Pour l’OCDE, il nous coûte 2 milliards d’euros mais y a-t-il des alternatives efficaces au redoublement scolaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La question du redoublement en France n'est pas une question d'ordre pédagogique mais d'ordre budgétaire.
La question du redoublement en France n'est pas une question d'ordre pédagogique mais d'ordre budgétaire.
©Reuters

Bonnet d'âne

Le mois de juin est généralement celui des conseils de classe, qui décident du passage d'un élève en classe supérieure ou de son redoublement. La France, championne du redoublement dans les pays de l'OCDE, dépenserait chaque année 2 milliards d'euros à cet effet.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Chaque ministre de l'Éducation nationale croit régulièrement avoir trouvé le Graal du système scolaire dans la proposition suivante : il faut supprimer le redoublement. Or, depuis des décennies qu'on force la diminution de cette pratique, aucune amélioration n'a pourtant eu lieu.

Et pour cause : la question du redoublement en France n'est pas une question d'ordre pédagogique, mais bien une question d'ordre budgétaire. Le redoublement, ça coûte trop cher, et avec tout cet argent, on ferait… on ne sait pas trop ce qu'on ferait d'ailleurs, mais on l'utiliserait mieux, paraît-il. Comment ? Alors là, on se le demande, puisque cela fait bien trente ans que les courbes du redoublement sont à la baisse ; et celles de l'efficacité du système ne sont pas pour autant à la hausse, et l'aide aux élèves en difficulté ne semble pas avoir produit un quelconque résultat d'ampleur depuis tout ce temps.

Il en va du redoublement comme de tant d'autres choses dans l'Éducation nationale : ce n'est pas avec des positions de principes déconnectées de la réalité qu'on répond aux problèmes du quotidien. Par exemple, d'aucuns nous martèlent que les pays dont le système scolaire fonctionne ne font pas redoubler. Une telle affirmation semble aujourd'hui aller de soi, et tous de la répéter dans les médias. Or la réalité est toute autre : tout d'abord, on ne peut prendre n'importe comment un élément unique et le désolidariser de l'ensemble d'un système. Or jusqu'à preuve du contraire, l'efficacité d'un système scolaire n'est en rien scientifiquement davantage rattachée au taux de redoublement qu'au nombre annuel de journées de pluie ou à la rémunération du corps enseignant. Il semblerait même qu'elle soit davantage rattachée à la rémunération du corps enseignant ou au taux d'encadrement, en fait, mais forcément, c'est une mesure qui plairait moins à la Cour des comptes.

Ensuite, quand on étudie les chiffres dans le détail[1], on se rend justement compte qu'il n'y a pas de corrélation. Certains pays font beaucoup redoubler et réussissent très bien dans les études internationales[2], d'autres ne font pas redoubler et ont des statistiques déplorables.

Il faut donc sortir des dogmes, et s'intéresser à ce qui fonctionne. Certains élèves ont besoin de temps pour gagner en maturité. D'autres ont parfois une période "sans" pour des raisons scolaires ou extra-scolaires. Ces élèves-là peuvent sans aucun doute tirer un bénéfice d'un redoublement. Certains parents ne s'y trompent pas et, à la surprise générale des technocrates, ce sont eux qui demandent à ce que l'on fasse redoubler leur fils ou leur fille. En tant que professeur, j'ai connu des redoublements efficaces. Maintenant, si l'on se met à affirmer que tous les élèves qui redoublent doivent atteindre les mêmes résultats que les autres, on ne peut effectivement qu'être déçu : on fait rarement redoubler les meilleurs élèves, et plus couramment ceux qui ont des difficultés, non ?

Une fois cela posé, le redoublement n'est qu'un moyen parmi d'autres d'intervenir sur la difficulté scolaire. Les classes 6e-5e en 3 ans en seraient un autre, et probablement un plus efficace… mais il est également plus coûteux, et de telles structures sont au contraire en voie de disparition. Des parcours diversifiés au sein du collège pourraient eux aussi améliorer grandement l'existant, mais l'idéologie du "collège unique" (devenu idéologie de "l'école du socle") empêche de telles mesures de bon sens d'être prises.

Mon syndicat, le Snalc, a pourtant récemment proposé une nouvelle organisation du collège[3], qui permettrait de donner davantage de temps aux élèves en difficulté pour progresser dans les matières fondamentales, sans pour autant les exclure. Faire en 3 ans ce que d'autres peuvent faire en 2, dans des groupes à plus faibles effectifs, voilà qui permettrait de concilier les avantages du redoublement (davantage de temps pour progresser) tout en évitant ses inconvénients (le fait de refaire à l'identique ce qui n'a pas été réussi la première fois, sans parfois rien changer dans les façons de faire).

Le redoublement est un outil qui continue d'avoir son utilité et qui doit demeurer dans la boîte à outils d'une Éducation nationale qui ne peut se permettre de réfléchir qu'en termes comptables. Faire passer de manière automatique les élèves dans la classe supérieure alors qu'ils n'ont pas le niveau pour suivre relève de la maltraitance. Alors attelons-nous à trouver les dispositifs qui peuvent venir en renfort du redoublement afin de résoudre l'échec scolaire plutôt qu'à stigmatiser une pratique qui est une conséquence de nos dysfonctionnements, et non une cause.


[1]    Pour une étude détaillée, reportez-vous à ce lien : http://pedrocordoba.blog.lemonde.fr/2012/11/12/non-disputemus-sed-calculemus/
[2]    Et n'oublions pas que ces études sont elles-mêmes fort biaisées…
[3]    L'ensemble de ce projet d'organisation modulaire du collège peut être consulté ici : http://www.snalc.fr/fichiers/pdf/VERS%20%20UN%20COLL%C3%88GE%20MODULAIRE.pdf

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