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La crainte d'un krach plane sur les marchés.
La crainte d'un krach plane sur les marchés.
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Décod'Eco

L'économie mondiale est au bord de la banqueroute. Les prévisions se font de plus en plus inquiétantes et les économistes redoutent un effondrement, car il existe de nombreuses similitudes avec la situation du krach obligataire qui a eu lieu en 1994.

Cécile  Chevré

Cécile Chevré

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’Institut national des techniques de documentation (INTD). Elle rédige chaque jour la Quotidienne d'Agora, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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La crainte d'un krach plane sur les marchés. Pas seulement celle d'un krach des marchés actions, mais aussi celle d'un krach obligataire. Et en matière de krach, 1994 est LA référence.

Commençons d’abord par ce qu’est un krach obligataire. Vous le savez, le rendement et le cours des obligations évoluent de manière inverse. Si le prix monte, le rendement baisse. Et inversement. Aujourd’hui, comme les obligations, en particulier les bons du Trésor, sont des placements très recherchés, les rendements sont en baisse, voire même négatifs pour certaines obligations à court terme de pays comme l’Allemagne. Pour résumer, plus une obligation est recherchée, plus son prix augmente et donc plus son rendement (= le taux de l’obligation / son cours) baisse.

Quand les investisseurs se mettent à vendre tout d’un coup trop d’obligations en même temps, leur cours s’effondre et leur rendement s’envole.

C’est ce qui s’était passé en 1994. En février, la Fed avait décidé de remonter ses taux directeurs. Oh de pas grand-chose au départ, de 0,25 point, les faisant passer de 3% à 3,25%. Et pourtant ce quart de point était parvenu à affoler les marchés. La raison à cela : ils ne s’attendaient pas du tout à une telle décision et ils l’ont très mal interprétée. Ils y avaient vu les prémices d’une politique de durcissement des taux et d’un effondrement du cours des obligations. D’où la panique généralisée qui s’en était suivie. En un an, la Fed a en effet fait passer son taux directeur de 3% à 6%. Les pertes sur les portefeuilles obligataires ont mis au tapis plus d’un investisseur et même une grande banque londonienne.

Un krach obligataire est-il possible aujourd’hui ? Les avis divergent. Certains estiment improbable un scénario semblable à ce qui s’était passé en 1994 car cela sous-entendrait que la Fed est prête à remonter ses taux directeurs. Et il est vrai que jusqu’à présent, la Fed en semble très éloignée.

Pourtant, les similitudes entre la situation actuelle et 1994 ne manquent pas : taux directeurs et rendements extrêmement bas ainsi qu’absence visible d’inflation. Et pourtant, en 1994, la Fed avait décidé de remonter ses taux.

Voici ce qu’a déclaré Lloyd Blankfein mercredi 2 mai : “Maintenant je suis inquiet. Je lorgne sur 1994… Vous pourriez penser qu’on aurait dû s’y attendre… ce fut estomaquant“.

Si vous ne savez pas qui est Lloyd Blankfein, voici de quoi donner du poids à son propos puisqu’il est le président de Goldman Sachs. Oui, Goldman Sachs, qui comme le rappelait Simone Wapler dans sa Stratégie est : “l’un des plus grands courtiers obligataires du monde. Il est proche des gouvernements et des banques centrales“. Autant dire que si Goldman Sachs s’inquiète d’un krach obligataire, vous devriez faire de même.

Les craintes d’un krach obligataire ont été rallumées la semaine dernière par la publication de chiffres meilleurs que prévus de l’emploi américain. Cela paraît étrange, mais dans le fond, les marchés n’ont aucune envie de voir l’emploi se reprendre car cela signifierait une possible remise en cause de la politique accommodante de la Fed et une remontée de ses taux directeurs.

“En mars, le rendement des bons du Trésor à 10 ans se montait à 2%. Vendredi 3 mai, juste avant les chiffres de l’emploi américain, le rendement s’établissait à 1,63% puisque les précédentes données avaient été jugées décevantes. Juste après les derniers chiffres considérés comme bons, les rendements du 10 ans ont bondi à 1,74%“, expliquait Simone à ses abonnés.

