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ENA : l'arlésienne
du classement de sortie
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Grand corps malade

Le classement de sortie de l'ENA devait être supprimé après son vote au Parlement, mais les sénateurs socialistes, arguant que la réforme ne respectait pas le principe d'égalité dans l'accession aux postes de la fonction publique, ont saisi le Conseil constitutionnel. Défendue par Nicolas Sarkozy depuis 2008, cette réforme est-elle une solution pour rendre ce classement plus égalitaire et transparent ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les débats parlementaires ont remis une nouvelle fois sur le tapis la sempiternelle question du classement de sortie de l’ENA. Les initiés souriront (jaune) en constatant que la menace, maintes fois agitée de la suppression de cette institution qui a profondément traumatisé tant d’énarques, est enfin mise à exécution.

Car il serait illusoire de croire que la suppression du classement de sortie est une affaire nouvelle. Elle est même presque aussi vieille que l’ENA. Presque toutes les promotions depuis quarante ans ont protesté, de façon plus ou moins officielle, contre les injustices et les aberrations de ce système qui permet, dès 25 ans, de déterminer sa trajectoire de toute une vie, comme le dit très bien Nicolas Sarkozy, sur des critères qui sont majoritairement académiques et non professionnels.

Dans la pratique, la technique du classement est sociologiquement ritualisée : la fameuse botte (c’est-à-dire les vingt premiers) est réservée très majoritairement à des jeunes gens issus de l’IEP de Paris, avec parfois des attaches familiales dans la haute administration. Les quelques tentatives menées pour rendre le classement plus égalitaire ou plus transparent ont toutes échoué et, chaque année, le classement continue donc à légitimer des parcours professionnels profondément différenciés selon le rang de sortie, sans s’appuyer sur des critères à l’objectivité confondante.

La suppression, une solution ? Il faut aller plus loin...

Faut-il en conclure que la suppression du classement constitue la meilleure formule pour professionnaliser les recrutements à la sortie de l’ENA ?

L’affirmer serait sans doute aller un peu vite en besogne. Car les trajectoires professionnelles ne reposent pas seulement sur le classement de sortie. Elles expriment aussi la puissance des grands corps de l’État (inspection des Finances, Conseil d’État, Cour des Comptes) dont les membres s’entraident tout au long de leur carrière. De ce point de vue, supprimer le classement à l’ENA n’empêchera nullement le jeu des grands corps de continuer. Il y a même fort à parier pour que ce jeu soit renforcé, dès lors que ces grands corps pourront retenir les profils qui les intéressent sans s’embarrasser du classement. La suppression de l’ENA risque en réalité de nourrir une nouvelle réaction nobiliaire, du même type que celle qui frappa la France dans les années 1780.

La vraie réforme utile consistait en réalité à interdire l’accès direct aux grands corps, en imposant une expérience professionnelle minimale (de cinq ans par exemple) avant toute intégration. Cette décision permettrait de rebattre effectivement les cartes, en prenant en compte des critères professionnels pour filtrer l’accès aux responsabilités, et plus seulement des critères scolaires, sociaux, ou familiaux. Cette mécanique permettrait aux grands corps de conserver un volant de trentenaires, comme ils le réclament souvent. Curieusement, cette proposition souvent avancée auprès des pouvoirs publics, et vraiment efficace, n’a pas été retenue...

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