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Banlieues : les bandes, une véritable mafia
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Ma cité va craquer

Après le lynchage d'un jeune homme à Noisy-le-Sec, le maire de Sevran Stéphane Gatignon, ancien communiste désormais membre d'Europe Écologie, tire la sonnette d'alarme sur le phénomène des bandes. Selon lui, "les hommes politiques ne comprennent rien à la banlieue".

Stéphane Gatignon

Stéphane Gatignon

Stéphane Gatignon est maire de Sevran.

Né à Argenteuil, il est conseiller général de Seine-Saint-Denis. Ancien communiste, il a rejoint en 2009 "Europe Écologie". Il s'est prononcé pour la légalisation du cannabis et a co-écrit avec Serge Supersac Pour en finir avec les dealers. Grasset (6 avril 2011)

 

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En tant que maire d'une ville difficile de banlieue, avez-vous constaté une radicalisation des « bandes » ?

Stéphane Gatignon : Il y a encore dix ans les bandes pouvaient être résumées à un quartier, des jeunes et  une histoire commune. Les plus jeunes respectaient les anciens, les grands frères... Aujourd’hui, la situation est différente. A Sevran, la ville dont je suis maire, le trafic a bouleversé la donne. On a des jeunes qui veulent prendre le terrain des plus grands. On se dirige vers des petits clans qui demain pourraient se transformer en nouvelles bandes.

Dans les années 1960-70, il y avait certes de la violence - les loubards ne rigolaient pas - mais désormais cette violence est exacerbée. A Sevran (NDLR : une ville de 50 000 habitants), on compte 100 à 150 individus armés en ville. Beaucoup ont des armes à poing. Je ne parle pas de couteaux là, mais de flingues ! On a tout de même retrouvé des grenades à Sevran, un bazooka à Grenoble…

S’agit-il d’exemples disparates ou d’un phénomène de fond ?

Je pense qu'il s'agit d'un phénomène de fond dont il faut s’inquiéter. Aujourd’hui, le problème c’est que la réussite pour les jeunes ne passe plus par l’école mais plutôt par l’argent.

Le trafic devient une mafia. Et il faut arrêter de penser qu’on y trouve uniquement des gens qui sortent de la classe de cinquième. Il y a des avocats, des experts comptables,... La mafia se structure. Elle a investi dans les commerces, l’immobilier, les boites de strip-tease... et maintenant elle investit dans le nettoyage, les entreprises de sécurité, demain dans l’électricité. Plus tard, ils risquent d’acheter des hommes politiques pour obtenir des marchés publics. A ce rythme, on risque de se retrouver dans une situation semblable à celle que connaît l’Italie…

Comment peut-on faire pour lutter contre ces bandes ?

Il faut réussir à faire évoluer les mentalités à propos de la réussite. Il faut en finir avec le culte de l’argent roi. Surtout, il faut voir la France telle qu’elle est : aujourd’hui la société est cosmopolite, la « France blanche », c’est finie ! La culture française se construit désormais à partir d’une multitude de cultures, chacun apporte sa pierre a l’édifice.  

Par ailleurs, 50% de la population mondiale vit dans des zones urbaines, dans 20-25 ans ce sera 80 %. Il faut en finir avec les ghettos et lutter contre le crime organisé.

Enfin, sortons de la prohibition : il faut libéraliser la vente du cannabis. C’est fondamental pour essayer de briser les trafics, on ne peut plus continuer à vivre avec cette angoisse. Des gens sont morts à cause de ces trafics : il existe en effet une porosité entre narcotrafic et vente d’armes. Il y a quinze jours, à Sevran, la police a joué le rôle de force d’interposition entre deux bandes, comme une force de l’ONU.

Soit on prend conscience de ces évolutions, soit on finit comme dans le film Banlieue 13 produit par Luc Besson, avec des mafias ethnicisées.

Et aujourd'hui, les bandes sont-elles « ethnicisées » ?

Il existe des formes d’ethnicisation. On se regroupe entre gens qu’on connait le mieux. Mais c'est de de territorialisation dont il convient de parler plutôt que d’ethnicisation.

Vous avez été membre du Parti communiste, vous êtes désormais à Europe Écologie. Comment jugez-vous l’action de la Gauche sur ces questions ?

Je pense que depuis 25-30 ans, la gauche a loupé les évolutions de la société. Dans les années 1980, de nombreux maires de gauche ont empêché l’installation de mosquées dans leur ville, les musulmans ne pouvaient pas prier normalement, et par conséquent ils ne se sont pas sentis reconnus. Finalement, il a fallu attendre que Jean-Louis Borloo arrive au Ministère de la ville pour réellement essayer de faire avancer les choses dans les banlieues.

Quand je lis le programme du parti socialiste, je vois qu’il est question de fiscalité, mais il n’y a pas une ligne sur la question de l’impôt local et c’est cet impôt là qui pèse souvent le plus sur les classes populaires.

Vous êtes né à Argenteuil. Comment, à titre personnel, percevez-vous l’évolution de la vie en banlieue depuis votre jeunesse ?

Jusqu’à 25 ans, j’ai vécu dans la ZUP Argenteuil, puis en HLM toujours à Argenteuil, et aujourd’hui à Sevran. Moi, j’aime la banlieue. Quoi qu’on en dise, le département d’avenir pour la France c’est la Seine Saint-Denis et toute sa jeunesse. Mais cette ghettoïsation, c’est désespérant…

De droite comme de gauche, quasiment tous les hommes politiques ne comprennent rien à la banlieue. C’est ça qui est terrible. Par exemple, mes collègues me disent qu’il ne faut pas parler de dépénalisation du cannabis. D’une part, parce qu’ils ne savent pas de quoi il s’agit. D’autre part, car la majorité de la population y est opposée et qu'ils ont donc peur de ne pas être réélus. Je considère qu'il faut avoir ce débat là.

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