démocratie participative dans les choix et décisions scientifiques et je le suis pleinement lorsqu’il promeut les conférences de citoyens pour faire entendre le « jugement populaire » sur des questions techniques pointues. Mais le problème est plus profond. Il ne se situe pas seulement du côté des citoyens, qui, en effet, n’ont pas voix au chapitre, mais également du côté de la source, à savoir la communauté scientifique, qui n’assume pas pleinement ses responsabilités.

« Les scientifiques doivent davantage écouter le public », affirme le journaliste scientifique Chris Mooney du Washington Post. Réponse immédiate d’un chercheur américain sur son blog : « Mais pourquoi devrais-je écouter les bêlements d’un public mal informé ? ». En février 2006, lors d’une visite des quartiers généraux de Monsanto à Saint-Louis aux États-Unis, les dirigeants de la multinationale de l’agroalimentaire m'ont expliqué que si c'était à refaire, ils s'y prendraient autrement pour communiquer sur les OGM. Comment ? Motus et bouche cousue… La transparence industrielle a ses limites ! Clairement, ils ne s’attendaient pas à des réactions aussi négatives en Europe. Question de « culture » ?

Une science incapable de se faire comprendre du grand public

Les grandes crises de ces dernières années - Fukushima, Tchernobyl et autres vaches folles – ont mis en lumière, sous les projecteurs des médias, les divergences entre experts - normales par ailleurs -, les différences d’approches et surtout l’absence d’une culture de communication dans le milieu techno-scientifique. On devrait même parler d’une incommunication publique de la science dans notre société.

En 1997, le public assiste, consterné, à la naissance de l’agnelle Dolly et découvre, médusé, la réalité du clonage, dont les recherches sont pourtant en cours depuis des décennies. Plus récemment, en juin 2006, à l’occasion de l’inauguration du Centre Minatec à Grenoble, la population locale découvre la proximité, dans l'espace et dans le temps, des nanotechnologies alors que les quatre années de construction du pôle d’excellence auraient pu être mises à profit pour organiser des débats publics sur ce thème.

Le fait est qu’il n’existe pratiquement pas de forums qui permettent aux différents points de vue de se confronter et à un jury populaire de s’exprimer. Il ne s’agit pas de condamner tel ou tel scientifique « à la Galilée ». Mais bien d’organiser des consultations pour permettre à un jury populaire de rendre des conclusions et de proposer, le cas échéant, une réorientation du système scientifique et technique. Ces « procès » font cruellement défaut. Donc, le public assiste aux développements techno-scientifiques en simple spectateur – et, pire, en méconnaissance de cause.

Les conférences de citoyens : une réussite de démocratie scientifique

Cependant, des expériences réussies existent. Les conférences de citoyens (ou de consensus), qui appliquent le principe du jury d’assises en faisant rédiger par un panel d’individus choisis au hasard un « jugement » argumenté, sont aujourd’hui reconnues comme des mécanismes efficaces de consultation démocratique sur des thèmes technologiques. Rien de surprenant : c’est le même processus qui conduit des suspects à la prison à perpétuité ! Mais la pratique de ces conférences reste marginale et leurs résultats sont souvent négligés par les politiques. Le recours à ces consultations publiques gagnerait à être étendu à bien d’autres questions. Pourquoi la France, par exemple, n’a-t-elle pas organisé, en 2005, une conférence de citoyens sur le projet de constitution européenne ?

Quoiqu’on dise, il existe une information scientifique de qualité. Mais la vraie communication est rarissime. La disponibilité de livres, revues, émissions télévisées et autres sites Internet ne doit pas faire illusion. La pléthore de références à la communication masque en réalité un vide immense. Les mots pansent-ils les maux ? Si la technique a facilité la diffusion et l’accès à l’information, la technologie établit aussi des obstacles à la communication. Mais tant que les scientifiques n’intégreront pas la communication dans leurs pratiques de … communication, le problème subsistera. Un clone technologique de Rabelais aurait sans doute écrit : « Science sans communication n’est que ruine de l’âme ».

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