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Le Tour de France a failli s'arrêter en 1905, car celui de 1904 a été tragique.
Le Tour de France a failli s'arrêter en 1905, car celui de 1904 a été tragique.
©Reuters

Bonnes feuilles

Christian-Louis Eclimont balaye un siècle d'histoire du Tour de France, de 1903 à 2012. Extrait de "Le Tour de France en 100 histoires extraordinaires" (1/2).

Christian-Louis   Eclimont

Christian-Louis Eclimont

Christian-Louis Eclimont a été rédacteur en chef de Cyclisme International et de Vélo News (France). Auteur de plusieurs livres sur cette discipline, Qui a tué le Maillot jaune ? (Le Rocher), Cyclisme Nostalgie (Hors collection), il signe avec cet ouvrage un somme éclairée sur une des grandes passions de sa vie.

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1904. Surnommé « le Petit Ramoneur », parce qu’il l’a été avant de devenir coureur cycliste professionnel, puis le « Bouledogue blanc », pour sa pugnacité, l’italien Maurice Garin, natif du Val d’Aoste, naturalisé en 1892, des sa majorité, a l’insigne honneur d’inscrire, le premier, son nom sur les tablettes du Tour de France. Il gagne encore en 1904, mais hélas, cette année- la, l’histoire officielle ne retiendra pas son nom.

Pour sa résistance, qui le fait comparer a un sanglier, alors qu’il ne mesure que 1,62 mètre pour 60 kilos, il avance, précédé d’une réputation d’invincible, vainqueur d’innombrables courses depuis 1893, dont deux Paris- Roubaix (1897 et 1898) et un Bordeaux- Paris (1902), recordman du monde des 500 kilomètres sur route derrière entraîneur humain : 15 h 2 min 32 s, entre le 3 et le 4 février 1895.

Chez les Garin, le sport cycliste, a ses balbutiements, est une tradition familiale ancrée : les deux freres de Maurice, Ambroise et César, sont également professionnels. Il a débuté sa carriere au club cycliste de Maubeuge en 1892 et, très vite, grâce a un caractère trempé et a des qualités physiques hors norme, les victoires se sont enchaînées. Au départ de cet amusement, il n’est pas spécialement attiré par la compétition, simplement il se plaît dans les rues a broyer du braquet en se grisant de vitesse, une imprudence qui lui vaut d’être baptisé a l’échelle locale « le fou ». Ses amis le convainquent de signer une licence dans un club, et Maurice se distingue des ses premières courses : victoires dans le Dinant- Namur- Dinant et aux 800 kilomètres de Paris sur piste, en 1893. Suscitant un vif intérêt de la part des organisateurs, il franchit le Rubicon du professionnalisme en 1894, après une autre victoire a Avesnes-sur- Helpe, dans le Nord, dont il écume les Grands Prix. L’homme est accrocheur, roublard en course et surtout, insistons, doté d’une constitution inouïe : pendant le prix des Arts libéraux, qui se déroule sur vingt- quatre heures, a une époque ou la diététique n’est pas de rigueur, il absorbe 19 litres de chocolat chaud, sept litres de thé, huit œufs au madère, une tasse de café avec de l’eau- de- vie de champagne, 45 côtelettes, cinq litres de tapioca, deux kilos de riz au lait et des huîtres !

Au départ du Tour 1904, retenu dans l’équipe de La Française Diamant, ou figure son frère César, mais aussi le challenger Lucien Pothier, il entend bien réitérer son exploit de l’année 1903. Seulement, victime de son succès, le Tour de France déchaîne des passions immodérées, voire quelque peu criminelles, au long d’un parcours ou, en dépit de trois voitures de L’Auto, la surveillance s’avère difficile pour le bon déroulement de la course.

Lors de la 1re étape, vers Lyon, Maurice Garin et Lucien Pothier sont menacés par quatre hommes masqués dans une voiture. Vers Marseille, Antoine Fauré, le local, reçoit l’aide inopinée d’un essaim de supporters tentant de barrer le reste du peloton pour lui assurer la victoire. Et il faut que les officiels tirent en l’air pour calmer la foule. A l’approche de Nîmes, les supporters locaux d’un dénommé Ferdinand Paysan, accusé de tricherie pour avoir profité de l’aspiration d’un engin motorisé, lancent des pierres sur les coureurs. Enfin, pendant la 5e étape, des clous sont disposés sur l’asphalte, provoquant un déluge de crevaisons. Dans ce climat houleux sur fond de vandalisme, H. D. croit bien la fi n du Tour venue. Pourtant, au terme de 2 429 kilomètres, Maurice Garin, leader de bout en bout aux temps additionnés, remporte l’épreuve. Avec lui, sur la plus haute marche du podium, posent Lucien Pothier, a sa droite, César Garin, son frère, a sa gauche, tous membres de l’équipe de La Française Diamant, qui accomplit un triplé. Mais c’est sur tapis vert, sur celui des commissaires, que le sort de ce Tour et de ses héros contestés pour leurs écarts vis- a- vis du règlement draconien va se régler.

Apres délibérés de l’Union Vélocipédique de France, les quatre premiers sont disqualifiés, et le nom de Maurice Garin est retiré des tablettes, avec ceux de Pothier, de César Garin et d’Aucouturier, remplacé par celui d’Henri Cornet, âgé de moins de 20 ans, et qui avait lui- même écopé d’un avertissement. En sus, Maurice Garin écopa de deux ans d’interdiction de pratiquer. A 33 ans, cette sanction précipita la fi n de sa carrière. Pourtant, en 1911, il enfourcha de nouveau son vélo et, a 40 ans, prit la 10e place de Paris- Brest- Paris.

Extrait de "Le Tour de France en 100 histoires extraordinaires", Christian-Louis Eclimont, (First édition), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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