L'Australie baisse son taux directeur au plus bas historique : pourquoi elle pourrait bien être le premier pays anglosaxon à connaitre un scénario grec<!-- --> | Atlantico.fr
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La Banque centrale d'Australie a réduit mardi son taux d'intérêt directeur de 25 points de base à 2,75%.
La Banque centrale d'Australie a réduit mardi son taux d'intérêt directeur de 25 points de base à 2,75%.
©Flickr / fabvirge

Attention danger

La Banque centrale d'Australie a réduit mardi son taux d'intérêt directeur de 25 points de base à 2,75%, un niveau jamais atteint jusqu'à présent, afin d'encourager la croissance dans les secteurs économiques autres que les mines.

Bruno Bertez

Bruno Bertez

Bruno Bertez est un des anciens propriétaires de l'Agefi France (l'Agence économique et financière), repris en 1987 par le groupe Expansion sous la houlette de Jean-Louis Servan-Schreiber.

Il est un participant actif du Blog a Lupus, pour lequel il rédige de nombreux articles en économie et finance.

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La Banque Centrale d'Australie, la RBA,  vient de baisser son taux directeur à 2,75% contre 3% auparavant. La baisse était attendue par les économistes , mais elle est venue plus tôt que prévue. On l'attendait pour juin. C'est un signe que la dernière baisse intervenue en décembre n'a pas produit les résultats escomptés. Nous sommes en dessous des taux qui avaient prévalu en 2009 , lors de la crise. Le niveau bas de cette époque , 3% , avait été qualifié par les autorités de taux de crise, "emergency low". On est en-dessous du taux de crise.

Les raisons invoquées par la RBA sont comme à l'accoutumée : la croissance plus faible que prévue, le chômage qui monte, le secteur manufacturier qui plonge, des exportations qui s’essoufflent. Il s'agit de stimuler l'économie, l'emploi, le logement mais il est aussi ajouté explicitement l'objectif de  faire chuter la devise. Le dollar australien est trop cher, il vaut 1,01 dollar US, il valait 60 cents du même dollar en 2009. C'est le résultat de la spéculation dite risk-on.

Pourquoi s'intéresser à l'Australie ? C'est loin, a priori nous ne sommes pas concernés. Et puis des baisses de taux directeurs, ce n'est pas rare. Sur les 168 décisions prises par les 90 banques centrales cette année plus de 20% ont été des décisions de baisse. Un chiffre qui va croissant. Rien que la semaine dernière, il y a eu quatre baisses dans le monde, dont celle de la BCE. Justement il y a beaucoup de baisses de taux et une de plus comme celle de la RBA a valeur phare, cela veut dire quelque chose: le monde rentre dans une phase délicate, une nouvelle phase de ralentissement. Une fois de plus , malgré le printemps, les jeunes pousses de Bernanke, les "green shoots" ne sont pas au rendez vous, les racines ont une fois de plus pourri.

La RBA a pris sa décision de façon anticipée parce que la situation se dégrade plus vite et plus profondément que prévu. Les espoirs de reprise au second semestre sont une fois de plus reportés.

La croissance globale recule, faiblit. Les organismes internationaux donnaient une prévision de 5,5% pour les pays émergents en 2013. Compte tenu du début d'année et des indicateurs PMI disponibles, on sera plus près des 4%. Pour les pays développés, ils donnaient 1,4% , mais il va falloir réviser plus près des 1%. Au total compte tenu du poids respectif des émergents et des développés, on s'achemine vers une croissance globale qui ne sera pas supérieure à 2%. Et pour un pays exposé comme l'Australie, cela change tout.

L'Australie est un canari dans la mine en raison de son exposition aux matières premières. Elle subit à plein la baisse des quantités vendues et la baisse des prix alors que les investissements marquent un pic. Les derniers indicateurs chinois font peur, on est à la limite de la récession avec un PMI à 50,6 seulement. Et puis les  firmes chinoises ont encore des stocks énormes de matières premières.

L'Australie a valeur importante dans le tableau de l'économie mondiale à plus d'un titre. Elle a bénéficié du grand cycle des matières premières, du grand bond chinois; elle a bénéficié d'afflux de capitaux considérables attirés par le risk-on, sa monnaie est un refuge anti-inflation, adossée aux commodities. Voila pour les bons cotés. Car à l'inverse l'économie australienne est bullaire, les salaires ont dérapé, les prix des logements sont sortis de l'épure, le secteur manufacturier hors mines n'est plus compétitif, l'épargne intérieure est très faible, le pays dépend des entrées de capitaux étrangers. Les particuliers sont très endettés, la dette extérieure nationale a été multipliée par 5 entre 2008 et 2012.

L'Australie est l'exemple de l'économie mal ajustée, vulnérable à la déflation et à un retour du risk-off. Elle est fragilisée par les excès antérieurs de la spéculation mondiale. Le secteur financier est hypertrophié très exposé à l'international pour son refinancement. 

On dit que Soros a vendu pour 1 milliard de dollars australiens à découvert. Vrai ou faux  cela fait réfléchir  Le pays est l'exemple type de ce qui s'est passé et a dysfonctionné ces dernières années. Il suffirait que la fameuse transitivité se mette en branle et la situation pourrait devenir rapidement très sérieuse.  La situation fondamentale est vulnérable et déséquilibrée. Contrairement aux apparences, le chômage est très élevé. Le chiffre officiel est de 5,6% mais le réel est de 11% , le sous emploi est de 18% , 40% de la main d'œuvre est à temps partiel ou sous employée.

De « safe haven » , le pays pourrait rapidement se transformer en enfer:

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