Mondialisation libérale... Ah oui vraiment ? Les politiques publiques des 30 dernières années n’ont cessé d’entraver le bon fonctionnement de l’économie de marché<!-- --> | Atlantico.fr
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Les deux armes dont dispose un gouvernement pour agir, l’arme budgétaire et l’arme monétaire, ont été confisquées au profit d’entités mal définies dont tout ce que l’on sait est qu’elles échappent à la souveraineté
Les deux armes dont dispose un gouvernement pour agir, l’arme budgétaire et l’arme monétaire, ont été confisquées au profit d’entités mal définies dont tout ce que l’on sait est qu’elles échappent à la souveraineté
©DR

Carcan

L'ennemi d'une économie libérale saine, avec un cadre juridique bien défini et une information circulant de manière fluide, est à chercher du côté des politiques publiques qui font tout pour entraver la liberté des agents économiques. Et leur but n'est pas anodin.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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Il fut un temps où l’on considérait  que les fonctions des gouvernements devaient être positives. Puisque nous parlons d’économie et de finance, les fonctions positives des gouvernements étaient assez simples : ils devaient faciliter l’activité de production de richesses des agents économiques.

Parmi ses fonctions, il y avait, bien entendu, la mise en place d’un cadre institutionnel et juridique fiable et stable. Il y avait l’éclairage de l’avenir à long terme, il y avait le maintien de la stabilité.

Une économie fondée sur les initiatives individuelles ne peut fonctionner que si le gouvernement éclaire l’avenir et fixe ainsi le cadre dans lequel les agents productifs travaillent, consomment et investissent. L’information est un élément absolument essentiel du calcul économique. Comment prévoir, prendre des risques, si l’information fait défaut ? De même, s’agissant de la question de la stabilité, celle-ci est absolument centrale. Aucun calcul, aucune décision, ne peut être rationnel dans un monde qui ne connaît ni la stabilité monétaire, ni la stabilité financière. Aucune action économique rationnelle n’est possible si l’on n’a pas un cadre fiable en matière de fiscalité, de droit des contrats ou encore de lois sur le travail.

Nous soutenons, depuis 30 ans, que tout ceci est essentiel et que les politiques qui ont été menées depuis cette époque vont à l’encontre de ce qui est nécessaire pour qu’une économie de marché fonctionne. Nous soutenons également que sous couvert de ces politiques modernes, tout a été faussé. Tous les calculs économiques ont été rendus caduques. Peu à peu, les individus ont été dépossédés du pouvoir de gérer. L’idée générale des classes dominantes au pouvoir a été, coûte que coûte de forcer la croissance, coûte que coûte d’accélérer ce qu’elle appelait le progrès au mépris des conséquences inattendues.

Ce qui a été mis en place au cours de ces années, on s’en aperçoit maintenant, c’est un système dirigiste, interventionniste, de plus en plus mondialement centralisé. Non seulement les agents économiques domestiques ont été dépossédés de leurs pouvoirs, mais les gouvernements nationaux eux-mêmes ont été progressivement réduits au rôle de courroie de transmission.

Au niveau global, cela est évident avec la progression ininterrompue de l’impérialisme américain.

Au niveau national, cela dure depuis longtemps, mais cela devient visible car caricatural, les gouvernements locaux n’ont plus aucune marge de manœuvre. Les médiocres plaidoyers de Hollande et de Moscovici ne parviennent plus à dissimuler le fait qu’ils ont perdu tout contrôle sur l’évolution intérieure de leur pays.

Ainsi, les deux armes dont dispose un gouvernement pour agir, l’arme budgétaire et l’arme monétaire, ont été confisquées au profit d’entités mal définies dont tout ce que l’on sait est qu’elles échappent à la souveraineté. Il est loin le temps où l’on pouvait encore se réjouir d’avoir des chefs démagogues qui écoutaient trop le peuple. Il est loin le temps où l’on pouvait encore sourire en leur appliquant l’adage : "suivons-les puisque nous sommes leur chef". C’était le bon temps, celui où il y avait encore une illusion de souveraineté. Hélas, nous sommes dans le temps des gestionnaires du système. Le temps des gestionnaires d’un système qu’ils ne comprennent pas et dont ils ne sont que les courroies de transmission inconscientes. 

