Pénaliser les clients de prostituées : les résultats dans les pays qui en ont fait le choix<!-- --> | Atlantico.fr
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"Dans les pays qui ont adopté une pénalisation des clients de prostituées, on observe une diminution énorme du niveau de vie des prostituées."
"Dans les pays qui ont adopté une pénalisation des clients de prostituées, on observe une diminution énorme du niveau de vie des prostituées."
©Reuters

Le plus vieux métier du monde

La députée PS de l'Essonne, Maud Olivier, a proposé mardi 17 septembre dans un rapport présenté au groupe socialiste de l'Assemblée nationale la pénalisation des clients de prostituées. Interrogations sur les dangers auxquels s'exposent les prostituées si une telle mesure entre en vigueur.

Marie-Elisabeth  Handman

Marie-Elisabeth Handman

Marie-Elisabeth Handman est une sociologue, spécialiste de la prostitution. Elle est maître de conférence à l'EHESS ( l'École des hautes études en sciences sociales).

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Atlantico : Le groupe parlementaire PS a examiné, mardi 17 septembre, une proposition de loi sur la pénalisation des clients de prostituées. Quels résultats, quelles conséquences ce type de mesure a-t-il eu dans les pays qui l'ont appliqué ? La prostitution y a-t-elle vraiment diminué ?

Marie-Elisabeth Handman :Dans les pays qui ont adopté une pénalisation des clients de prostituées, on observe une diminution énorme du niveau de vie des prostituées, de leur sécurité, une augmentation des IST (infections sexuellement transmissibles), davantage de mafias car lorsqu’il y a prohibition, les mafias prolifèrent. Je pense qu’il ne faut surtout pas mettre en place une telle loi. On ne peut pas éradiquer les fantasmes des gens, ni les liens qui se sont tissés au fil des années entre certains clients et certaines prostituées. La prostitution peut être des rapports amicaux, humains et peut se faire dans le respect. Il arrive que les prostituées soient mieux traitées par leurs clients que par leur mari, lorsqu’elles sont mariées. En attendant, une telle mesure rendra impossible la vie des prostituées qui sont des femmes majeures, réfléchies et qui n’ont pas besoin qu’on leur dise ce qu'elles doivent faire avec leur corps.

Dans les pays du Nord, la prostitution de rue a diminué mais on trouve toujours des prostituées étrangères qui se cachent dans la rue. La prostitution est devenue clandestine et les femmes risquent plus de violences. Les gens qui ont envie de taper sur les prostituées se sentent tout permis. Il faut se cacher, faire vite et les prostituées n’ont pas le temps d’expliquer qu’il faut utiliser un préservatif. De plus, le nombre de « passes » sans préservatif a augmenté et les IST avec. Je pense qu’une telle loi est totalement absurde. Un rapport de "médecin du monde" est d’ailleurs paru sur les dangers de la clandestinité pour les prostituées. La clandestinité précarise les femmes car il y a moins de « passes ».

Une telle mesure peut-elle accroître la précarisation des prostituées en les forçant à travailler dans la clandestinité ?

Je pense que cette mesure ne réduira jamais la prostitution, éventuellement elle diminuera la prostitution visible. Une telle mesure donnera bonne conscience à ces députés femmes et hommes quiprotègent la sexualité conjugale et reproductive.

Parmi les lesbiennes radicales, beaucoup ont fait avancer les théories sur les rapports entre les sexes. Je suis persuadée qu’il y a des hommes de bonne volonté qui ont besoin de rencontrer des prostituées et qu’il ne faut pas tous les mettre en enfer.

Une telle mesure peut-elle réellement diminuer la prostitution et le proxénétisme ? Pourquoi ?

Un des facteurs de sécurité des prostituées est le fait d’être ensemble et pouvoir surveiller ce qu’il se passe entre une d'elles et un client. Lorsqu’elles sont clandestines, il n’y a plus personne pour les voir. Depuis la loi sur le racolage passif, les "bus de prévention" ont plus de mal à trouver les prostituées, la prévention baisse donc les prostituées se trouvent privées de conseils sanitaires, juridiques, etc. De quel droit les législateurs se permettent-ils d’affirmer qu’une femme n’a pas le droit d’utiliser son sexe comme elle le veut ?

Bien entendu, il existe des mafias et des femmes sous contrainte. Mais la prostitution libre existe aussi. Notre Assemblée nationale a décidé seulement en 2013 que l’esclavage était anticonstitutionnel. Elle devrait faire la différence entre le proxénétisme de soutien et les esclavagistes. Il faudrait supprimer de notre code pénal tous ces articles qui concernent le proxénétisme et qui rendent la vie des prostituées impossible. Cette vision victorienne du rapport entre les hommes et les femmes est incroyable au XXIème siècle. 

Quelles autres options sont envisageables ?

Oui, il faudrait supprimer toutes les entraves à la prostitution. Cela diminuerait les mafias. Il faudrait aussi permettre aux prostituées de travailler ensemble dans des studios car actuellement, deux femmes qui travaillent ensemble dans une camionnette sont considérées comme proxénètes l’une pour l’autre et tombent pour « proxénétisme aggravé ».Il faudrait permettre à ces femmes de travailler dans des « cabinets de prostitution » comme il existe des cabinets médicaux ou des cabinets d'avocats. Cela diminuerait la violence à leur encontre et leur travail serait reconnu comme un travail à part entière. Ces femmes devraient pouvoir financer leur retraite. A un certain âge, certaines veulent s’arrêter. Comme elles accumulent beaucoup d’argent liquide, elles ne peuvent pas thésauriser ni se reconvertir. Le résultat est qu’on voit des prostituées de plus de 65 ans continuer de se prostituer pour avoir de quoi manger et se loger. 

Propos recueillis par Karen Holcman

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