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Total ou la traîtrise fiscale
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Ingratitude

Le géant français du pétrole aime échapper à l’impôt. Un comportement quelque peu paradoxal : l’entreprise, largement bénéficiaire, est en partie redevable de sa prospérité au giron protecteur de l’Etat français.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Les révélations des Echos la semaine dernière sur les exonérations fiscales dont Total tire profit sont emblématiques des rapports de plus en plus étranges que les grandes entreprises entretiennent avec les États qui leur ont donné naissance.

Rappelons que Total se trouve, en France, dans une double situation au regard de l’impôt sur les sociétés. D’une part, Total déclare ses activités déficitaires sur le sol national, ce qui lui permet d’échapper à l’impôt. D’autre part, Total demande la prorogation à son profit du dispositif dit du bénéfice mondial consolidé. Celui-ci lui permettrait, au cas où son activité serait à nouveau excédentaire en France, d’échapper à l’impôt, en déduisant de ses bénéfices les éventuelles pertes enregistrées par des filiales étrangères. Souplesse fiscale commode pour un groupe de taille mondiale.

Total : un symbole national

Après tout, ces arrangements n’attireraient pas forcément l’attention s’ils concernaient un groupe autre que Total. Mais la première particularité de la situation est que Total constitue la première capitalisation boursière en France. Avec une valeur en bourse d’environ 100 milliards d’euros, l’entreprise pétrolière est le vrai tycoon français, équivalent à environ deux fois le budget annuel de l’Éducation nationale. Dans ces conditions, il est difficile d’expliquer que le groupe échappe à l’impôt sur les sociétés. Surtout que Total a engrangé 10 milliards d’euros de bénéfices au niveau mondial en 2010 (rappelons que le déficit du régime général de retraite était de 7 milliards...), et qu’il va profiter cette année de la flambée des cours.

Deuxième particularité, la plus embarrassante, sans doute : Total est né de concessions d’exploitations offertes par les États. Il s’agit d’une ancienne entreprise nationalisée, qui s’est développée à l’abri de réglementations avantageuses, de monopoles divers et variés, d’arrangements politiques bien connus, notamment en Afrique. Est-il normal que Total se dérobe aujourd’hui à un civisme fiscal en négociant une exonération pour ne pas payer d’impôts sur des profits à venir?

Autant la stratégie d’optimisation fiscale pratiquée par certaines entreprises nées d’initiatives privées peut s’entendre, autant cette stratégie laisse sceptique quand il s’agit d’entreprises dont la taille et les profits sont étroitement dépendants des concessions publiques.

Le côté obscur de l’incitation fiscale

Au moment où la dette publique atteint des proportions critiques, le citoyen ordinaire peut difficilement comprendre que des efforts soient requis pour tous, sauf pour les groupes mondiaux qui engrangent des bénéfices colossaux. On voit ici comment la politique dite d’incitation fiscale, qui prétend réduire l’impôt de certains pour relancer la croissance, est d’une hypocrisie confondante.

Le Conseil des prélèvements obligatoires considère que le seul dispositif dit du bénéfice mondial consolidé coûte 500 millions d’euros aux contribuables. Sans aucune contrepartie.

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