Nous lisons ce jour une nouvelle que beaucoup considèrent certainement comme insignifiante : Delphine Batho vient de se faire convoquer, donc réprimander, parce qu’elle a osé critiquer le projet de budget en cours. Les citoyens ont tellement perdu l’habitude de la liberté, de la démocratie et donc de la souveraineté du peuple, qu’ils considèrent certainement que cela est bien. Quand on a la chance d’être ministre, d’avoir une voiture avec chauffeur, d’avoir un train de vie supérieur à celui d’un grand patron d’une grande entreprise, et bien, dans ce cas-là : "On ferme sa gueule". 

Réfléchissez à ce que cela veut dire. Cela signifie tout simplement trois choses : 

1 – Que le pluralisme, la diversité au sein des majorités, ne sont que des leurres destinés à favoriser des majorités monolithiques, tremplins de la volonté de puissance de ceux qui sont un peu plus nombreux ou qui tiennent les leviers de commande des organisations politiques. Les majorités sont déjà des majorités de circonstances, de bric et de broc, collections de minorités intéressées, mais en plus, ces majorités sont dominées par des sous-majorités, réelles minorités, qui finalement imposent leurs lois partisanes. Par ce processus, on en arrive à des situations telles que la légitimité du budget va reposer sur une adhésion réduite à sa plus simple expression. Adhésion défaillante, violence cachée. Le caractère godillot du législatif ne fait que renforcer le caractère scandaleux de cette gestion dictatoriale. Dictatoriale n’est pas un bon nom car les chefs ne sont pas dictateurs. Ils ne sont même pas mandataires, ils sont simplement les vassaux de pouvoirs qui se tiennent ailleurs. Les courroies de transmission serviles de décisions auxquelles ils participent à peine et surtout auxquelles ils ne comprennent rien.

2 – Que le soi-disant débat politique n’existe plus. Comment confronter les idées, les analyses, les opinions, si les éléments du débat sont escamotés. Si ceux qui sont porteurs de paroles différentes sont muselés. Comment confronter quand on organise la non-confrontation. Comment dialoguer quand on instaure le monologue. Pour que la démocratie puisse fonctionner, pour que l’économie puisse tourner efficacement, il faut que tout soit éclairé, disponible, avec les tenants et aboutissants de chaque décision, avec l’examen des différents scénarios possibles. C’est de cette procédure que jaillit l’efficacité. Mais pas seulement l’efficacité, car ce qui en jaillit également, c’est l’adhésion, la participation, le ralliement, à un objectif commun. On ne juge pas que le peuple, que les agents économiques productifs, puissent être tenus au courant et associés aux orientations générales qui vont pourtant servir de cadre à leur activité.

3 – Que le système finit par dysfonctionner de partout. Tout se détraque. Le comportement des agents économiques n’a pas aucune logique, la spéculation et l’égoïsme règnent en maîtres. L’efficacité disparaît. Aux termes de cette évolution, le système qui repose sur les individus perd sa légitimité, ce qui débouche, comble de l’ironie, sur la légitimation de l’action criminelle de ces gouvernements et de ses élites qui ont conduit à la délitation. 

Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire sur ces questions. En particulier, sur les aspects purement politiques. La dérive actuelle entretient non pas les consensus et les participations, mais les affrontements. Comment  admettre ce qui tombe d’en haut comme un oukase le plus souvent inadapté, voire absurde. La dérive est clivante. Elle fait voler en éclats le corps social. Elle est avilissante. 

Avec la crise, nous sommes en train de franchir une étape nouvelle. La souveraineté disparaît. Le dialogue est escamoté. Mais il y a plus : on organise le mensonge et la non-transparence. C’est un glissement tout à fait logique mais terrible. Il fait froid dans le dos. De la dissimulation à l’opacité, il n’y a qu’un pas. De l’opacité au mensonge, il n’y en a qu’un autre tout petit. Mais le grand saut est à venir. Car qui dit opacité, mensonges, dit usage de la force, du contrôle, de la normalisation, des écoutes, de l’espionnage ; bref, tout cela conduit à la perversion qui fait actuellement la vraie grande une de l’actualité : les écoutes généralisées. Les écoutes font partie intégrantes du système et c’est ce sur quoi nous voulons insister et c’est le but de cet article.

