Le diagnostic du rapport Duron est le bon : revoir la politique de grands travaux, oui, la sacrifier, non<!-- --> | Atlantico.fr
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La commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, député-maire de Caen, préconise dans son rapport rendu au gouvernement, un frein sur la politique des grands travaux engagée par le Grenelle de 2007.
La commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, député-maire de Caen, préconise dans son rapport rendu au gouvernement, un frein sur la politique des grands travaux engagée par le Grenelle de 2007.
©Reuters

Sage décision

Philippe Duron, député-maire de Caen, a rendu un rapport au gouvernement jeudi 27 juin 2013. Il souhaite réduire la politique des grands travaux engagée par le Grenelle de 2007. Des préconisations approuvées par Jean-Marc Ayrault.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Atlantico : La commission Mobilité 21, présidée par Philippe Duron, député-maire de Caen, préconise dans son rapport rendu au gouvernement, un frein sur la politique des grands travaux engagée par le Grenelle de 2007. Cette politique prévoyait 70 projets ferroviaires, routiers et fluviaux sur 25 ans pour un coût de 245 milliards d'euros. La France doit-elle vraiment sacrifier sa politique de grands travaux et ses investissements à long terme ? Pourquoi ?

Remy Prudhomme : La France peut se le permettre mais surtout elle le doit. Cette idée qui vaut que les infrastructures de transports sont toujours désirables pour l’économie est fausse. Si on a une route à deux voies, avec peu de passage, faire des investissements pour la transformer en trois voies c'est comme jeter l'argent par les fenêtres!

On a d’ailleurs des exemples pour étayer cette théorie. J'ai regardé, les investissements de transports de huit pays européens entre 2000 et 2005  et je les ai rapportés au PIB de l’année médiane (2003). Voici le classement des pays qui ont le plus investi par rapport à leur PIB : Portugal, Grèce, Espagne, Italie, France, Royaume-Uni, Allemagne et Suède. L’ordre s’inverse lorsqu’on regarde le succès économique, c'est donc la Suède, le pays qui a le moins investi qui s'en sort le mieux. Cela montre, qu’il y a des investissements en transports peu bénéfiques. Il y a des investissements qui sont de vrais plus, et d’autres mauvais, et c’est la même chose pour les dépenses de fonctionnement.

La notion même d’infrastructure de transport n’est pas très pertinente. Il y a des infrastructures très rentables, qui ont un taux de rendement économique et sociale élevé, et d’autres qui ont un taux bas, la loi prévoit qu'on calcule ce taux. La bonne politique, convient de faire les premiers investissements, c'est-à-dire les plus rentables, et de ne pas faire les seconds. Les souhaits qui sont passés après 2030, étaient du gaspillage comme le canal Seine-Nord (4 ou 5 milliards), l’Etat n’aurait jamais eu un retour sur investissement comme le lien ferroviaire Lyon-Turin (25 milliards). Il est intéressant de noter que Philippe Duron, député-maire de Caen, n’a pas mis la ligne Paris-Normandie dans la liste des priorités. On s’économise des gaspillages en réalité.

La crise justifie-t-elle cette remise en cause ?

La crise ne fait qu’aggraver la situation, mais elle n’est pas le facteur majeur. Avant la crise, il était clair qu’un grand nombre de ces investissements en particulier les lignes TGV ne devaient pas être faits. La SCNF elle-même ne demande plus de ligne nouvelle. Il n’y a plus aucun investissement ferroviaire de ligne TGV qui puisse être fait sans des subventions massives.

La ligne Tour-Bordeaux, qui est la plus intéressante de tous les projets, a coûté 8 milliards d'euros et le contribuable met 4 milliards d'euros à fond perdu.

On ne peut pas se plaindre que l’Etat dépense trop d’argent, et en même temps râler quand pour une fois il pense à faire des économies en repoussant des investissements.

Dans ce rapport, une des priorités serait la sortie du tout TGV, afin de favoriser des dessertes de proximité. Cette décision peut-elle amputée la mobilité en France ? 

Non, car une des autres priorités et de mettre l’accent sur la rénovation, l’amélioration : le réseau ferroviaire mais aussi routier. Des rapports ont montré les défaillances du réseau de chemins de fers. Le meilleur usage des fonds publics c’est d’entretenir les réseaux.

De plus, le rapport préconise de lutter contre certains goulots d’étranglement dans les grandes gares de l’Ile-de-France, ce qui devrait améliorer le trafic.

Le rapport imagine deux scénarios : investir entre 8 et 10 milliards pour financer certains grands projets ou bien, augmenter le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (400 millions d'euros) pour financer à plus grande hauteur (entre 28 et 30 milliards) les grands projets. Lequel vous parait le plus envisageable dans les conditions actuelles ? Pourquoi ?

Il y en France d’autres priorités que d’inventer un impôt nouveau pour ces infrastructures. La France ne manque pas d’infrastructures de transports. Notre réseau d’autoroute est bon, les lignes TGV et les extensions de ces dernières permettent d’aller rapidement partout en France, à quelques exceptions près. Les transporteurs de marchandises ne se plaignent pas d’un manque. Les urgences sont ailleurs actuellement.

"2030, c'est bien, mais c'est aujourd'hui que nos entreprises ont besoin d'activité". Quelle est votre réaction aux propos de Bruno Cavagné, vice-président de la Fédération nationale des travaux publics ?

Bruno Cavagné défend ses intérêts, il a toujours été pour qu’on fasse plus d’infrastructures, on ne peut lui reprocher de prêcher pour sa paroisse. D’autant plus que la construction de logements diminue beaucoup. Mais on ne va dépenser de l’argent uniquement pour permettre à ce secteur de prospérer et de se développer. Il faut souligner le courage de la commission mobilité 21 qui a certainement dû résister à de fortes pressions régionales.

Il faut se réjouir de ce gouvernement, qui pour une fois prend une décision raisonnable.

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