Daft Punk est-il encore à la hauteur du mythe qu'il a suscité ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Random Access Memories, le nouvel album des Daft Punk, sort ce lundi.
Random Access Memories, le nouvel album des Daft Punk, sort ce lundi.
©Reuters

R.A.M.

Random Access Memories, le nouvel album du groupe électro français Daft Punk, sort ce lundi. Le disque le plus attendu de l'année est-il à la hauteur des espoirs suscités chez ses fans ? Réponse avec Laurent de Sutter.

Laurent de Sutter

Laurent de Sutter

Laurent de Sutter est écrivain et éditeur. 

Passionné de cinéma, il dirige la collection "Perspectives Critiques" aux Presses Universitaires de France. Il vient de publier Théorie du trou aux éditions Léo Scheer. 

 

Voir la bio »

Atlantico : Le dernier album de Daft Punk sort aujourd'hui. En quoi cet album est-il différent des précédents ?

Laurent de Sutter : L’élément déterminant est bien sûr le passage d’un travail artisanal à un travail de studio. Pour R.A.M, le duo, qui avait toujours travaillé seul, s’est soudain entouré d’une myriade de maîtres de studio, de John Robinson à Paul Williams, en passant par les maîtres de la disco Giorgio Moroder et Nile Rodgers. Pourquoi ? Sans doute pour renforcer encore l’effet de voyage temporel que les albums de Daft Punk ont toujours cherché à produire. Comme l’ont toujours suggéré les couvertures des albums du groupe, leur univers se situe quelque part entre 1975 et 1981.

Ce lien avec la disco était le fond inavouable que les gens de goûts et les amateurs d’électro, qui avait fait de Daft Punk le groupe « mainstream » qu’ils pouvaient aimer, ont toujours refoulé. L’accueil contrasté aujourd’hui réservé à R.A.M est donc l’expression du malaise suivant : ce qu’il a longtemps été possible de faire semblant de ne pas voir est devenu absolument visible. Nous sommes de retour en 1977, mais du mauvais côté, celui du rock progressif et du funk – auxquels s’est, depuis cette date, opposée l’idéologie du punk et de l’électro.

Que pensez-vous de la "polémique" autour de l'album quant à la déception qu'il provoque chez de très nombreux critiques musicaux et fans ? 

Comme toute polémique de ce genre, c’est une polémique qui n’existe que dans la tête des « fans ». La phrase de Duchamp, « ce sont les regardeurs qui font le tableau » pourrait être la tagline de l’affaire. Il y a eu un mythe Daft Punk, qui était un mixte d’élitisme électronique et d’hédonisme de dancefloor. Mais ce mythe était un mythe critique, et un mythe de « fans » plus qu’une volonté du duo. C’est ce que prouve R.A.M : la musique de Daft Punk, jusqu’à aujourd’hui, c’était de la disco ratée – à présent, enfin, c’est de la disco réussie.

Ce qui paraît insupportable à beaucoup, dans l’irruption soudaine de ce « réel » de la musique de Daft Punk, c’est le rapport à un genre musical. L’idéologie punk ou électro est une idéologie postmoderne : elle ne croit aux genres que s’il est possible de les détourner, ou de les subvertir. Pendant un moment, on a pu croire que Daft Punk était un groupe postmoderne, alors que, comme on s’en rend enfin compte, il s’est toujours agi d’un groupe classique. C’est-à-dire d’un groupe éprouvant un authentique respect pour les codes et les règles propres au genre de la disco, et ne ressentant aucun désir de les faire sauter.

Depuis 1977, en matière de musique pop, le genre est considéré comme une cochonnerie conservatrice, voire policière : une police musicale. Mais ce que la critique a prétendu lui substituer ne vaut pas mieux, voire même moins bien : c’est une police sociale, une police des signes du bon goût. Ce que cherche la critique, ce sont les signes qui lui permettront de décider du statut d’un disque : bon ou mauvais côté de la barrière ? La musique, elle-même, compte pour presque rien dans une telle police, avant tout gouvernée par la peur d’être pris en flagrant délit de faute de goût. Daft Punk n’a pas eu cette peur. Rien que pour cela, leur album mérite d’être salué.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !