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Une nouvelle ligne de fret ferroviaire inaugurée entre la ville chinoise de Chengdu et la ville polonaise de Lodz permet de relier en 12 jours les 10 000 km qui séparent les deux villes.
Une nouvelle ligne de fret ferroviaire inaugurée entre la ville chinoise de Chengdu et la ville polonaise de Lodz permet de relier en 12 jours les 10 000 km qui séparent les deux villes.
©Reuters

Tchou-tchou

La Chine et la Pologne ont inauguré une nouvelle ligne de transport de marchandise de fret. Le train est présenté comme plus rapide et moins coûteux. Le rail est-il l'avenir du commerce international ?

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Atlantico : Mardi une nouvelle ligne de fret ferroviaire a été inaugurée entre la ville chinoise de Chengdu et la ville polonaise de Lodz. Cette ligne permet de relier en 12 jours les 10 000 km qui séparent les deux villes. Ce moyen est plus rapide que le bateau et moins cher que l'avion. Dans le contexte actuel, le train peut-il se positionner comme un investissement d'avenir dans le domaine du commerce international ?

Alain Bonnafous : La solution ferroviaire est dans ce cas la meilleure car, aux extrémités, les deux villes sont continentales. L'autre solution impliquerait deux transports terminaux de Chengdu à Shanghai ou Hong Kong et de Gdansk à Lotz, donc deux ruptures de charge supplémentaires et un transport maritime de plus de deux semaines. Les opérateurs ont simplement observé que dans ce cas, le prix total pouvait être avantageux pour le rail et qu'une bonne semaine était gagnée sur la durée.

Le fret ferroviaire est-il, aujourd'hui, la meilleure équation entre le coût, l'impact écologique et le temps de transport ?

Concernant l'arbitrage coût-temps de transport, on doit évidemment distinguer les biens qu'il s'agit de transporter. Pour des pondéreux, on recherche des solutions pour lesquelles la tonne-kilomètre n'est pas coûteuse mais la vitesse n'est pas déterminante. Au contraire, pour des expéditions à forte valeur ajoutée incorporée, il vaut mieux aller vite et payer un peu plus cher le transport. De plus, pour chaque type de marchandises, ce n'est pas la même chose entre Chengdu et Lotz qu'entre Marseille et Ais en Provence : il y a autant de réponses que de couples origine-destination. Ces réponses dépendent de ce que les réseaux et les opérateurs peuvent offrir aux chargeurs. Ceux-ci choisissent en faisant un arbitrage sur le couple prix-vitesse ou, plus généralement, sur le couple prix-qualité de service.

Quels sont les avantages et les inconvénients liés à ce moyen de transport de marchandises ? A quel type de marchandise est-il plus adapté ?

Le ferroviaire ne fait pas du porte à porte contrairement au routier. Il en résulte qu'il présente peu d'intérêt pour les transports courts. Il devient compétitif à partir de 300 ou 400 kilomètres et il est d'autant mieux placé que les expéditions sont massifiées. Par rapport aux grandes tendances historiques de nos échanges un facteur est défavorable au ferroviaire : nous transportons de moins en moins de pondéreux à l'intérieur des continents. Un autre facteur lui est favorable : avec l'internationalisation de la production, la "portée" des échanges continue de s'allonger (de Chengdu à Lotz par exemple !).

Dans ce jeu, le fret ferroviaire a perdu des parts de marché en Europe à partir de la première guerre mondiale. Il n'en regagne que depuis le début des années 2000 après l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire. Le redressement a été enregistré en France en 2011 seulement en raison de la lenteur de cette ouverture qui a ménagé plus longtemps qu'ailleurs l'opérateur historique SNCF.

Pour l'impact écologique, c'est plus compliqué encore. Un institut allemand a étudié le bilan carbone d'un transfert de la route vers le transport combiné, c'est à dire avec une majorité du parcours qui se fait sur rail. Les résultats sont saisissants : Sur un trajet Avignon - Tunnel sous la Manche, l'économie de carbone peut grimper à plus de 90% lorsque le train est complet. Entre la région de Munich et celle de Milan, le passage de la route sur le rail a un bilan carbone toujours négatif, même si le train a un taux de charge maximum. Cela tient évidemment à ce que l'on tient compte des transports terminaux et surtout des sources d'énergie : le rail a un réel intérêt pour les émissions de gaz a effet de serre lorsque la traction est alimentée par de l'électricité d'origine nucléaire. Si l'électricité est d'origine fossile, l'argument écologique s'effondre.  

Quelle part du transport de marchandises le rail assure-t-il aujourd'hui ? Va-t-elle être amenée à augmenter ? Quelles sont ses perspectives de développement ?

Au Royaume Uni, la part du ferroviaire pour le fret s'était effondrée à moins de 8 % à la veille du big bang de la privatisation en 1994-1995. Elle était remontée à 14 % en 2010. En RFA, où le rail subit une énorme concurrence de la voie d'eau (Le Rhin représente 60 % du fret fluvial de l'Union Européenne), la part du ferroviaire était descendue à 19,2% en 2000 et s'est redressée à 22 % en 2010. En France, cette part était encore à 20,6% en 2000 et elle est descendue à 14 % en 2010, pour se redresser à partir de 2011 seulement. Il y a évidemment un avenir intéressant pour le rail partout où on est capable d'y réaliser des progrès de productivité, en particulier en misant sur la compétition concurrentielle. C'est plus compliqué lorsque l'on est soumis à la tyrannie des rentes de situation et du statu quo.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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