Depuis que la Fed s’est lancée dans le quantitative easing et les taux bas, la vraie question est : comment va-t-elle pouvoir s’en sortir sans mettre le feu ? C’est ce que résumait très bien Nouriel Roubini dans une tribune publiée par les Echos le 2 mai dernier : “L’émission d’obligations de mauvaise qualité et risquées, sous des engagements contractuels vagues et à des taux d’intérêt excessivement faibles est en augmentation ; le marché boursier atteint de nouveaux sommets malgré le ralentissement de la croissance ; et l’argent se dirige en masse vers les marchés émergents à haut rendement. (…) La sortie des politiques de QE et de taux d’intérêt de la Fed sera redoutable : une sortie trop rapide provoquerait un krach de l’économie réelle, tandis qu’une sortie trop lente commencera par créer une énorme bulle et provoquera ensuite un krach du système financier.”

L’inflation, la grande inconnue

Pour le moment, la Fed n’a aucun intérêt à remonter ses taux. Reste à savoir si elle ne finira pas par être obligée de le faire. Car c’est sur ce point que réside le fond du problème : l’inflation. Oui, oui, je sais, pour l’instant l’inflation est inexistante ou presque.

Mais depuis le début de la crise, les banques centrales ne cessent de pratiquer l’impression monétaire. Je vous renvoie au graphique qui accompagnait l’article Eberhardt Unger, “Ce que signifie l’impression monétaire”. Il représente l’évolution du bilan (le reflet de l’impression monétaire) de la Fed, de la Banque du Japon et de la BCE ces dernières années.

Si la Fed poursuit son QE 4 (soit des rachats à hauteur de 85 milliards de dollars par mois), le total de son bilan, qui se monte aujourd’hui un peu moins de 20% du PIB américain, en représentera 30% en 2015. Difficile de croire qu’à moyen terme, nous puissions éviter l’inflation. Dans ce cas, il faudra que la Fed puisse gérer en douceur sa remontée de taux si elle veut éviter de voir l’inflation filer.

Les rendements risquent d’échapper aux banques centrales

Les plus optimistes soulignent que cette opération se fera en douceur et, contrairement à ce qui s’est passé en 1994, en toute transparence. Le gros problème, c’est que cette théorie repose sur une croyance : que les banques centrales seront capables de maîtriser les rendements obligataires.

Si, actuellement, les rendements des obligations sont au plus bas, c’est de manière tout à fait artificielle. Quand les Etats-Unis émettent de la dette, c’est la Fed qui la rachète. En quelques années, la banque centrale américaine est devenue le 3e possesseur de bons du Trésor au monde. Sans elle, le marché obligataire prend feu. La Banque du Japon et la Banque d’Angleterre font la même chose. Même la BCE s’y met, même si c'est de manière moins officielle.

Depuis 4 ans, les marchés acceptent donc un rendement au plus bas, qui n’a plus rien à voir avec le risque réel encouru. En temps normal, un investissement peu risqué vous offre un rendement minimum. Mais alors que les Etats n’ont jamais été autant endettés, que cette dette ne pourra jamais être remboursée, les rendements obligataires sont extrêmement bas.

Le contrôle des rendements risque donc d’échapper aux banques centrales quand les investisseurs prendront conscience que les obligations souveraines ne sont pas des placements si sûrs que cela.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

En cas de krach obligataire, toutes les banques pâtiront, et tout particulièrement les banques centrales qui devront encaisser des pertes conséquentes. Selon des calculs de Bloomberg, si les taux directeurs de la Fed augmentaient de 0,75 point de base d’ici à 2014, les pertes pour un investisseur qui aurait investi 10 millions de dollars dans des obligations à 30 ans au taux de 2,83% se monteraient à 874 000 $. Et à 1,2 million si la remontée des taux avait lieu cette année.

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