Ayrault et Copé, de l'art de (re)prendre la main sur le camp qu'on est censé diriger<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Copé et Jean-Marc Ayrault ont effectué leur rentrée politique ce week-end.
Jean-François Copé et Jean-Marc Ayrault ont effectué leur rentrée politique ce week-end.
©Reuters

Finies les vacances

Le Premier ministre et le chef du principal parti d'opposition ont tous les deux effectué leur rentrée politique ce week-end. Chacun a appelé son camp à serrer les rangs en vue des élections de 2014.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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A priori, tout oppose le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, réformiste assumé, et le président de l’UMP Jean-François Copé, pourfendeur des réformes socialistes. Indépendamment de leurs opinions politiques, les deux hommes ne s‘apprécient guère. On les voit s’affronter régulièrement dans l’hémicycle de l’Assemblée ; ils se sont souvent durement heurtés au cours des fameuses Conférences des présidents où se réunissent chaque mardi les responsables parlementaires pour établir le programme de travail des députés. Et pourtant il existe bien des similitudes dans leur parcours politique...

Le Premier ministre et celui qui se rêve en chef de l’opposition, qui ont effectué leur rentrée politique le même jour, reviennent chacun de loin. Tous les deux ont connu - et connaissent encore - les affres de l’autorité pour l’un, de la légitimité pour l’autre, contestées. Après des débuts hésitants à Matignon, Jean-Marc Ayrault, qui n’avait jamais exercé de fonction ministérielle avant de devenir Premier ministre, a trouvé ses marques. De plus en plus visible sur le plan national, il s’impose dorénavant en patron de la majorité en se posant en rassembleur, avant les municipales de mars prochain.

En attendant, il a imprimé son autorité avec quelques coups d’éclat en décidant d’aller personnellement annoncer l’envoi de renforts policiers à Marseille, volant ainsi la vedette à l’omniprésent Manuel Valls, et en rappelant au même ministre de l’Intérieur comme à la garde des Sceaux, que les arbitrages pour la future politique pénale seraient rendus en temps et en heure par François Hollande et lui-même après concertation. Message reçu - pour l’instant par les deux intéressés dont la querelle a permis de reléguer au second plan de La Rochelle le débat sur le "ras-le-bol fiscal".

Quant à mettre définitivement fin aux querelles internes du PS, il y a un gouffre que même Jean-Marc Ayrault n’oserait  pas franchir. Aussi s’est-il  contenté d’ironiser sur les multiples chapelles qui, telle une génération spontanée, se multiplient au Parti socialiste : "Je vois des clubs et parfois des mini clubs se créer. J'entends des prises de position qui donnent quelques secondes de visibilité à leurs auteurs. Mais j'entends surtout des Français qui ne goûtent pas toutes nos subtilités et qui ne retiennent qu'un sentiment de flou", a-t-il lancé en guise d’avertissement. Martine Aubry  n’avait-elle pas eu cette formule qui a fait date en direction de François Hollande : "Quand il y a du flou, il y  un loup" ?

Quant au débat sur le "ras-le-bol fiscal" qui agite les socialistes, il a tenté de le mettre sous cloche puisqu’il a implicitement reconnu qu’il y aura encore des augmentations d’impôts en 2014, ceci en dépit de l’avertissement de Bruxelles, mais au nom de réformes indispensables, dont celle des retraites. Et personne ne croit au caractère "indolore" de la future contribution énergie, sorte d’impôt "Canada dry" pour remplacer la taxe carbone. Mais tout le monde en convient : c’est la mise en œuvre de la réforme des retraites qui forgera la stature du Premier ministre. Un passage en douceur le rendra incontournable, même au-delà des municipales. L’inverse en ferait un Premier ministre en sursis.

Jean-François Copé lui aussi se pose en rassembleur... de l’UMP, mais pas seulement puisque "nous devons désormais devenir le parti de tous les Français. Devenir le point de ralliement de tous ceux qui veulent préparer la relève de notre pays, quel que soit leur engagement originel". Quand on veut ratisser aussi large, on peut s’offrir le luxe de la diversité : "Parler d’une seule voix ? C’est humainement impossible et de plus, cela n'aurait aucun sens. L’UMP, c’est aujourd’hui le parti qui incarne toutes les sensibilités et les personnalités de la droite et du centre. Et je veille scrupuleusement à ce que toutes les voix s'expriment dans leur diversité. C'est cela, la richesse d'un grand parti !"

Laissant son rival François Fillon mener campagne à son train de sénateur, le président du principal parti d’opposition trace sa route et ne donne pas dans la nuance. Il veut "retrouver le goût de la liberté" car "notre pays porte aujourd’hui des chaînes que l’œil ne voit pas. Notre mission sera d’aider les Français à s’en débarrasser pour libérer les énergies et les talents". En attendant, il esquisse un programme diamétralement opposé à celui de Jean-Marc Ayrault, avec une réduction drastique des dépenses publiques, la fusion régions/départements, la retraite à 65 ans quand Jean-Marc Ayrault assure qu’on ne touchera pas à l’âge légal. Ce programme, c’est un peu une autocritique : c’est ce que la droite aurait dû faire - et avait dit qu’elle ferait pour partie - quand elle était au pouvoir. Une prise de distance avec le bilan de Nicolas Sarkozy - dont il n’a pas été le ministre. Mais si Jean-François Copé peut aujourd’hui afficher une certaine assurance, c’est aussi parce qu’il a réussi une levée de fonds inespérée pour combler le trou des finances de l’UMP plombées par le rejet des comptes de campagne de l’ancien président .

Jean-Marc Ayrault et Jean-François Copé préparent les municipales et ont tous deux le Front national dans le viseur. Jean-François Copé, qui réaffirme qu’il n’y aura "jamais" aucune alliance avec le FN, veut expliquer "sans relâche à celui ou celle qui veut sanctionner la gauche que s’il vote pour l’extrême droite, il enlève une voix à l’UMP. Et si dans certaines villes, le Front national fait des scores élevés au premier tour, il pénalisera l’UMP, au risque de faire gagner la gauche". Il promet une campagne "sans langue de bois", autrement dit qui s’adressera souvent aux électeurs du FN. On l’a déjà constaté avec une campagne appuyée menée contre l’AME (Aide médicale de l'Etat) qui assure gratuitement les soins aux sans papiers. Presque une goutte d’eau dans le déficit des comptes de la Sécu.

De son côté, Jean-Marc Ayrault explique que "la droite et l’extrême droite seront concurrentes électoralement mais unies sur l’objectif de nous battre. Alors dans une compétition à trois, il faudra arriver en tête parce que la droite ne pratiquera pas le front républicain dans l'hypothèse où elle serait devancée par le PS et le FN. Le risque de la division sera la perte de municipalités..." Et d’en appeler à l’unité de la gauche, déjà aux commandes des municipalités. Un appel qui ne laisse pas insensible les communistes, pour qui les municipalités constituent le dernier bastion. Ils semblent prêts à faire voler en éclats le Front de gauche constitué avec Jean-Luc Mélenchon. Pour les Verts, c’est une autre affaire ; il ne suffira sans doute pas d’une taxe indolore pour leur faire entendre raison.

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