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Le catho nouveau est arrivé
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Pâques

Après l'incroyable succès du film "Des Hommes et des Dieux", le livre du Pape, "Lumière du Monde", ou encore le carton musical du trio "Les Prêtres", les catholiques font, en cette semaine sainte, la Une de la presse. Deviendraient-ils tendance ?

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Cette fois, je peux le dire : j'ai vu la Vierge. L'usage, pour les cathos, est de s'en prendre plein la gueule pour pas un rond, spécialement durant la semaine sainte. Et celle-ci était bien mal emmanchée, avec l'épisode catholiques profanateurs à Avignon : bien la preuve que les religions c'est tout pareil et qu'on devrait se méfier des cathos, tout ça c'est des talibans.

D'ailleurs, va donc, hé, Torquemada ! Rien que du très classique, d'ailleurs un peu petit bras par rapport aux années passées. Et puis, dans un combo spirito-liturgique quasi-parfait, un hebdo national fait sa Une sur les cathos sans se payer leurs fioles en pages intérieures. Le même hebdo avait sorti un numéro sur "le grand retour des cathos". Mais c'était il y a trois ans. 2008, une paye. Depuis, il y a eu les carêmes tourmentés et douloureux de 2009 et surtout de 2010.

Très beau combo, donc, puisqu'il est dans la logique des choses que la semaine sainte commence dans l'affliction pour s'achever dans la lumière de la résurrection.

Déjà, à l'automne dernier, le calme a semblé revenir. Il y eut l'incroyable succès du film Des Hommes et des Dieux, il y eut encore le livre du Pape, Lumière du Monde. Alors, on peut lire ces sous-titres, dans le numéro de la semaine : "le catho n'est pas coincé, le catho est décroissant, le catho a du style, le catho est sincère". Et le catho est sur le cul, aussi. Parce qu'il n'a pas l'habitude.

Le catho deviendrait-il tendance ?

Le catho n'est-il plus coincé ? L'a-t-il vraiment été ou est-ce le regard qu'on porte sur lui qui change ? Parce que l'Église a aussi cette particularité d'accueillir tout le monde : les humbles, les pauvres, les timides, les bras cassés, les autres et même moi, avec mon iPhone et mon costard trop la classe. Alors non, évidemment, elle ne regorge pas en premier lieu de fashionistas. Mais ce n'est ni le but de l'Église ni la vocation du catholique. Ce que le catholique aime, c'est la cohérence, c'est la pierre, c'est l'intangible. Le catalogue automne-hiver, il n'a rien contre, mais c'est moins son trip profond.

Mais allez, personne ne se leurre : le mouvement le plus visible en France est encore un long mouvement de sécularisation. Le nombre de prêtres diminue, le nombre de vocations également, et nos églises sont parfois peuplées de têtes bien chenues. Pourtant, paradoxalement, un nouveau dynamisme est né de ce mouvement.

L'Église a, déjà, eu la grâce d'être servie par un grand pape pendant plus d'un quart de siècle, qui a pu impulser cet élan. Un pape, qui a donné "une vie pour une génération". Une vie qui a commencé par ces mots : "N'ayez pas peur !", pour s'achever sur ceux-ci : "si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier". Message reçu par la génération Jean-Paul II. Et, dans son style bien différent de professeur, de théologien, Benoît XVI semble prendre le relais : Jean-Paul II a mis le feu, il l'alimente, fidèle à sa devise pontificale, "affermis tes frères dans la foi". Il répond ainsi aux attentes de la nouvelle génération de catholiques, comme le souligne une nouvelle enquête. Voilà deux "générations aux petits oignons".

Des cathos moins nombreux mais volontaires

Alors, il y a moins de prêtres ? Oui, quoique... Mais c'est un appel pour les laïcs catholiques à se prendre en main. L'Église les y invite régulièrement et c'est de toutes façons incontournable. Il n'est plus possible d'attendre que "la hiérarchie" seule se bouge et intervienne, parce que nos pasteurs ne sont plus assez nombreux pour s'occuper seuls du troupeau.

Et puis, la démarche religieuse a été grandement débarrassée de sa dimension sociale. Être catholique aujourd'hui, et l'assumer dans le monde, ce n'est ni une obligation ni un statut social, c'est un vrai choix. "Partout, on assiste au basculement historique d’un catholicisme reçu vers un catholicisme choisi", écrit Jean-Pierre Denis. Et pour ceux qu'on appelle parfois les "héritiers" (de la foi de leurs parents), c'est un choix renouvelé, spécialement lorsqu'ils se font secouer comme ces dernières années. Bien sûr, il existe toujours des îlots dans lesquels le choix parait plus évident, lorsque tout l'entourage semble le faire. Mais les catholiques vivent bien dans le monde et, ni aveugles ni sourds, ils constatent aussi, dans leur vie sociale, professionnelle, qu'ils sont moins nombreux.

Et ce déclin numérique dont on ne cesse de bassiner le catho lui donne un sentiment d'urgence : l'Église a certes passé vingt siècles, surmonté des crises internes majeures, et survécu à des trahisons spirituelles mais aujourd'hui en France, elle pourrait être reléguée aux marges de la société. Alors, avant de le mettre "au monde entier", c'est en son sein que le catholique sent un feu nouveau.

Et puis surtout, après avoir donné sa chance à un XXème siècle laïcisé voire athée, il ne semble pas qu'en soit sortie la voie du bonheur, individuel comme collectif. Pire encore, le CEVIPOF met en lumière une société de défiance, le Médiateur de la République évoque même un "burn-out de la société française". Alors avec son goût de l'intangible, son exigence de sens, le catho peut bien penser que l'Espérance a encore son mot à dire. Peut-être l'avait-on trop vue ici pour bien en percevoir encore la force, peut-être un peu de distance en restaure-t-il une meilleure vision ?

Alors, allez donc, il y a peut-être de la marge avant de la devenir mais nous ne sommes pas vraiment pressés d'être "tendance" ! Puisque nous cessons d'être majoritaires, laissez-nous essayer d'être prophétiques, quitte à bouffer des sauterelles au désert (Mc. 1,6).

Et ne désaffectez pas nos églises trop vite. Elles n'ont pas fini de servir !

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