Décentralisation sous pression : la création des métropoles sera-t-elle la 1ère étape d’une vraie réforme territoriale ou une énième couche du mille-feuille administratif ? <!-- --> | Atlantico.fr
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"La réforme pourrait bien prendre la forme d’une nouvelle tranche (inefficace) du mille-feuille administratif français."
"La réforme pourrait bien prendre la forme d’une nouvelle tranche (inefficace) du mille-feuille administratif français."
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Coup de chaud à l’Assemblée

Le premier projet de loi de décentralisation du gouvernement Ayrault est centré sur la création de métropoles, qu'il a entièrement remaniées.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Franchement, à première vue, on n’a guère envie de se passionner  pour « Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ». Entre les rebondissements de la Commission Cahuzac et le «choc de simplification administrative » censé nous simplifier la vie de tous les jours, il n’y a  priori pas photo. D’autant que le calendrier - fin de session parlementaire extraordinaire - a été bien choisi, quand à l’Assemblée tout le monde n’a qu’une hâte : partir en vacances. Et pourtant, un indice aurait dû alerter les observateurs : la décision du gouvernement d’appliquer le temps programmé. Car ce sujet mené au pas de charge, pour rébarbatif et technique qu’il soit, déchaine les passions dans le monde des collectivités locales, puisqu’il concerne l’organisation administrative et financière  de la France urbaine, avec la création de métropoles  pour « tout ensemble de 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000 habitants ». Un véritable bouleversement en perspective. Le projet fait hurler les élus de Droite et ceux du Front de Gauche, vent debout contre le PS qui est à la manœuvre. Si le Sénateur Maire de Lyon, Gérard Collomb (PS), a déjà bâti son propre édifice en douceur en accord avec le président du Conseil Général, l’ancien garde des sceaux Michel Mercier, la situation est bien différente  pour  Marseille et Paris, où sera créée la Métropole du Grand Paris.

En théorie, la future structure, qui devrait voir le jour en 2015, regroupera des structures déjà existantes pour mieux organiser le logement, l’urbanisme, le développement économique et l’aménagement du territoire, afin de réduire les déséquilibres au sein des « zones denses » et de répondre à « l’urgence des territoires », celle-ci étant essentiellement la construction de logements sociaux et l’organisation des transports. En pratique, la métropole du Grand Paris absorbera la capitale, ainsi que toutes les intercommunalités environnantes, et conduira à terme à la disparition des départements de la petite couronne (les Hauts-de-Seine, le Val de Marne et la Seine-Saint-Denis). En langage non techno, cela donne : «On  va leur piquer les Hauts de Seine » et plus généralement  « prendre à ceux qui sont assis sur des tas d’or ». Et là, c’est la ville de Paris qui est également visée. Une perspective qui fait sortir de ses gonds le président du Conseil Général des Hauts de Seine, Patrick Devedjian, qui fulmine contre « ce projet  réactionnaire». La candidate UMP à la Mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet, dénonce pour sa part une technostructure qui entrainera « 300 à 400 millions d’euros de frais supplémentaires pour les Parisiens ». Les élus communistes dénoncent « un coup de force institutionnel » et réclament un référendum au nom de l’article 72 de la Constitution « en cas de création d’une nouvelle collectivité ». Pour les Communistes, c’est toute leur autonomie financière qui serait mise à mal.

A Marseille, la Gauche est favorable à la création de la Métropole Aix-Marseille ; à Droite, les partisans de Jean-Claude Gaudin sont pour, ses adversaires s’y opposent , comme la ceux de la région d’Aix qui « ne veulent pas payer » pour la cité phocéenne.  Ailleurs  (Lille, Strasbourg), le sujet est moins éruptif (pour le moment).

Mais la grande question est de savoir si, par delà la défense des prés carrés locaux, la création de ces métropoles sera le prélude à la grande réforme de simplification territoriale dont la France aurait tant besoin , ou s’il s’agit d’une opération pour permettre une répartition territoriale plus équilibrée pour la construction de logements sociaux, un meilleur « partage du gâteau », une  meilleure redistribution des finances publiques afin de redonner de l’oxygène aux collectivités surendettées, comme le département de Seine-Saint-Denis par exemple. Ce qui est sûr, c’est que sur le papier, la création de ces grandes métropoles va dans le sens inverse de la décentralisation telle qu’elle avait été conçue par Gaston Deferre, mais dont les effets pervers se mesurent à la taille des hôtels du Département et au nombre toujours croissant de fonctionnaires territoriaux. Si la réforme doit mener à la une rationalisation des effectifs et des moyens, le texte n’en dit mot. Il faut aussi rappeler que la vieille région parisienne avait été remodelée sous la férule du Général de Gaulle. La version 2013 de la « modernisation de l’action publique territoriale » s’élabore au gré d’amendements  élaborés en Commission des lois. Il n’y a pas de volonté politique affirmée. François Hollande avait promis une grande réforme, mais il laisse faire.  Et pour cause : la Gauche détient tous les pouvoirs locaux. Comment faire plaisir aux uns sans fâcher les autres (barons) ? On recherche la solution et en attendant de la trouver, la réforme pourrait bien prendre la forme d’une nouvelle tranche (inefficace) du mille-feuille administratif français.

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