Le gouvernement fait-il semblant d’ignorer les effets très indésirables de sa politique de lutte contre le tabac ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De nouvelles hausses des taxes sur le tabac sont déjà prévues pour cet été ou l’automne prochain.
De nouvelles hausses des taxes sur le tabac sont déjà prévues pour cet été ou l’automne prochain.
©Reuters

Patch

Contrairement à ce que le gouvernement, et plus généralement les autorités sanitaires internationales, veulent bien nous faire croire, les initiatives anti-tabac sont loin de venir à bout de ce fléau. Pire : elles encouragent le marché noir et la consommation de produits de mauvaise qualité.

Valentin Petkantchin

Valentin Petkantchin

Valentin Petkantchin est docteur ès sciences économiques et est diplômé du Magistère média et formation économique de l’Université d’Aix-Marseille III.

Il est chercheur associé à l'Institut Molinari.

Valentin Petkantchin est l’auteur de Les sentiments moraux font la richesse des nationsouvrage consacré à l'oeuvre de l'économiste Adam Smith.

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Depuis 1988, la journée mondiale sans tabac a lieu chaque 31 mai sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé. Ce jour-là, l’idée est qu’aucune cigarette ne devrait être vendue afin de faire prendre conscience aux gens des dangers du tabac. Nombre d’autres initiatives volontaires ou dispositifs réglementaires existent en la matière. Des images chocs à une fiscalité pénalisante, les dangers du tabac sont aujourd’hui bien connus.

Dans le même temps, les pouvoirs publics mettent l’accent sur la répression des trafics illicites et la fraude en général, y voyant un manque à gagner en cette période de crise profonde. Il est intéressant de rapprocher les deux phénomènes que sont la lutte antitabac (symbolisée) par cette journée sans tabac et le trafic illicite. Car la cause principale de ce dernier se trouve justement dans l’ensemble des contraintes fiscales et réglementaires qui pèsent sur les marchés légaux. La contrebande de cigarettes, en l’occurrence, doit son existence à un marché légal qui, à dessein, est lourdement pénalisé.

La fiscalité sur le tabac, par exemple, reste l’une des mesures-phares de la lutte antitabac actuelle. Les hausses de taxes sur les cigarettes y sont ainsi considérées comme le moyen le plus « efficace » pour mettre fin à la consommation de tabac. Or, qu’on le veuille ou non, le raisonnement économique et l’expérience internationale suggèrent que ces taxes « offrent » inéluctablement des opportunités de profits juteux et une « marge bénéficiaire garantie » au trafic illicite. Celui-ci peut alors se donner les moyens de bien s’organiser, de s’installer durablement et d’être plus dynamique que jamais. Il correspondrait déjà à 11% du marché mondial.

Mais ce n’est pas tout. Alourdir cette fiscalité – comme c’est le cas dans de nombreux pays dont la France – accroît la déconnexion entre le coût réel d’un paquet de cigarette et son prix sur le marché légal. Il arrive toujours un seuil au-delà duquel les consommateurs le désertent massivement et préfèrent s’approvisionner sur le marché parallèle.

L’exemple du Canada et du Québec, en particulier, au début des années 1990 illustre ce processus. Dans la droite ligne  de la lutte antitabac actuelle, la fiscalité y a subi à cette époque des hausses importantes et répétitives. Résultat ? Les ventes officielles ont fini par s’effondrer, avec une baisse de plus de 61% en 1993 par rapport à 1990. Les partisans de la lutte antitabac se sont sans doute réjouis d’avoir atteint cet objectif, sauf que cet effondrement n’a pas mis fin à la consommation de tabac. La réalité a été toute autre. Le trafic illicite a pris le « relais » au point de représenter 65% des cigarettes achetées au Québec début 1994, soit deux cigarettes sur trois.

Face à l’ampleur de la contrebande et à tous ses effets négatifs (produits de moindre qualité, baisse des recettes fiscales, etc.), les pouvoirs publics québécois ont fait machine arrière. En février 1994, ils décident – fait exceptionnel – de réduire le poids de la fiscalité de près de 80%. Le résultat fut alors immédiat. Le marché noir a été déserté à son tour et les ventes légales ont repris la main. Elles ont triplé dans les deux mois qui ont suivi par rapport à la même période en 1993. Le gouvernement québécois s’est alors dit « soulagé » de constater « la restauration complète du marché légal » qu’il avait lui-même pénalisé par une fiscalité à laquelle les consommateurs ne consentaient pas. Ce processus pourrait se reproduire ailleurs...

En France, notamment, les hausses répétées des taxes – représentant déjà plus de 80% du prix final – a  finalement impacté le marché légal ainsi que les recettes de l’Etat liées au tabac. Elles ont baissé au 1er trimestre 2013 pour la première fois en 10 ans de 2,50% par rapport à la même période en 2012 (ventes légales en baisse de -9%). Or, de nouvelles hausses des taxes sur le tabac sont déjà prévues pour cet été ou l’automne prochain.

Cette Journée mondiale sans tabac devrait être une occasion de réfléchir aux moyens de lutter contre les dangers du tabac sans créer en même temps d’autres effets sociaux indésirables. Les politiques publiques actuelles de « dénormalisation » du marché légal sont en fait autant d’opportunités pour la contrebande de tabac. Taxer toujours plus fort est en réalité le moyen le plus « efficace » de garantir la pérennisation et la prolifération du trafic illicite. Si les dangers du tabac paraissent réels, il faut trouver des moyens de « lutte » qui se fondent sur l’adhésion et le consentement des fumeurs. C’est de lui que dépend ultimement la décision d’arrêter de consommer du tabac ou non.

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