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Toujours rêvé d’une Lamborghini ou d'une Maserati ? Les secrets de ceux qui fabriquent des voitures de luxe de contrefaçon
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Rien ne se crée, tout se transforme

La voiture de luxe est une idée de cadeau de Noël originale, mais onéreuse. Aussi existe-t-il des filières de contrefaçon, prêtes à imiter n'importe quel modèle à moindre coût. A l'acheteur d'assumer ensuite les risques inhérents à une telle acquisition...

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Des ateliers de fausses Ferrari et Aston Martin ont été démantelés à Valence, en Espagne. Il s’agissait d’ateliers dans lesquels étaient transformées des voitures de gamme moyenne. Existe-t-il beaucoup d’ateliers de la sorte ?

Jean-Pierre Corniou : Les voitures transformées en Espagne n’avaient vraiment rien d’une Ferrari et d’une Aston Martin. Équipées d’un modeste quatre cylindres Toyota et à la finition approximative par rapport aux modèles d’origine, la supercherie pouvait être démasquée au premier coup d’œil et les acheteurs ne pouvaient l’ignorer. Mais ils s’estimaient probablement satisfaits de rouler dans une copie payée 20 % du prix d’une authentique. Le marché des copies de voitures de sport ou de luxe a toujours existé, de façon légale car les petits constructeurs pratiquant cette activité sont attentifs à rester suffisamment loin de l’original pour ne pas être inquiétés. Le constructeur français PGO, spécialiste des répliques, produisait ainsi une Porsche 356 Speedster avec un moteur Volkswagen de 1600 cm3 sur base VW Coccinelle.  Mais la copie frauduleuse de voitures de haut de gamme est un exercice complexe qui n’offre probablement pas une piste sérieuse de gain pour les trafiquants !

D’où proviennent les voitures transformées ?

Il n’y a rien de plus facile pour un artisan équipé que de faire une copie médiocre d’une voiture de marque avec des pièces de carrosserie en polymère recouvrant une base roulante et un moteur de voiture de série. Il est même possible de simuler le son des mécaniques d’origine. Ce n’est pas donc pas un trafic très menaçant pour les marques car le résultat ne peut être à la hauteur de l’original.

En revanche, la première source des marchés parallèles est le vol de voitures de luxe qui ne sont jamais retrouvées car elles ont été rapidement exportées loin de leur pays d’origine. Ainsi entre 2009 et 2012, 4 300 voitures de luxe ont été volées aux États-Unis, dont 713 n’ont jamais été retrouvées, dont les Lexus et Mercedes classe E et C qui sont les voitures de luxe les plus volées. Soit les voitures sont démantelées pour récupérer les pièces détachées, très prisées, soit elles sont revendues sur les marchés les moins contrôlés en Afrique ou en Asie avec de faux certificats. Les voleurs réussissent maintenant à s’introduire dans les systèmes électroniques de ces véhicules pour désactiver les systèmes de protection et brouiller les systèmes de tracking par GPS. Ces techniques dites de "mouse-jacking sont efficaces car il n’y a aucune infraction visible et les systèmes de bord sont reprogrammés.

Comment ces réseaux se procurent-ils les pièces détachées?

Les pièces détachées peuvent être fournies par des receleurs à partir de voitures volées mais aussi tout simplement fabriquées. Le marché de la contrefaçon de pièces détachées automobiles est le premier marché mondial des produits de contrefaçon. La Chine est de très loin le pays le plus actif sur ce marché.

Comment ces réseaux de contrefaçon agissent-ils pour rendre les copies aussi réalistes ? Travaillent-ils avec d’autres ateliers qui produisent les logos et accessoires, par exemple ?

Il n’est techniquement pas difficile d’imiter une carrosserie si on la reproduit en polymères, mais en acier, cela demande des moyens plus importants. Les Chinois ont d’ailleurs été longtemps maîtres en la matière en copiant systématiquement l’aspect de voitures occidentales, mais leur industrie automobile s’émancipe aujourd’hui de ce système basique de copie. En effet, le groupe moto-propulseur et le comportement du véhicule traduisent un savoir-faire difficilement copiable qui rend les produits contrefaits très différents des véhicules de marque d’origine. C’est pourquoi la contrefaçon s’est concentrée sur les pièces non visibles, dont on estime le marché annuel à 12 milliards de dollars. Ce phénomène se répand très rapidement dans les pays où le marché automobile, en croissance rapide, est moins bien contrôlé par les constructeurs et leurs réseaux de concessionnaires. On estime ainsi que 30 % des pièces détachées vendues dans les États du Golfe sont contrefaites, représentant 12 % du marché en valeur et 45 % des causes d’accidents.

Par quel biais ces réseaux commercialisent-ils les automobiles contrefaites ?

Les pièces contrefaites et volées sont diffusées par de multiples réseaux parfois très officiels de revendeurs. Bien sûr le web, dont eBay, peut être utilisé mais l’automobile demeure un secteur où les clients préfèrent voir le véhicule avant de conclure une transaction. Certains pays acceptent de réenregistrer des véhicules trafiqués, leur donnant ainsi une nouvelle vie légale rendant impossible la traçabilité.

Quels sont les dangers pour les clients qui acquièrent ces voitures contrefaites ?

Tout dépend de la nature du délit ! Certaines contrefaçons peuvent être bien construites à partir de pièces contrôlées, d’autres mettre en œuvre massivement des organes contrefaits et non conformes dont l’usage peut avoir des conséquences dramatiques, comme les air-bags ou les freins. Souvent il ne s’agit que de "rebadger" une voiture avec un logo trouvé sur le web pour faire passer un 6 cylindres pour un 12. Mais ces manœuvres sont naïves et sont le fait des propriétaires eux-mêmes. Bien entendu, le client ne peut être dupe des origines du véhicule quand on lui propose une voiture de luxe ou de sport "à prix cassé". Il faut aussi savoir que les véhicules de haut de gamme sont suivis étroitement par les constructeurs tout au long de leur vie. Il est dès lors indispensable, devant une offre bien trop alléchante, de se renseigner auprès des concessionnaires. C’est pourquoi les acheteurs sont trop souvent complices.

Propos recueillis par Karen Holcman

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