Les écoutes font partie intégrante d’un système qui a cessé d’être démocratique. D’un système qui ne dit pas la vérité. D’un système opaque. D’un système qui pratique la propagande systématique, bref, d’un système qui ment. 

Comme dans les régimes soviétiques qui constituent le modèle de nos sociétés actuelles, on va tenter de vous faire croire que c’est une anomalie, une déviation. Bref, que c’est une sorte de cancer qui est venu se greffer sur un corps sain. Et bien, non, cela est faux. Car comme du temps de l’Union soviétique, le système repose organiquement sur le glissement que nous avons décrit. 

Toujours dans l’actualité de ce jour, nous lisons que l’ancien patron de la DST affirme que les écoutes américaines étaient connues des autorités françaises et même européennes. Il affirme que les pays individuels européens, dont la France, font la même chose. Est-ce que l’on se rend compte de la gravité de ces propos ? Ils attestent que partout donc, c’est la même chose. Ils attestent du fait que tout le monde est complice. Ils attestent de l’hypocrisie qu’il y a à faire semblant de s’indigner.

Yves Bonnet, l’ancien directeur de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), était l’invité d’Audrey Crespo-Mara sur LCI . Il est revenu sur l’affaire Snowden et l’espionnage de l’Union européenne par les États-Unis.

"La France espionne elle-aussi ses alliés comme les pays africains qui sont dans notre zone d’influence. La France tient à savoir tout ce qu’il se passe en Afrique. Nous avons déployés, dans ces pays, un certain nombre d’officiers de renseignement. Le renseignement ça part de qui est ouvert, et qu’il faut faire remonter à Paris, à des choses qui peuvent être très secrètes" explique Yves Bonnet.

Et d’ajouter : "On fait la même chose que les Américains mais, comme on a moins de moyens, ça ne se voit pas. On a moins de résultats, bien que notre productivité soit supérieure à celle des Américains".

Nous avons dès le départ de la crise que nous avons localisé en 2008 indiqué que l’on aurait tort d’en rester à la petite version limitée, officielle de crise des subprimes américains. Dès le départ, nous avons diagnostiqué une crise de surendettement généralisé. Nous avons mis en cause le glissement du système intervenu au début des années 80 avec la financiarisation généralisée, le règne du signe, l’escamotage du réel. Nous avons expliqué que la contamination était générale. Toutes les valeurs étaient en train de devenir fausses. Des grands prêtres construisaient des théories pour valider faussetés et mensonges ; des alliances sociales nouvelles contre nature, c’est à dire kleptocratiques et ploutocratiques, se nouaient; de proche en proche, nous étions en train de changer de système. 

Le choix de 2009 était simple, il était binaire, même si on pouvait panacher les solutions :

1 – Soit tenter de continuer, malgré tout, en accroissant tous les dysfonctionnements, toutes les dérives, et finalement tous les risques

2 – Soit tenter de revenir en arrière, de se ressaisir, de marcher à nouveau sur les pieds en s’appuyant sur le réel, sur le concret, sur les citoyens et, dans ce cas, en ayant le courage de détruire les cellules cancéreuses qui étaient en train d’envahir le corps social. 

Hélas, c’est la première voie qui a été choisie. Honte aux organisations politiques d’opposition, honte aux syndicats, honte aux intellectuels, aux clercs et aux médias, qui auraient dû forcer au diagnostic, forcer à la clarification, forcer à un choix de vérité et de dignité. 

Dans cet ordre d’idées, on comprend qu’à ce stade, l’enjeu est colossal, historique. La prise de conscience par les citoyens, si elle s’effectue, débouchera sur quelque chose qui sera de l’ordre de la révolution.

Ce billet a été initialement publié sur le blog a lupus

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