La Croatie intègre l'UE : le vrai bilan de l'élargissement<!-- --> | Atlantico.fr
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The Economist avance dans son édition du 29 juin 2013 que l’élargissement a été une des politiques les plus réussies de l’UE.
The Economist avance dans son édition du 29 juin 2013 que l’élargissement a été une des politiques les plus réussies de l’UE.
©Reuters

Pièce rapportée

L'Union européenne célèbre aujourd'hui l'arrivée de son 28ème membre : la Croatie. Malgré ses détracteurs, l'élargissement de l'Union reste une des initiatives les plus réussies selon The Economist. Qu'en est-il vraiment ?

Pierre Verluise

Pierre Verluise

Docteur en géopolitique, Pierre Verluise est fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com.

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The Economist avance dans son édition du 29 juin 2013 que l’élargissement a été une des politiques les plus réussies de l’UE… et qu’il faut continuer à intégrer de nouveaux pays[1]. Il s’agit d’un argumentaire anglo-saxon classique qui privilégie l’Europe espace, voire l’Europe marché à l’Europe puissance. Etant entendu que la puissance des Etats-Unis a besoin d’un grand marché européen mais certainement pas d’une puissance européenne concurrente.  

Quoi qu’il en soit, il faut admettre que les élargissements de 2004 et 2007 comportent des dimensions positives mais il faut nuancer le tableau.

Parlons stratégie …

Les dimensions positives des élargissements récents sont les suivantes : près de 100 millions d’Européens qui ont eu une expérience du communisme et souvent de la présence soviétique bénéficient maintenant d’un cadre généralement démocratique et d’une économie de marché. Ils sont le plus souvent membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord qui les met hors d’atteinte de la Russie post-soviétique. Il suffit d’avoir visité les geôles du KGB à Vilnius (Lituanie) pour comprendre le bénéfice. Les esprits chagrins regretteront cependant  que la Lituanie ait semble-t-il accueilli par la suite sur son territoire des prisons secrètes de la CIA dans la cadre de « la guerre contre le terrorisme »… Pour autant, le nombre de victimes n’est pas comparable. Et d’autres pays membres de l’UE ont accepté ces pratiques américaines sur le sol européen. Quoi qu’il en soit le résultat stratégique des élargissements de 2004, 2007 et 2013 peut se résumer ainsi : 22 des 28 pays de l’UE sont maintenant membres de l’OTAN (28 membres mais différents).

… économie…

Sous l’angle économique, les nouveaux Etats membres sont entrés dans l’UE en étant tous plus pauvres que la moyenne de l’UE… et ils le restent. Cependant, il a été démontré qu’en matière de PIB par habitant en SPA, huit des douze nouveaux États membres réduisent leur écart à la moyenne de l’UE de 2 à 11 points de pourcentage de 2007 à 2011. La crise économique n’a donc pas empêché la poursuite du processus de « rattrapage » de la majorité des nouveaux Etats membres par rapport à la moyenne de l’UE.[2] Il y a tout lieu de s’en féliciter, sans oublier cependant que cette « convergence » est marquée par des inégalités régionales et sociales.  Autrement dit, tous ne bénéficient pas de la même façon de l’augmentation du niveau de vie.

… et politique

Sous l’angle politique, les nouveaux Etats membres ont appris le fonctionnement des institutions européennes et leur niveau de corruption a le plus souvent diminué. Il faut s’en féliciter tant la démocratie et le développement économique sont affaiblis par ce travers. Pour autant, depuis maintenant trois ans, l’UE démontre son incapacité à ramener sur le chemin de l’Etat de droit et du strict respect des traités communautaires… la Hongrie de V. Orban[3]. La Roumanie et la Bulgarie font moins parler d’elles mais leur situation économique et politique peut inquiéter. Dans ces trois cas, les experts et les politiques qui ont défendu leur adhésion à l’UE sont d’une discrétion remarquable. Par ailleurs, ces élargissements ont été réalisés sans débat démocratique. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que se développe une « fatigue des élargissements ».

Certes les élargissements mettent en œuvre une politique étrangère qui ne dit pas son nom.

Pour autant, l’adhésion de la Croatie[4] démontre – une fois de plus – la pertinence de cette quasi-règle : l’Union européenne reste attractive pour les pays pauvres (élargissements de 2004, 2007 et 2013) mais devient répulsive pour les pays riches (Norvège, Suisse, et maintenant Islande). Il faudra, cependant une grande maîtrise des techniques de communication pour convaincre qu’intégrer systématiquement des pays pauvres enrichit l’Union européenne et la rend plus puissante dans un monde multipolaire marqué par l’émergence de nouvelles puissances.



[1] Lire à ce sujet Pierre Verluise, « Géopolitique des frontières européennes. Elargir, jusqu’où ? » Illustré de 20 cartes en couleurs, éd. Argos, 2013.

[2] Pierre Verluise, « UE-27 Crise mais rattrapage des Nouveaux Etats membres ? », Diploweb.com, 18 novembre 2012 http://www.diploweb.com/UE-27-Crise-mais-rattrapage-des.html

[3] Pierre Verluise, « UE-Hongrie V. Orban : vers la rupture ? », Diploweb.com, 2 décembre 2012 http://www.diploweb.com/UE-Hongrie-V-Orban-vers-la-rupture.html

[4] Pierre Verluise, « L’UE28 : la Croatie, ça change quoi ? », Diploweb.com, 19 mai 2013  http://www.diploweb.com/L-UE28-la-Croatie-ca-change-quoi.html

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