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Le crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi apparaît à beaucoup de chefs d’entreprise comme complexe et suspect.
Le crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi apparaît à beaucoup de chefs d’entreprise comme complexe et suspect.
©Reuters

Contre-productif ?

Le crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi était censé profiter au maximum d'entreprises afin de favoriser l'emploi et la croissance. Mais dans les faits, seules les grandes entreprises en profitent...

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Lorsque les seules perspectives du marché découragent les entrepreneurs à prendre le risque de l’investissement et de l’embauche, les Etats cherchent à se substituer à la volonté défaillante des chefs d’entreprise  pour les pousser, malgré tout, à aller de l’avant en réduisant leur risque. En novembre 2012, Le gouvernement était très fier d’avoir inventé dans le cadre de son Pacte national pour la croissance un nouveau système qui dans la panoplie de l’aide publique n’avait pas encore été exploré, le crédit-impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). En proposant ce mécanisme de stimulation, il avait pensé trouver la pierre philosophale qui devait d’un coup, et, suprême habileté, sans sortie immédiate de cash pour l’Etat,  «  financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Le produit ne manque pas d’ambition parce qu’il s’agit simplement de pousser le chef d’entreprise à reconsidérer avec optimisme chacun des composants de ce qui constitue au quotidien tous ses sujets de préoccupation.

Qu’est ce qui peut donc en période de stagnation, voire de récession économique, faire changer d’avis un chef d’entreprise  sur les perspectives futures de son activité alors que la raison  l’incline légitimement à la prudence ? Il faut que l’aide soit immédiate, tangible et sans contrepartie complexe.

Le CICE permet au chef d’entreprise qui paye des impôts sur les sociétés, ou sur le revenu, de constituer immédiatement en déduction de cet impôt, dès le début 2013, un crédit de 4% de la masse salariale de 2013, 6% en 2014, plafonnée à 2,5 fois le SMIC. Il peut aussi céder, si besoin est, cette créance à Oséo, à la BPI ou à une banque contre une  avance de trésorerie. Cette créance sera ensuite remboursée par l’Etat à l’établissement financier. Sur le papier, ce mécanisme doit inciter les chefs d’entreprise à conserver dans leurs effectifs les personnes gagnant entre un et 2,5 fois le SMIC et apparaît donc comme un système de baisse du coût du travail. Il permettrait, selon ses promoteurs,  à 1,5 million d’entreprises d’acquérir une créance fiscale de 13 Md€ dès 2013, et de 20 Md€ dès 2014.

Pour séduire les chefs d’entreprise, il faut d’abord leur faire comprendre ce mécanisme et convaincre tous les acteurs de la chaîne de faciliter l’exercice de ce droit de tirage spécial, administration fiscale comme banques. Le système apparaît à beaucoup de chefs d’entreprise comme complexe et suspect. Plusieurs fédérations patronales s’en émeuvent. D’ailleurs un effet inattendu est l’intégration du CICE, comme subvention à l’emploi, dans le calcul des indices sur lesquels sont basées les réévaluation de tarif des contrats à longue durée pourrait faire baisser les prix de ces prestations. Nul doute que le CICE ne recèle quelques effets pervers que l’administration fiscale n’aura pas identifié. C’est le sort de ces objets sophistiqués que sont les mécanismes d’aide dont est friande la France et qui visent à contourner quelques tabous fiscaux et sociaux.

Néanmoins, les informations qui filtrent sur la montée en puissance de ce système tendent à indiquer que les entreprises ont rapidement compris l’avantage de trésorerie immédiat qu’elles pouvaient en retirer pour disposer de l’oxygène dont elles sont dépourvues pour faire face à leurs échéances immédiates. Il s’agit bien de colmater les brèches créées par une économie atone et une dégradation continue des marges plutôt que de créer les 300000 emplois attendus par le gouvernement d’ici 2017.

Les investissements continuant à se dégrader depuis cinq trimestres consécutifs, il faudra beaucoup d’énergie pour convaincre les entreprises de consacrer cette trésorerie immédiate à des plans volontaristes d’investissement. Car en économie la leçon d’années d’aides publiques, qu’elles qu’en soient les modalités, est que seul les signaux du marché peuvent convaincre les entreprises à investir et à embaucher. Faute de relance de la demande, investissement comme consommation, le CECI est voué comme ses prédécesseurs à représenter un effet d’aubaine rapidement digéré par le tissu économique sans que les composants constituant les fondements robustes de l’économie – innovation, investissement, exportation – ne soient modifiés. 

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