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Des cours de sexualité pour Chinoises en pleine transition économique
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Sex and the Chinese City

L'économie de la Chine change, ses mœurs aussi. Le sexe reprend une place centrale, mais des années d'ignorance ont laissé les jeunes femmes désarmées face aux rapports sexuels.

Jean-Luc Domenach

Jean-Luc Domenach

Jean-Luc Domenach est spécialiste de l'Asie. Il a notamment écrit Comprendre la Chine aujourd'hui (207) ou encore Mao, sa cour et ses complots. Derrière les murs rouges (2012).

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Atlantico : Comment expliquer que les Chinoises en viennent à prendre des cours de sexualité ? Que viennent-elles y apprendre ?

Jean-Luc Domenach : Les Chinoises en sont là car la société chinoise est prude, c'est sans doute une des plus prudes du monde. Les choses ne sont pas dites et les femmes sont dominées. Et bien entendu, ce sont les Chinoises qui en sont les premières victimes. Les jeunes femmes sont les plus tenues par les parents et surtout les mères. Elles interdisent le plus possible les rencontres, la liberté des relations et forcément, cela bloque l'apprentissage et l'expérience. La société chinoise a connu une légère évolution il y a une quinzaine d'années mais elle a été limitée aux milieux libéraux (professeurs, avocats,...). En revanche, chez les cadres du parti ou chez les professions dites "d'autorité", les filles sont tenues durement. La société chinoise est de toute façon globalement très hypocrite quand cela parle de sexe. Elle bride mais autorise des cours de sexualité. La femme vient y apprendre ce qu'on lui a caché pendant des années et qu'elle découvre, souvent mal, une fois marié. Frustrée ou apeurée devant une intimité et des rapports dont elle ignorait l'existence. Le choc est parfois violent. Du coup, ce genre de "cabinets" (et ils fleurissent en ce moment) permet d'aborder les choses facilement et sans trop de tabous pour les préparer à la sexualité. C'est aussi un outil pour moderniser le statut de la femme souvent vu en Chine comme innocente et naïve.

Pour autant, le gouvernement est de plus en plus prêt à lâcher du lest dans ce domaine car finalement, c'est un domaine moins gênant que la politique. Le sexe, l'éducation sexuelle, on peut la cacher, on peut passer sous silence ce genre d'occupation ou justement dire qu'il s'agit d'éducation. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, il y a même une littérature officielle à mi-chemin entre l'éducation et la santé en passant par un peu d'éducation sexuelle.

Dans ce "cabinet" qui reçoit des femmes pour les éduquer, on constate qu'il n'y a que des femmes car le problème majeur de la Chine, ce n'est pas la sexualité mais les femmes et la façon dont elles sont - ou pas- considérer.

La vraie révolution de la chine, ça sera quand la femme sera libérée car pour le moment elle a une condition effroyable. Elle est tenue par les mâles mais surtout par sa mère. Les Chinoises doivent sans cesse rendre des compte à leurs mères qui exigent des rapports précis sur ce qu'elles font. Cette situation a atteint un tel niveau que toute une série de femmes brillantes choisissent carrément de faire leur vie sans mariage pour être loin du joug matriarcal. Étant suffisamment riches, elles se payent ensuite des jeunes messieurs pour assouvir leurs envies.

Quel rapport la société chinoise a-t-elle à la sexualité ? Quels en sont les principaux tabous ?

Le problème du sexe remonte à la nuit des temps en Chine. Les gouvernements successifs que ce soit sous le confucianisme ou le communisme ont instauré une pruderie démentielle basée sur le silence, le secret et une discipline excessive. Du coup, le sexe semble inconnu mais dans certains milieux libres ou libérés, il y a une débauche invraisemblable. Les cadres communistes sont de grands débauchés, collectionneurs de maîtresses. Il y en a un récemment qui  a fait son mea culpa public et révélé qu'il avait 57 amantes. On ne se rend pas compte de la folie sexuelle qui règne en paradoxe complet avec la sévérité affichée.

Le tabou chinois, c'est la réjouissance qui existe dans le sexe. Il ne faut surtout pas dire que le sexe c'est bien. Malgré la politique communiste de l'enfant unique mise en place par le régime, le sexe doit être vu comme un instrument pour faire des enfants. Le sexe ne devrait servir qu'à ça, du moins dans le discours officiel. On a beaucoup de mal en Chine avec la notion de plaisir lié aux rapports. La société accepte cependant que les hommes jouissent, mais pour les femmes, c'est loin d'être le cas.

Comment ce rapport a-t-il évolué au cours du temps et sous quelles influences ?

Le sexe a toujours été enfermé et ignoré en Chine. Aujourd'hui, ça change progressivement notamment grâce aux films étrangers qui montrent des scènes d'amour et de sexe. Du coup, il y a une prise de conscience de la population chinoise de ce qui se passe ailleurs. Le tourisme, la présence des étrangers donnent un coup de fouet à la modernité physique. Et puis, il y a l'explosion d'une nouvelle mode, celle des couples mixtes. De plus en plus de femmes chinoises épousent des Occidentaux. Ce n'est pas que le sexe qui les pousse à faire ce genre de choix mais l'attitude générale des hommes chinois. Ils sont peu satisfaisants et leurs attitudes vis-à-vis des femmes ne poussent pas ces dernières à rester. Les étudiants chinois bénéficient pleinement de cette vague de modernité. Pas encore trop influencés, ils vivent normalement leur sexualité et se baladent dans la rue en couple, affichant à la face de la société leur désir.

La situation évolue donc peut-être que le pouvoir se dit qu'il faut essayer de canaliser cette sexualité et faire un effort pour que cela se fasse dans de bonnes conditions d'hygiène. Il y a un effort de récupération dans l'esprit de la santé publique. Pour autant, soyons lucides, on charge aussi ces "docteurs du sexe" de dire que l'amour c'est important et qu'il ne faut pas faire l'amour avec n'importe qui.

L'approche de la sexualité est-elle révélatrice de la modernité d'une société ?

S'assumer en tant qu'être humain pousse ensuite une société à grandir et à s'ouvrir. Les films, les livres, les attitudes, les comportements qui deviennent tolérés montrent bien que la société chinoise grandit. L'idée qui s'infiltre désormais c'est que la liberté sexuelle va de paire avec l'argent et de bonnes conditions d'habitat, modernes et assainies. Et difficile d'avoir ces conditions dans une société peu moderne.  En Chine, les femmes sont persuadées que dans les autres pays développées, la liberté sexuelle est signe de développement social et elles ont donc envie d'aller dans ce sens.

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