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A quoi sert France 24 ?
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Radio Paris

Alors que la fusion de France 24 et de RFI sera lancée cette semaine lors d'un nouveau conseil d'administration de l'audiovisuel - comme l'a confirmé mercredi dernier François Fillon - Yves Doutriaux, conseiller d'Etat, ancien ambassadeur auprès de grandes institutions internationales et ancien porte-parole du Quai d'Orsay revient pour Atlantico sur les débuts difficiles, les luttes intestines et les perspectives d'avenir de la chaîne internationale d'information francophone.

Yves Doutriaux

Yves Doutriaux

Yves Doutriaux est conseiller d’Etat et professeur associé à l’Université Paris I.

Il a rédigé plusieurs ouvrages sur les institutions européennes comme La diplomatie : les dessous des relations entre Etats (Editions Autrement, 2008) ou Euro gouvernance - Euro management (Editions Eska, 2010)

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La picrocholine guerre des chefs à France 24 entre Alain de Pouzilhac et son adjointe Christine Ockrent - dont la nomination en 2008 avait conduit son mari Bernard Kouchner, au grand dam des diplomates, à retirer au Quai d’Orsay sa tutelle sur l’audiovisuel extérieur au prétexte d’éviter tout conflit d’intérêt - aura au moins eu le mérite d’attirer les projecteurs en France sur le développement dans le monde de la chaîne française d’information continue. Sous l’impulsion obstinée de Jacques Chirac, France 24 a été lancée, en décembre 2006, par Internet, le câble et le satellite en français et en anglais puis, depuis 2007, en arabe, d’abord en France, en Europe, dans les pays arabes, en Afrique, New-York et Washington.

Un accouchement dans la douleur

Depuis les années 1980, on ne comptait plus les rapports parlementaires et gouvernementaux regrettant l’absence d’une CNN ou d’une BBC « à la française » diffusant, dans les langues les plus parlées, « un regard français sur le monde ». Ainsi en 2003, CNN et BBC s’étaient gardées de diffuser les applaudissements au Conseil de sécurité de l’ONU approuvant le discours de Villepin hostile à l’intervention américaine en Iraq. Il y allait de l’influence française alors que la langue de Molière est proportionnellement moins parlée et que le réseau des instituts culturels français manque cruellement de moyens.

Certes, le paysage audiovisuel extérieur français (le « PAEF » pour les jargonnants) ne manquait pas d’acteurs : Radio France International, la télévision francophone TV5, patchwork entre la France, le Québec, la Belgique et la Suisse dont la plupart des émissions restent issues des télévisions publiques de ces pays, la chaîne franco-allemande ARTE, Euronews, financée par des télévisions publiques de plusieurs pays européens…

Paris avait vainement imaginé le regroupement de ces chaînes et de leurs budgets fractionnés afin de mettre sur la table les centaines de millions d’euros indispensables pour lancer et faire fonctionner un service continu mondial multilingue d’informations télévisées concurrençant les autres grands réseaux. Les autres pays francophones s’étaient insurgés contre cette velléité ; ARTE a fait valoir sa spécificité ; quant à Euronews, la France, qui n’y est que minoritaire, ne pouvait y faire la loi d’autant moins que près de 30 % de son capital appartient désormais à des médias turc et russe. Nécessairement un nouveau média devait être créé ex nihilo ; mais, à peine lancée en 2006 en partenariat public/privé improbable entre les frères ennemis TF1 et France télévisions imposé par Jacques Chirac, France 24, par décision de Nicolas Sarkozy, est devenue en 2008 une entité propre, propriété à 100% de l’Etat dans le cadre d’une holding « audiovisuel extérieur de la France », possédant également RFI et 49% de TV5 Monde.

France 24 à la conquête du monde

Partie de rien, France 24 affiche aujourd’hui nécessairement une forte croissance de sa notoriété et de son audience : elle serait la chaîne internationale leader en Afrique francophone mais reste fatalement loin derrière CNN, Euronews et BBC en Europe ; au Maghreb, où elle devance CNN et BBC, elle cherche à concurrencer Al Jazeera. Au Moyen-Orient, la diffusion 24/24 en arabe depuis octobre 2010 devrait augmenter son audience. Son site Internet, dont le tiers du trafic viendrait des Etats-Unis, se situerait en 3ème position derrière ceux de CNN International et BBC World. La chaîne s’enorgueillit du recours aux moyens de diffusion les plus branchés : Internet interactif, site participatif « les observateurs » qui permet aux internautes témoins d’événements de publier leurs témoignages, version iPhone…

L’obstination de Jacques Chirac semble avoir abouti à de premiers résultats ; mais dans l’immédiat mieux vaut, comme le clame Frédéric Mitterrand, « siffler la fin de la récréation » dans cette absurde guerre entre les chefs de France 24 dont se gaussent ses grands concurrents étrangers. Tandis que la Chine développe la CCTV diffusée en 5 langues et ses instituts Confucius, « le succès diplomatique » dépend, selon Joseph Nye, le concepteur du soft power, « non seulement de quelle armée gagne mais aussi de quelles informations gagnent » : à condition que France 24 maintienne une ligne indépendante à l’instar de la BBC, sans langue de bois version CCTV, et dispose des moyens lui permettant de poursuivre son implantation vers l’Amérique latine et l’Asie et de fidéliser des journalistes de qualité, ce qui reste un défi.

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