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De quoi Mélenchon est-il le nom ?
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Election présidentielle

Sauf surprise, Jean-Luc Mélenchon devrait être désigné candidat du Front de gauche à la présidentielle ce dimanche à Montreuil. Mais qui est-il au juste ?

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson est historien et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Derniers ouvrages parus : L’empire des émotions. Les historiens dans la mêlée (Demopolis, 2008), 14-18. Retours d’ expérience  (Tallandier, 2008) et La gauche est-elle morale ? (Flammarion, 2010).

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« Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas». C’est ainsi que s’auto-définissait l’éruptif Jean-Luc Mélenchon, à l’occasion du congrès du Parti de Gauche, au Mans, en novembre 2010. Sur la seule base de cette formule fleurie, reconnaissons-lui une manière de lucidité, faute de lui céder le moindre atome d’humilité. Mélenchon, c’est d’abord un style, une grande gueule, dont l’agilité à se fondre dans un système qu’il dénonce le met au niveau des meilleurs de cette catégorie : son camarade Olivier Besancenot, comme son antonyme le plus radical, Jean-Marie Le Pen. Dénonçant les médias dont ils se disent tous les victimes, ils en sont en réalité les chouchous. « Bons clients », ils excitent la fibre obscène présente chez tout téléspectateur, qui contemple ces grands fauves comme l’on se fige devant tout ce qui tranche le gris de vies ternes ou douloureuses. Les journalistes chauffent Jean-Luc Mélenchon qui se laisse chauffer non sans une certaine délectation. Il est le Georges Marchais de l’ère numérique : « Taisez-vous Pujadas ! »

Du trotskisme aux spotlights médiatiques : un parcours inattendu

Les plus distingués politologues pourront s’entredéchirer encore longtemps sur la nature du « populisme » et s’interroger avec gravité sur le fait de savoir si Jean-Luc Mélenchon en relève ou non, ils n’obtiendront, par ce versant de leur réflexion, qu’une partie de la réponse à l’énigme de son succès. Qui eût pensé en effet que ce militant trotskyste des années 1970, issu de l’une des branches les plus sectaires de cette famille, l’OCI, entré au Parti socialiste en 1977 avec l’espoir d’y inoculer la culture révolutionnaire qui lui faisait défaut, bientôt fasciné par la personne de François Mitterrand, élu sénateur, puis nommé ministre délégué à l’Enseignement professionnel du gouvernement Jospin en 2000, qui eût pensé donc que Jean-Luc Mélenchon pourrait achever sa carrière avec succès comme incarnation d’une gauche de la gauche intègre, et que chaînes de télévision et de radio se le disputeraient ?

Quand Front populaire rime avec spectaculaire

Rien de bien neuf dans son message. On y reconnaît une philosophie politique très « Front populaire », où se mêlent les bribes d’un vocabulaire marxiste et les mythes propres à l’héritage jacobin : foi en l’Etat, hypostase d’un « peuple » sanctifié, haine des hiérarchies instituées. Ses analyses sont bordées par une conception simplifiée de la lutte des classes et ses propositions réduites à quelques recettes qui font le plus souvent l’économie du monde réel. Le principal registre discursif est celui de l’indignation. L’intendance suivra, comme le soutient son conseiller économique, Jacques Généreux, dont les talents médiatiques font merveille, à défaut de la rigueur scientifique qui laisse perplexe plusieurs de ses collègues économistes. Chez Mélenchon, il y a du Paul Lafargue, le tumultueux et non conformiste gendre de Marx, qui réclamait la journée de trois heures dans son fameux Droit à la paresse.

Il n’est pas assuré que tout cela soit à même de garantir à Jean-Luc Mélenchon les résultats électoraux auxquels il aspire. Des deux ingrédients qui font la politique dans les démocraties modernes, les idées et le spectacle, il sacrifie sans doute trop les premières au profit du second. Le peuple est moins jobard que certains semblent le penser : il pourrait bien finir par s’en apercevoir.


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