Évolution des prix : l'aveuglement statistique qui empêche les élites de comprendre le sentiment de précarité des plus pauvres <!-- --> | Atlantico.fr
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Les ouvriers ont vu les prix augmenter de 28% entre 1998 et 2012, alors que cette augmentation était seulement de 25% pour les cadres.
Les ouvriers ont vu les prix augmenter de 28% entre 1998 et 2012, alors que cette augmentation était seulement de 25% pour les cadres.
©Reuters

Vie chère

L'évolution des prix selon les catégories de ménages montre que face au principe de l'inflation, nous ne sommes pas tous égaux.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’INSEE vient de publier une étude sur l’évolution des prix selon les catégories de ménages depuis 1998 qui vaut le détour.

Les occasions de sortir des sentiers battus de la statistique ne courent pas les rues, et parfois l’INSEE nous y aide. L’étude que notre Institut si souvent évoqué dans ce blog vient de sortir apporte un regard original sur l’impact de la faible inflation sur nos niveaux de vie depuis l’invention de l’euro.

Ce serait en effet une fiction de croire que nous sommes tous égaux par principe devant l’inflation. Et intuitivement chacun sent bien que la flambée des cours du blé ou du maïs n’a pas les mêmes effets sociaux que l’effondrement du prix des micro-ordinateurs. Les catégories sociales, les profils sociologiques affectés par ces mouvements ne sont pas les mêmes.

Il est même assez réaliste de penser que ces différences d’impact de l’inflation ont des conséquences politiques directes. Prenons cet exemple:

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Source: INSEE

Ce tableau montre assez utilement que les ouvriers ont vu les prix augmenter de 28% entre 1998 et 2012, alors que cette augmentation était seulement de 25% pour les cadres.

Voici la photographie des grands postes de dépenses pour chacune de ces catégories en 2012 :

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Source: INSEE

En 2012, les cadres français consacraient environ 10% de leurs dépenses au logement, 10% aux loisirs et 10% aux restaurants, et 11% à leurs dépenses alimentaires proprement dites. Les ouvriers consacraient 17,4% de leurs dépenses au logement, 7,5% aux loisirs, et 6,5% aux restaurants. Et plus de 15% à leurs dépenses alimentaires.

Face à ces différences de fond, on imagine assez facilement que les catégories les plus exposées aux variations de prix sur les biens élémentaires éprouvent rapidement un sentiment de précarité mal perçu, mal compris, par les élites de la société. Chacun devine les conséquences politiques de ce sentiment diffus.

Je complète ce tableau rapide par une allusion à la question des familles. Voici les statistiques apportées par l’INSEE :

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Source: INSEE

Ce tableau montre la différence d’impact de l’inflation sur les ménages, selon leur composition familiale. Je le trouve intéressant, parce qu’il pourrait donner un éclairage inattendu à la résistance au mariage pour tous. Le tableau montre que les couples sans enfant ont subi une inflation inférieure de 2 points aux couples avec deux enfants.

Et si, au fond, le Printemps Français était d’abord l’expression d’une réaction à une précarisation des niveaux de vie dans les familles?

*Cet article a précédemment été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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