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Mario Draghi a annoncé que les taux directeurs de la BCE resteraient à des niveaux bas pour "une période prolongée".
Mario Draghi a annoncé que les taux directeurs de la BCE resteraient à des niveaux bas pour "une période prolongée".
©Reuters

Coup de poker

Les taux directeurs de la Banque centrale européenne resteraient à des niveaux bas pour "une période prolongée". Une rupture par rapport à la politique monétaire menée par l'institution jusqu'à présent. Et une politique à laquelle le calme traditionnel de l'été pourrait bien profiter.

Joseph Leddet

Joseph Leddet

Joseph Leddet est économiste et consultant financier indépendant. Il intervient par ailleurs régulièrement dans les médias (presse écrite, radios, télévisions…), et il publie le bimensuel la « Gazette des Changes » depuis une douzaine d’années.

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Atlantico : Mario Draghi a annoncé que les taux directeurs de la Banque centrale européenne resteraient à des niveaux bas pour "une période prolongée". Comment expliquer une telle décision ? Faut-il s'inquiéter de ce que cette décision révèle sur l'état de l'économie européenne ?

Joseph Leddet A mon avis, cette décision s’explique par le souci de la BCE d’éviter – autant que faire se peut - une remontée des taux obligataires, de manière à permettre aux pays membres de la zone "euro" de continuer à se financer à des taux bas voire très bas, comme c'est actuellement le cas. En effet, même s’il n’y a pas de lien direct entre taux d’intérêt à court terme (régis par les banques centrales) et taux d’intérêt à long terme (cotés par le marché obligataire), a priori le fait pour la BCE de conserver un taux directeur proche de zéro peut avoir pour effet d'empêcher la remontée des taux à 2, 5 ou 10 ans.

Inversement, le fait de rehausser le taux directeur de la banque centrale, ou de laisser entendre qu’il pourra l’être prochainement, a généralement un effet négatif sur le marché obligataire ; c’est ainsi qu’entre mai et juillet dernier, le taux de l’OAT française à 10 ans s’est fortement tendu à cause de l'amorce d'un  possible durcissement monétaire de la FED, et qu’il vient juste de se mettre à refluer grâce à la dernière annonce de la BCE.

En pratique, cette décision apparaît raisonnable dans un contexte économique et bancaire européen qui demeure fragilisé.

Cette politique, si elle se veut avant tout une décision rationnelle, ne va-t-elle pas cependant à l'encontre de ce que Angela Merkel, et surtout la Bundesbank - la banque centrale allemande -, souhaiteraient ? En quoi cette décision marque une rupture avec les positions passées de la BCE ?

La Bundesbank, puis la BCE sous l’ère Trichet, avaient une communication souvent volontairement absconse, et en tout cas non directement claire et compréhensible quant à la pérennité de leur action sur longue période. A priori, Mario Draghi semble aujourd’hui vouloir davantage jouer franc jeu, en montrant qu’il va prolonger durablement la politique d’"open bar financier " gratuit en faveur du secteur bancaire.

Quant à l’effet d’une telle politique sur la parité euro/dollar, il n’est pas évident à anticiper; c’est ainsi que, quelques jours à peine après l’annonce de M. Draghi, l’euro vient de repasser à la hausse le seuil de 1.30 dollar : on n’augmente pas mécaniquement la parité d’une devise en relevant son taux directeur, c’est même bien souvent le contraire qui se produit…

Pouvons-nous nous attendre à une baisse du cours de l'euro pendant l'été ? Quelles en seraient les conséquences ?

Au cours de cet été, il serait logique que l’euro rebaisse face au billet vert, car d’une part l’économie américaine semble plus proche de son rebondque celle de chez nous, et d’autre part, en termes de parité de pouvoir d’achat, la monnaie unique reste assez surévaluée par rapport au dollar : sa vraie valeur (grâce à laquelle on pourrait acheter le même panier de biens et services de part et d’autre de l’Atlantique) se situerait plutôt vers 1.20...

En réalité, si une telle baisse se produisait cet été, ce serait sans doute un bien, car théoriquement favorable au commerce extérieur européen; mais dans le détail les choses sont en fait un peu plus compliquées, avec un phénomène d'effet-retard, et aussi certains biens importés qui se renchériraient …

En conclusion, il faut quand même remarquer que, depuis le début de la crise financière initialisée en 2007, l’euro a étonnement bien résisté en termes de parité face au billet vert, avec une cotation moyenne d’environ 1.35 sur toute cette période.

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